Le portrait d'un homme heureux. André Le Nôtre, 1613-1700

Sans commanditaire, l'oeuvre d'un jardinier demeure dans les cartons. Pour devenir réalité, le rêve a besoin d'espace et d'argent. Plus qu'aucun autre art, celui des jardins dépend d'un bon vouloir allié à de gros et durables moyens.

Les seules vérités qui vaillent sont des vérités lentes.

Rien ne vaut, pour travailler tranquille, de répéter aux plus forts que vous ce qu'ils aiment à vous entendre dire. (p.100).

Le Nôtre et son immense équipe parviennent à ce prodige: allier l'art le plus subtil à la propagande la plus éhontée. (p.68).

Souvenez-vous de tout ce que vous avez vu de jardins en France, Versailles, Fontainebleau, Vaux-le-Vicomte et les Tuileries, et surtout Chantilly.
(P151)

Certains jours, malgré la passion qu'on en a, Versailles ennuie. Trop d'espace accable. Trop de vide entre les arbres, trop de silence dans des allées trop larges. Cet ennui vient de l'inculture. Du fait de notre ignorance, nous marchons dans une oeuvre amputée. Comme dans un opéra où les chanteurs s'époumoneraient sans qu'aucun air nous parvienne.

Si l'écriture, la peinture, la sculpture, la musique, les médailles du roi apportent leurs pierres séparées à l'éloge, le jardin peut lui offrir une mythologie qui les rassemble toutes. Et l'inscrire dans une espace où chacun se promène. Et l'installer dans le cycle du temps, saison après saison, la légende s'éternise.

A l'heure où l'accoucheuse épuisée regagne son logis de la rue Saint-Nicaire, suivie par une colonie de chats tant elle sent fort la sueur et le sang, Les aponais avalent lentement la couleuvre d'avoir été défaits par les Coréens.

Les puissants, qui ont tout dans cette vie, n'attendent plus qu'une chose : l'immortalité. Faisons leur confiance pour mettre autant d'habileté et d'achernement à la construire qu'ils en ont déployé pour accèder au pouvoir.

Le goût de la botanique est, avec la boisson et la religion, l'un des refuges favoris des passionnés déçus. On s'y console doucement des batailles perdues en amour ou en politique. p. 111