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3,4

sur 320 notes
Le plongeon prometteur a bien failli se transformer en un plat mémorable. La déviation de la ligne de nage aurait pu m'apparaitre comme un pas de côté intéressant, ce fut une brasse à contre-courant laborieuse.

L'allégorie pourtant avait tout pour me plaire. Julie Otsuka se base sur les sensations des nageurs de piscine, les passionnés de l'eau chlorée, qui suivent obstinément dans ce lieu clos et protégé, aux règles immuables, à la température toujours constante, leur ligne de nage selon leurs habitudes et leurs niveaux, pour analyser ce qui se produit lorsque des failles apparaissent au fond de la piscine.
Peur, angoisse, incompréhension, fuite pour certains, paranoïa, complotisme, acceptation, voire accueil bienveillant, les réactions de nos personnages sont variés, un brin exagérés frôlant par moment le burlesque (mais c'est une allégorie n'arrêtais-je pas de me dire en moi-même). Jusqu'à la multiplication des fissures qui sonne le clap de fin. La piscine ferme. Mort de l'activité, de la passion devrait-on dire, pour les personnes du quartier dont cette Alice, vieille dame qui n'a déjà plus toute sa tête. le début de la fin pour elle, les fissures se propageant désormais dans son cerveau, à l'origine d'une démence qui la conduira tout droit dans un institut pour personnes âgées dépendantes.
Avec froideur et un certain cynisme, l'auteure nous raconte cet autre milieu dans lequel il faut rester dans sa ligne de nage, à savoir prendre ses médicaments à heures fixes, respecter les horaires de repas, manger ce qui nous est donné, éteindre pour dormir à heures fixes, avoir toujours la télévision allumée la journée, ne pas faire de vagues, sous peine d'octroi de sédatifs vous rendant enfin conformes aux exigences de cette piscine mouroir. Si l'allégorie peut paraitre intéressante, je l'ai trouvé quelque peu artificielle, tel un exercice de style poussif n'allant pas de soi.

Le ton est froid, tranchant, nerveux et nous comprenons peu à peu que Julie Otsaka parle de sa propre mère et surtout de sa culpabilité de ne pas avoir été présente lorsqu'elle allait encore bien, de l'avoir délaissée, d'avoir fermé la porte. C'est sa honte qui transpire derrière ce ton, ton qui m'a mise extrêmement mal à l'aise mais qui se comprend tant elle semble vouloir à la fois faire un devoir de mémoire vis-à-vis de sa mère, tout en désirant faire mention de sa culpabilité. «Tu lui a tourné le dos. Tu es devenue silencieuse, immobile, comme un animal. Tu lui as brisé le coeur et tu as écrit. Et maintenant à présent que tu es enfin de retour, c'est trop tard ».

De ce fait, elle dévoile dans un style clinique et glacial les dernières années de la vie de sa mère dans cet institut, de longs passages dans lesquels l'institut nommé Bellavista, semble informer sa patiente au sujet de son état :
«Il y aura – si vous avez de la chance – des jours entiers à passer. Peut-être finirez-vous comme Miriam, chambre 11, par marcher inlassablement dans les couloirs pendant des heures -Quelqu'un a vu ma brosse ? - Ou votre pas ralentira jusqu'à ce que vous trainiez les pieds d'un rythme régulier. Peut-être déciderez-vous de rester devant la fenêtre tous les après-midi après le déjeuner le temps de digérer, à regarder défiler les voitures (un des passe-temps préférés de beaucoup de nos résidents masculins). – Impossible qu'il s'arrête au feu ! – En règle générale, vous devez vous attendre à passer approximativement 32% de vos heures de veille à ne rien faire, 36% de votre temps de veille à ne faire presque rien, et le reste de votre temps libre à participer à des groupes d'activité modérée tels que le Cercle d'activité (optionnel mais tout à fait recommandé), le Jeu de quête (obligatoire), Attention à attention, des exercices cérébraux ainsi que la version gratuite de la machine à mémoire Souvenons-nous ».

Tout le livre est marqué par cette écriture énumérative, descriptive, des listes à la Prévert pour décrire les habitudes, les raisons, les conséquences, les interrogations, les règles. Une écriture qui ne permet pas l'empathie, qui ne laisse pas place à l'émotion. Si à chaque début de chapitre, ce style peut faire sourire et être agréable, il est de plus non dénoué d'humour, au bout de quelques pages cela devient quelque peu indigeste et répétitif.

« Là-haut, il y a des incendies, des alertes à la pollution, des sécheresses bibliques, des bourrages papier, des grèves des profs, des insurrections, des révolutions, des journées caniculaires qui semblent ne pas avoir de fin (Un « dôme de chaleur » s'installe de manière permanente sur toute la côte Ouest), mais là en bas, à la piscine, règne toujours la température confortable de vingt-sept degrés. le taux d'humidité est de soixante-cinq pour cent. La visibilité est bonne. Les couloirs de nage, calmes et en ordre. Les horaires, bien que limités, sont adaptés à nos besoins… ».

Les derniers chapitres du livre cependant sauvent l'ensemble et m'ont émue. le tout dernier chapitre notamment. le tout dernier paragraphe surtout. le ton froid laisse place aux souvenirs, aux relations entre cette mère et sa fille, à la place délicate du père face à la maladie de sa femme. Là seulement, dans ces derniers mots, je fus enfin réellement touchée…A se demander si tout ce qui précède est une sorte d'exutoire qui aurait permis à Julie Otsaka de renouer avec la mémoire maternelle. Espérons-le.

Je remercie Babelio et les éditions Gallimard pour cette Masse Critique privilégiée qui m'aura permis de replonger dans l'univers de Julie Otsaka que je n'avais pas relu depuis son très beau livre "Certaines n'avaient jamais vu la mer".
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J'ai aimé les précédents romans de Julie Otsuka, Quand l'empereur était un dieu et Certaines n'avaient jamais vu la mer. C'est donc emplie d'un optimiste allant que j'ai ouvert La Ligne de nage … que je referme assez dépitée de n'avoir point adhéré à son propos et surtout à sa forme.

Cela commence plutôt bien avec une étude amusante du quotidien d'une communauté hétéroclite de nageurs qui se côtoient dans une piscine souterraine, chaque membre ayant ses rituels, ses motivations à venir nager, microcosme de la société américaine tant les profils sont. Julie fait un choix narratif osé, celui du « nous » narratif des nageurs qui se croisent, se chamaillent, se fréquentent, unis par leur dévotion à la natation et leur désir de fuir le monde d'en haut.

Et puis une fissure apparait au fond de la piscine, inexpliquée, situation donnant lieu à des réactions au surréalisme loufoque. Et puis la piscine ferme selon le principe de précaution. du « nous » foisonnant, émerge une nageuse, particulièrement touchée par cette rupture du quotidien : Alice, retraitée, qui est atteinte de la maladie de Pick, premier stade, maladie neurodégénérative proche d'Alzheimer, elle qui oubliait peut-être la combinaison de son casier mais jamais les gestes rassurants et apaisants de la natation.

Dans la deuxième partie, le ton change très abruptement. Finie la comédie sociale presque acidulée, direction l'EHPAD où vit désormais Alice. le ton se fait acerbe et sarcastique pour raconter la nouvelle vie d'Alice. Un nouveau choeur antique « nous » apparaît, la voix des oppresseurs, celle malfaisante et sadique de l'institution médicale qui illustre violemment la cruauté de la sénilité en énumérant notamment toutes les choses qu'Alice ne pourra plus faire et tout ce dont elle ne se souviendra plus jamais.

Je suis pas parvenue à trouver le liant entre ses deux parties totalement disjointes. Sans doute l'EHPAD est-il le contrepoint cauchemardesque du monde de liberté totale qu'était la piscine pour Alice. Sans doute les deux lieux gomment-ils toute différence sociale, les nageurs et les malades étant tous traités de la même façon. Mais ces réflexions n'ont pas suffi à assembler ces deux récits mal accouplés.

Ce qui m'a dérangé également, c'est le peu de place que fait Julie Otsuka au lecteur. Si l'écriture est audacieuse, forte et assumée avec ses blocs de texte à peine texturés par des italiques ou des tirets, la litanie des répétitions et des listes a obscurci ma lecture. Je ne sentais pas à ma place comme si le texte n'avait pas de destinataire, comme s'il était juste écrit par l'autrice pour l'autrice, comme un exutoire rageur à sa souffrance ( on comprend vite que Julie Otsuka parle ici de sa propre mère et que le personnage de la fille est son double.)

Au final, je me suis sentie seulement conviée dans les dernières pages qui elles offrent de la chair et du coeur en partage au lecteur. Cette fois, l'autrice recentre son texte sur la relation spécifique entre une mère et une fille, sur les regrets d'une vie, sur ses incompréhensions, et là, j'ai été enfin touchée.
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Ce roman aurait pu être deux nouvelles. le seul lien entre ces deux parties c'est Alice. Première partie : description de nages de différents personnages, puis des pages à n'en plus finir sur une fissure au fond de la piscine. Que vont devenir ces pauvres nageurs quand la grande baignoire va fermer ? Deuxième partie la perte de mémoire de Alice racontée par sa fille.
Ce livre a été d'un grand ennui pour moi, je n'arrivais pas à m'accrocher ni à l'histoire, ni aux personnages, ni au style. À peine fermé et déjà oublié.
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Je n'avais rien lu sur ce roman avant de le commencer, et la thématique m'a donc surprise.
Ou comment intéresser les lecteurs en parlant de...piscine...
Et c'est avec la description de ce monde « d'en bas » en opposition avec la vie réelle, en haut, que l'auteur nous accroche.
Les rites, les règles, les apparences, tout est différent à la piscine, les différences sociales ne se voient plus, ne restent que les nageurs, rapides ou pas, assidus ou non, qui respectent tous les mêmes codes.
Ces longueurs sont leur soupape à tous pour affronter la vie réelle.
Parmi eux, Alice.
Mais un jour une fissure apparaît au fond de la piscine, et c'est une partie de leur vie qui va changer.
Celle d'Alice notamment qui a aussi une fissure en elle, qui perd peu à peu le sens du réel et va devoir intégrer une institution.


L'auteur reprend la figure de style qu'elle avait utilisée dans « Certaines n'avaient jamais vu la mer », faite de « litanies », sorte de catalogue à la Prévert qui s'étire à l'infini.
Cela donne un effet hypnotique au récit qui n'est pas déplaisant au début mais dont le systématisme m'a, je l'avoue, lassée.
Pourtant la seconde partie, complètement différente, et qui met en scène Alice dans son institution ainsi que sa fille et son mari, dans les rôle difficiles d'accompagnants, apporte son lot d'émotions.
Un livre déconcertant donc, sur lequel il m'est difficile d'avoir un avis tranché, tant certaines parties m'ont amusée, d'autres agacée d'autres émue, et dont j'aurais bien du mal à conseiller la lecture...
Les avis sur Babelio sont aussi très partagés...
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A part son beau titre, ma lecture du nouveau roman de Julie Otsuka "La ligne de nage" a fait Plouf dans la piscine ! Pourtant, j'avais bien aimé "Certaines n'avaient jamais vu la mer" et j'étais motivée pour cette raison par ce livre de la rentrée littéraire, encensé.
Je suis invitée par Babelio à rencontrer l'autrice et suis bien gênée parce que je n'ai pas aimé ce roman qui n'a ni queue ni tête. C'est bien dommage car l'idée de la métaphore de la piscine comme ligne de vie qui peut se fissurer était bonne sauf que cela ne fonctionne pas du tout.
Dans les deux premiers chapitres il y a des descriptions de nageurs et nageuses sans qu'aucun ne soit incarné. Si certains propos sont justes mais pas très originaux comme La piscine est le nirvana ou Il n'y a plus de frontières entre le corps et l'eau, j'ai l'impression que Julie Otsuka veut en parler de façon universelle sans légitimité : toutes les piscines n'ont pas de larges couloirs numérotés de Un à Huit par exemple et surtout je suis surprise que l'autrice considère que les nageurs forment une communauté. C'est sans doute vrai dans les clubs mais en général, quand on pratique la natation en individuel on n'a pas vraiment le temps d'échanger surtout quand on y va sur l'heure du déjeuner si on travaille et que l'on n'a pas beaucoup de temps. D'ailleurs, la communauté décrite pratique quasi-quotidiennement, ce qui me semble exagéré parce que rare mais peut-être qu'aux États-Unis c'est le cas.
Et puis, cette façon de caricaturer les nageurs occasionnels ou de se moquer des surveillants de baignade est agaçante.
C'est dans cette piscine en sous-sol que l'on fait la connaissance d'Alice, une vieille dame qui perd la mémoire, on n'en sait pas beaucoup plus. Déjà, cela sonne faux puisqu'elle rencontre la narratrice à la pharmacie et qu'elle lui dit A bientôt à la piscine ! Ce qui est peu probable pour une personne qui oublie.
Je suis d'accord avec le fait de se sentir soi-même en nageant mais pas d'avoir l'impression d'avoir gâché sa vie quand la piscine ferme parce qu'il n'y a pas d'explication aux fissures qui apparaissent au fond de la piscine, sans fuites d'eau, mais inquiétantes.
Cette métaphore permet de faire un bon, subitement, dans un établissement où Alice doit séjourner suite à une maladie qui ressemble à Alzheimer (et de changer le point de vue de la narration).
Je sais bien que l'on est au États-Unis mais c'est le genre de description qui me met en colère. L'établissement ressemble à une prison comme si cela ne pouvait pas être autrement. Je m'érige en faux contre cette critique systématique des Ehpad alors que la plupart font un travail formidable et nécessaire, et je parle d'expérience.
On sent dans ce roman le poids de la culpabilité de la narratrice, fille d'Alice. Je me demande quel est le rôle de la famille dans ce cas, le soutien au père qui doit accompagner sa femme et les solutions possibles pour l'aider à vivre de façon apaisée.
J'ai l'impression que ce livre sert uniquement d'exutoire à Julie Otsuka face à la tristesse de la perte de sa mère (vous me direz c'est déjà pas mal). En tant que lectrice, je trouve que le texte flotte, ce qui est gênant compte-tenu du sujet.


Challenge Riquiqui 2022
Challenge Multi-défis 2022
Challenge ABC 2022-2023
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Un très très gros flop. Je n'arrive même pas au bout de ce livre. Je souffle à chaque page, je m'ennuie puissance 10 000. Ce n'est définitivement pas pour moi ce type de lecture.
Les appellations Les gens d'en haut (les terriens) et les gens d'en bas (les nageurs) m'ont agacé !
La passion xxxl pour la natation, les manies des nageuses et nageurs décryptées au millimètre, la névrose d'une fissure qui apparaît dans le fond expliquée pendant des pages et des pages... non. Stop.
Le roman, Certaines n'avaient jamais vu la mer, m'a été conseillé plusieurs fois soulignant une écriture poétique donc j'ai ouvert ce roman... aquatique avec confiance. Tant pis, pas grave, ça arrive de ne pas aimer !
Mais bon... je ne vais plus à la piscine depuis 20 ans, ça me dégoûte littéralement alors peut être que ceci explique cela.
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Ceux qui savent, savent.

Ils savent ce qu'est le bonheur de nager, la sensation d'être ailleurs, le besoin inexplicable d'aligner les longueurs sans autre forme de motivation que de terminer celle qui suivra. le monde parallèle, microcosmique et cocoon que représentent ces piscines « d'en bas », à mille lieux du fracas du monde « d'en haut ». Alice est de ceux-là.

Arrive sans prévenir la fissure, une simple fissure apparue un matin sur le trait noir au fond du bassin de la ligne 4. Oh pas grand-chose : un tout petit accroc à la normalité, quasi imperceptible à qui ne fait pas attention ; un micro-détail. Suffisant toutefois pour que l'équilibre et l'apparente harmonie de ce petit monde soit rompu.

Et la fissure devient deux, puis davantage encore, faisant craindre l'apparition d'un « cluster de fissures ». Alors vient le temps où il faut bien admettre que toute la connaissance du monde d'en haut est bien incapable d'expliquer et de résoudre les désordres qui se passent en bas.

S'appuyant sur la métaphore de cette piscine, Julie Otsuka nous invite dans La Ligne de nage – traduit par Carine Chichereau – à suivre Alice dont le cerveau se fissure peu à peu, dans le long et inéluctable parcours de la maladie qui affecte sa mémoire, sa vie, ses proches.

Désormais recluse dans la résidence Belavista aussi adaptée à sa pathologie que déshumanisée au bénéfice du dieu profit, confiée aux mains expertes des « Équipes-mémoire », il lui reste les fulgurances de souvenirs qui remontent : le Japon, les parents, la guerre, un enfant perdu, un mari aimé…

Dans un dialogue mère-fille où le « elle se rappelle » se confronte au « elle oublie », Julie Otsuka nous livre des pages d'une grande beauté. D'une grande violence ou plutôt, d'une grande douleur aussi, dans le fracas de cette béance subie. Mais dans une écriture apaisée, comme l'esprit de celle qui s'en va chaque jour un peu plus.

Un très joli livre aux inspirations autobiographiques, dont la décomposition en deux parties très distinctes pourra surprendre. Mais on aurait tort de s'y arrêter, tellement elles sont complémentaires !
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L'auteure est californienne d'origine japonaise mais, née après 1942, elle n'a pas eu à subir les camps d'internement étasuniens comme ses ancêtres. C'est heureux car elle livre ici un roman fort dérangeant qui, d'un certain point de vue, constitue une belle revanche civilisationnelle.
On peut dire qu'il y a deux moments forts et de natures différentes.
La première partie peut être qualifiée d'humour narquois et concerne une piscine et tous les névrosés qu'on peut y rencontrer. C'est fin, la critique de nos (car nous sommes tous indirectement concernés) modes de vie, de nos dérives mentales est traité sur un mode tellement léger qu'on s'en rend à peine compte et on enchaîne les longueurs sans mal.
la seconde partie cible un personnage bien particulier de cette galerie représentative du monde occidental moderne.
Et là, on change de registre...
En poursuivant dans le même style "l'air de rien" que précédemment, avec la même acuité, l'auteure brosse un portrait au vitriol de la fin de vie dans ce phare civilisationnel que sont les États-Unis, mais qui essaime partout où son paradigme libéral est imposé. Sa description de ce qui s'apparente à un EHPAD privé chez nous est à lire absolument (surtout après les révélations récentes). Par contre, il faut prévenir : le dernier chapitre de l'ouvrage est à déconseiller aux âmes sensibles, à ceux qui viennent de perdre un proche ou aux hypocondriaques qui s'imaginent, parce qu'ils ont oublié de "liker" mes précédentes critiques, atteints de la maladie d'Alzheimer...
C'est dur, c'est réflexif, c'est bien visé...
Un livre qui mérite qu'on s'y plonge.
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Cette piscine souterraine, à laquelle on accède en acceptant de quitter le monde extérieur, représente pour “ceux d'en bas”, c'est à dire pour un certain nombre d'habitués, un élément clé dans leur vie qui leur permet de maintenir un équilibre, une stabilité, indispensables pour affronter la dureté de la vie à l'extérieur. C'est un univers régi par des règles tacites, où chacun vient chercher ce dont il a besoin tout en ayant la certitude de retrouver sa place. Une solidarité, une forme de complicité unit ces inconnus aux vies bien différentes mais qui se retrouvent sur un même pied d'égalité dès lors qu'ils sont en maillot et en bonnet de bain, partageant ce jardin secret commun. Mais cet univers s'apprête à imploser avec l'apparition d'une première fissure dans la paroi du bassin, menaçant la fermeture de cette piscine atypique et provoquant une vive inquiétude au sein de la communauté…

Est-ce parce que je ne suis moi-même pas une bonne nageuse que j'ai à ce point eu l'impression de ne pas être dans mon élément ? Je n'ai pas nagé dans cette piscine, j'ai plutôt ramé tant j'ai eu de mal à pénétrer cette lecture, à en comprendre le sens et le but! J'ai eu la sensation de boire la tasse et j'ai bien failli me noyer à plusieurs reprises dans cette piscine souterraine, au contact de cette communauté dont les préoccupations m'ont laissée de marbre... Plusieurs fois, j'ai songé à abandonner, tant le premier tiers du roman m'a paru fastidieux ! Aucune empathie pour les personnages, ces nageurs anonymes ou presque qui formaient un clan avec leurs règles à respecter. Un nom pourtant revient, celui d'Alice, vieille femme qui perd la tête à l'extérieur mais parvient à se retrouver au contact de l'eau chlorée. Pour autant, les descriptions et les états d'âme sont énoncés de manière si factuelle que je suis restée complètement en dehors.

Heureusement, les choses évoluent et prennent un tout autre tournant à partir du deuxième tiers du roman. On quitte alors la piscine, qui ferme définitivement ses portes en raison de l'apparition inexpliquée de ces fameuses fissures dans le bassin et l'on suit Alice dont l'état s'est largement dégradé depuis cette fermeture et dont le cerveau se nécrose et la mémoire se fissure, elle aussi (et là, on comprend soudain cette longue, loooongue métaphore de la première partie…). Diagnostiquée pour “une démence fronto-temporale”, la vieille femme se voit contrainte d'intégrer un EHPAD spécialisé dans la gestion de cas similaires. A travers une écriture clinique et avec beaucoup de cynisme, Julie Otsuka dépeint les conditions de vie déshumanisées dans ces mouroirs et les nombreuses règles, non tacites cette fois, qui vont dès lors régir le quotidien d'Alice. Aucune rémission possible, pas de traitement, juste un irrémédiable déclin, plus ou moins long selon les patients…

En abordant le dernier tiers du roman, on devine que Julie Otsuka nous parle en réalité de sa mère et qu'elle a choisi, par le biais de l'écriture, de nous raconter des bribes de son histoire, car, si la mémoire est défaillante, les écrits, quant à eux, restent pour témoigner. Cette dernière partie, bien que plus émouvante que le reste du roman, m'a tout de même parue assez froide. Moi qui avais été bouleversée par l'histoire de ces japonaises immigrées aux Etats-Unis dans “Certaines n'avaient jamais vu la mer”, je dois dire que j'ai été assez déçue de ressentir si peu d'émotions à la lecture de ce récit qui s'avère pourtant être des plus intimes… On sent la culpabilité de l'autrice pour son manque de présence auprès de celle qui l'a élevée et, peut-être, un désir de se racheter à travers ce roman. Néanmoins, le ton reste distant et manque de tendresse et de sentiments. Seule la relation de la mère avec le père a su m'atteindre et me toucher. En dehors de ça, j'ai l'impression d'être complètement passée à côté de ma lecture, dommage!
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La piscine est un petit monde d'habitués. Lorsqu'une fissure apparaît au fond du bassin, la communauté est déstabilisée. Un court roman en trois parties qui entraînent chacune le lecteur dans une atmosphère différente, joyeuse, satirique ou dramatique, mais toujours sensible et très bien observée. On peut cependant regretter qu'elles soient plus juxtaposées qu'imbriquées, ce qui fait perdre une certaine cohérence à l'ensemble, malgré les liens symboliques entre elles.
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