[...] Depuis longtemps, Schneider avait abandonné la prétention stupide d’imaginer ce qui pouvait bien agiter le cœur des hommes.
[...] Vous savez que vous êtes un drôle de type. Pas facile de faire le tour, même avec les deux bras et un radar. Schneider sourit. Il avait un curieux sourire, qui n’était pas dépourvu d’un certain charme.
[...] Vous êtes loin d’être un mauvais bougre, Schneider. Vous avez seulement l’art subtil de vous faire des ennemis mortels.
[...] Il avait cessé de longue date d’essayer de comprendre Schneider. Personne de sensé ne pouvait comprendre Schneider. Tout au plus pouvait-on deviner sans trop de risque de se tromper qu’un jour ou l’autre, pour une raison ou pour une autre, l’inspecteur principal Schneider avait cessé d’avoir une existence propre.
D’ordinaire, l’alcool calmait la souffrance.
D’ordinaire, mais pas toujours.
Peu de gens pensent forcément à mal en vous souhaitant une bonne soirée, ou une bonne nuit. Ou une bonne année. Ou quoi que ce soit de bon. La plupart se bornent à s’en foutre.
Tout policier digne de ce nom n’est qu’un œil froid et fixe sans cesse porté sur ce qui l’entoure. Il s’interdit tout excès d’enthousiasme, comme la moindre nuance de blâme et ne prend jamais parti.
Certaines voitures, comme bien des hommes, se contentent de n’être que de simples objets insipides et d’usage courant. À un moment donné, tout le monde peut se contenter de peu.
Nombre de crimes de sang ne sont pour la plupart que de simples erreurs de trajectoire et le Destin ne revêt le plus souvent que le sombre masque ricanant de la bêtise.
La mer, quand elle le veut, peut être d’un noir d’ébène aux atours purement maléfiques. Elle peut venir de si loin, depuis si longtemps, que nul ne songerait plus à lui demander son titre de transport. Elle peut être d’une douceur et d’une tendresse presque infinies, bien plus vaste et troublante qu’un pauvre sourire arraché au passage aux lèvres désolées d’une mère inconnue. La mer était sans mémoire. De plus, personne ne savait au juste ce qu’elle voulait. Sa brusque rage était inépuisable, de même que son calme trompeur et sa capacité presque infinie de mensonge. Ce qu’elle savait, elle le taisait. La mer, aucun homme ne la connaissait, mais si elle n’avait pas existé, aucun homme ne serait un homme – un homme digne de ce nom.