Vous avez beau vous débattre, chacun de vous est prisonnier de son temps. Il y a un air du temps, il y a un esprit du temps qui est plus fort que tout et dont vous êtes prisonniers. Il commande votre action, il commande votre pensée.
Enfin, tu ne t'imagines tout de même pas que c'est toi qui décides de ton sort ?
Je m’appelle Simon Laquedem. J’ai trente-trois ans. Je vis seul aux Buttes-Chaumont. Ma vie est terne. Il n’y a que le travail pour l’occuper.
Que le temps soit de l’esprit crève les yeux même des aveugles. L’espace tu le vois, tu le mesure, tu peux le toucher sous forme de terre ou d’eau, tu le traverses dans tous les sens, tu vas, tu viens, tu reviens sur tes pas, tu le parcours et il est là. Même s’il ne cesse de s’accroître et de se dilater, il a quelque chose de rassurant. C’est un terrien avec de la glèbe à ses souliers. Il est bon garçon, il inspire la confiance. On s’en ferait volontiers un ami. La preuve : vous voyagez.
Le temps, lui, personne ne c’est qui c’est. Il n’a ni taille, ni forme, ni odeur, ni saveur. Il est dissimulé et secret. Aussi présent que l’espace, il n’est pourtant jamais là. Il est toujours ailleurs. Il a quelque chose d’un voyou. Comme la pensée et l’esprit, il est subtil et inquiétant.
Je ne suis pas écrivain. J'ai lu pas mal de livres. Ils m'ont appris une chose : écrire est très difficile.
Je suis un homme de Dieu. Je n'y peux rien : un ange m'a touché de son aile.
Seigneur ! lui dis-je, n'as-tu voulu me parler que pour me désespérer ?
L'air est le domaine des aigles, des hirondelles, des abeilles, des papillons. Peut-être arrive-t-il à l'hirondelle de se dire qu'elle volerait mieux si l'air ne la gênait pas ? Il ne se laisse pas intimider. Il soutient les ailes, il enfle les poumons, il s'entend bien avec les forêts, les vents ont besoin de lui, et les sons, et le sang, il est le complice de la vie. L'air est le compagnon déshérité de la lumière dont il n'a ni la splendeur, ni le charme, ni l'universalité. Il est modeste et utile et il entretient avec la musique et le chant des liens qui lui font honneur et qui le transfigurent.
Tous les êtres circulent les uns dans les autres. Tout est en flux perpétuel. Tout animal est plus ou moins homme, tout minéral est plus ou moins plante, toute plante est plus ou moins animal. Il n’y a qu’un seul individu, c’est le tout. Naître, vivre et passer, c’est changer de forme.
"je pourrais te parler pendant des heures de ma créature bien-aimée, le temps. j'ai aimé le jour et la nuit, les étoiles dans le ciel, et le retour des saisons, la lumière et l'eau dont je te parlerai. j'ai surtout aimé le temps. je me suis épaté moi-même d'avoir inventé cette invraisemblable évidence.. "