En chaque adulte, sommeille l’enfant qu’il était jadis, méditai-je. Chez certains, il est toujours vivant, chez d’autres, définitivement mort.
Tel-Ilan était un village séculaire, environné de champs et de vergers. A l'est, s'élevaient des coteaux plantés de vignes. Des amandiers s'alignaient par-delà la route. Les toits de tuiles étaient noyés dans le berceau de verdure que formaient les cimes touffues des vieux arbres. Certains habitants s'occupaient encore d'agriculture et employaient des ouvriers étrangers, logés dans des cabanes donnant sur les arrière-cours. La plupart avaient affermé leurs terres pour se reconvertir dans les chambres d'hotes, les galeries d'art, les boutiques de mode, quand ils ne travaillaient pas a l'exterieur. Deux restaurants gastronomiques, une cave à vins et un magasin d'aguariophilie avaient ouvert dans le centre. Quelqu'un avait créé une petite usine spécialisée dans la copie de meubles anciens. Le bourg accueillait, le shabbat, une foule de visiteurs venus déjeuner ou dénicher les bonnes affaires. Le vendredi à midi, en revanche, les rues se vidaient et tout le monde faisait la sieste derrière les stores tirés.
[Extrait de la nouvelle "Attendre"]
« Quelle chance un gamin de dix-sept ans avait-il de se faire aimer d’une trentenaire ? Dans le meilleur des cas, il ne réussirait qu’à éveiller sa sympathie. Et la sympathie était aussi éloignée de l’amour que la flaque de la lune. » (p. 71)
« Tel-Ilan se préparait à vivre un vendredi soir hivernal. Les hauts cyprès étaient enveloppés de brume sous une pluie légère. » (p. 100)