– Mgr Cauchon : Maintenant, sachez bien, Jeanne : il vous est interdit de quitter, sans notre aveu, la prison qui vous a été assignée au château de Rouen.
– Jeanne : Je n'accepte aucune interdiction. Si je m'évadais, personne ne pourrait m'accuser d'avoir trahi ma foi : car ma foi, je ne l'ai jamais baillée à personne.
Et je proteste contre les liens et les entraves qu'on m'a mis.
– Mgr Cauchon : Eh, c'est que vous avez essayé de vous évader plusieurs fois d'autres prisons où on vous avait enfermée, Jeanne ! Alors, nous vous avons mis des liens de fer, pour que vous soyez gardée plus sûrement.
– Jeanne : C'est bien vrai qu'ailleurs, j'ai voulu m'évader, et encore maintenant, je le voudrais bien. Tout prisonnier a bien le droit de s'évader.
– Maître Jean de Chatillon : Ah ! Jeanne, si l’Église vous abandonne, vous serez en grand péril du corps et de l'âme : le feu éternel pour l'âme, et le feu temporel pour le corps, par la sentence d'autres juges.
– Jeanne : Si vous faites ce que vous dites contre moi, il vous en cuira au corps et à l'âme.
Vous dites que vous êtes mon juge ; je ne sais si vous l'êtes. Mais avisez-vous bien de ne pas me juger mal, car vous vous mettriez en grand danger ; et je vous en avertis, afin que si Notre-Seigneur vous en châtie, moi j'aie fait mon devoir en le disant.
De l'amour ou de la haine que Dieu a aux Anglais, ou ce qu'Il fera de leurs âmes, je n'en sais rien ; mais je sais bien qu'ils seront boutés hors de France, excepté ceux qui y mourront ; et que Dieu enverra victoire aux Français, contre les Anglais.
Dieu m'a mandé par sainte Catherine et sainte Marguerite la grande misère de la trahison que j'avais consentie en faisant abjuration et rétractation pour sauver ma vie ; que je me damnais, pour sauver ma vie !
Raymond Oursel : France romane
Olivier BARROT présente "France romane" de
Raymond OURSEL aux Editions du Zodiaque, à qui il ne ménage pas les compliments.