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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
[Chronique complète sur mon blog]

Quand il s'agit de repenser sa sexualité, nombreuses sont les personnes (notamment les hommes cisgenre hétéros) à refuser ne serait-ce que d'y penser. Pourtant, Martin Page a décidé de s'intéresser au sujet. Il a reçu des témoignages de différentes personnages, aimant ou non la pénétration, qui racontent leur manière de vivre les rapports sexuels.

Martin Page explique pourquoi les hommes, femmes et personnes non-binaires devraient remettre en cause la pénétration, sans pour autant la décrier. Bien sûr, le but n'est pas d'avoir de nouvelles injonctions – ne pas pratiquer la pénétration –, mais de se laisser la possibilité de ne pas le faire, ou pas systématiquement. Remettre au centre le plaisir de l'autre, et le sien. Prendre vraiment en compte l'avis des femmes, qui n'ont pas toujours envie d'être pénétrées.

C'est un livre que nous pourrions qualifier d'essai, mais ce mot ne doit pas pour autant vous faire peur ou vous faire reculer. Il contient un peu plus de 150 pages, avec les remerciements, et le style d'écriture est totalement accessible, très parlé. de plus, pas mal de passages m'ont fait sourire, notamment grâce aux insultes recherchées employées çà et là par l'écrivain.
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Voici typiquement le genre d'essais que j'achète de façon spontanée. La semaine du déconfinement (mon correcteur ne connaît pas ce mot), je suis allée chez mon bon libraire, et j'ai vu ce petit livre posé au milieu de la boutique. Comme la sexualité m'intéresse et que je n'avais pas donné d'argent au libraire depuis longtemps, j'ai pris cet ouvrage, avec quelques autres. C'est donc ainsi ma première rencontre avec Martin Page, l'auteur, également romancier et écrivain de littérature jeunesse.

Ce court essai d'environ 150 pages est divisé officiellement en 3 parties, mais moi j'en vois essentiellement deux : 1) la prise de position de Martin Page 2) des témoignages de personnes diverses et variées sur leur rapport à la pénétration.

Car oui, ici, il est question de pénétration, et essentiellement de pénétration dans le cadre de rapport hétérosexuel. Comme l'avait dit Pierre Bourdieu (et tant d'autres comme Virginie Despentes dans King Kong Théorie), la sexualité hétérosexuelle révèle sans nul doute de la domination masculine. Attention, l'auteur ne dit pas que ça ne plait pas à certains, il explique juste que tout le jeu sexuel est tourné pour et autour de l'homme.

Très concrètement, et crument : un rapport amoureux avec sexualité aujourd'hui ressemble grosso modo – dans l'immense majorité des cas – à une période de préliminaires (qui sont aussi des actes sexuels) plus ou moins courte, suivie d'une pénétration de la femme par l'homme, jusqu'à ce que l'homme éjacule et que tout s'arrête. C'est de ce constat sans appel que part l'auteur. Voici à peu de choses près la sexualité des couples, le tout répété à une fréquence relativement régulière mais le plus souvent étant le mieux d'après la norme sociale.

Or, il est de notoriété publique que si les femmes peuvent facilement avoir des orgasmes par stimulation clitoridienne (de façon quasi-systématique), moins de 25% d'entre elles ont des orgasmes par voie vaginale. Cela ne veut pas dire qu'elles ne sont pas contentes de ce qu'elles vivent… Mais enfin, retenons quand même qu'au mieux elles font plaisir à leur partenaire et en tirent une satisfaction, que généralement elles attendent tranquillement que cela passe, voire qu'elles simulent un peu pour accélérer l'affaire, et qu'au pire elles ont mal! Pourtant, les rapports avec pénétration représentent 98% du temps de sexualité des couples hétérosexuels.

98% de l'énergie accordés à une pratique qui n'est pas du tout la favorite des femmes, mais qui provoquent dans 9 cas sur 10 un orgasme aux hommes. Triste constat pour nous les femmes. Que dirait-on si la pratique principale plaisait à 90% des femmes mais à moins de 25% des hommes?

L'auteur d'ailleurs en remet une couche en précisant que d'après les grandes études sur la sexualité féminine (rapport Hite et autres), les femmes en relation homosexuelle ont 70% plus de plaisir que les femmes en relation hétérosexuelle… Même constat si l'on compare les relations entre hommes aux relations homme/femme : les hommes en relation homosexuelle ont plus de plaisir que leurs congénères hétéro… Il y a donc un couac quelque part, que l'auteur résume bien ainsi :

« On voit donc bien au fond que la sexualité n'est pas une affaire de plaisir, sinon les femmes seraient moins pénétrées et les hommes le seraient davantage » CQFD.

Martin Page présente donc sa position : il ne s'agit pas d'aller contre la pénétration, mais de la remettre à sa juste place. Une pratique comme une autre. Ni une finalité, ni la crème de la crème.

Force est des reconnaître que la domination masculine est toujours grandement présente. Acquise. Insidieuse. Et que tout le monde en est complice : les femmes par acquisition inconsciente d'un asservissement au plaisir de l'homme, les hommes par facilité et confort d'être dans la position dominante. Martin Page invite donc les hommes à prendre conscience de leur domination et à se positionner différemment :

« Je m'étonne que les hommes hétérosexuels ne soient pas plus curieux à propos de la sexualité, qu'ils soient massivement pour la reproduction des mêmes gestes et des mêmes attitudes […] La catégorie sociale qui connaît le moins bien la sexualité, qui en a la vision la plus caricaturale, est celle qui domine toutes les autres. Et c'est cette simplification qui lui permet d'asseoir son pouvoir en contrôlant les corps, en empêchant l'expression de la complexité et de la liberté ».


Pour l'écrivain, cette domination est liée et accentuée par le libéralisme économique et le capitalisme :

« Tout est lié : la question de la pénétration, du clitoris, des hommes hétérosexuels, comme celle du temps de travail qui empiète sur nos vies affectives, des salaires moins élevés des femmes, de leur plus grande précarité, de nos difficultés d'existence matérielle, du congé paternité encore bien maigre et facultatif, des réunions organisées le soir, du capitalisme, du réchauffement climatique et du règne de la compétition et de la comparaison. Nos histoires de verge et de vagin sont intimement liées à l'histoire des structures politiques dans lesquelles nous vivons et on ne changera pas l'une sans l'autre ».

Jetée en pâture ainsi, cette phrase peut sembler un amalgame de beaucoup de choses, mais je trouve la réflexion intéressante. Et il est vrai que la toute-puissance de la pénétration peut y être rattachée :

« La pénétration est un mode adapté au capitalisme, à nos journées volées par le travail, par les angoisses et la compétition. Comme il y a peu de temps pour penser l'amour, le pénis dans le vagin est pratique, on tient un certain temps, c'est calibré, il y a un début et une fin bien précis, on accomplit son devoir sans penser et sans imaginer. La société applaudit ».

Mais, plus largement, le propos de l'auteur n'est pas de fustiger la pénétration mais, d'une part, de la remettre à son simple rang, et d'autre part, d'ouvrir le champ des possibles de la sexualité. Avoir une sexualité à deux, ce n'est pas forcément jouer à touche-pipi. Se prendre la main, s'embrasser, dormir contre l'autre, faire une balade très agréable, avoir un fou rire, sont autant de sources de plaisir à deux qui rapprochent et libèrent. Des caresses, des baisers, des mots doux, de la présence, des gratouillis dans le dos ou dans les cheveux sont autant de façon de partager une intimité sérieuse. Martin Page suggère qu'on pourrait parvenir à penser les choses différemment, en se disant que tout cela est une façon de faire l'amour. D'ailleurs, il existe des baisers bien plus torrides que de la pénétration. Des baisers qui donnent plus le sentiment d'avoir fait l'amour.

Personne n'est forcé à rien. La sexualité n'est pas figée, et encore moins dans une seule pratique!
A méditer…


Jo la Frite

Lien : http://coincescheznous.unblo..
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Un point de vue éclairé et bien pensé qui devrait nous inspirer plus souvent dans notre comportement et nos pratiques sexuelles normées en général par une société patriarcale peu sensible à la nuance! Il fallait oser aborder ce sujet, voilà qui est fait, mais bien peu de voix y font écho et la sexualité vue sous le seul angle d'un rapport de force a encore de beaux jours devant elle!
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Au-delà de la pénétration est un court texte remettant en questions nos pratiques sexuelles et les injonctions qui y sont liées. Martin Page propose un point de vue politique sur la pénétration que j'ai trouvé très intéressant : le sexe est un moyen de coercition de la part des hommes sur les femmes. C'est pour cette raison que peu d'hommes acceptent de ne pas pénétrer ou d'être pénétrés (être pénétré revient à être une femme et donc un sous homme). Ainsi l'auteur nous invite a repenser notre rapport au plaisir pénétratif et aux pratiques qui en découlent. Pourquoi un homme se sent obligé de pénétrer pour considérer qu'il a « eu » une femme, qu'il l'a « pris ». L'auteur propose aussi une très intéressante analyse du vocabulaire employé dans le champ lexical de la sexualité: notre langage révèle beaucoup de nous. Ce livre est un petit trésor !
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Un livre qui a l'immense mérite d'aborder et de remettre en question un impensé de notre sexualité, en ce sens sa lecture est hautement recommandable.

Côté écriture on pourrait cependant attendre un peu plus d'efforts de la part d'un écrivain. le propos est parfois un peu "délayé" et redondant mais c'est sans doute la contrepartie de ce genre d'exercice : semi-essai, semi-pamphlet, semi-recueil de témoignages (dont certains sont très éclairants) sur un sujet très ciblé et qui pourtant a des conséquences très vastes sur nos vies. Les dernières pages du livre sont franchement écrites "par-dessus la jambe" et on se noie sous le flot de références accumulées sans être commentées, évoquées avec un enthousiasme qui confine un peu à une forme de "bien-pensance" inconditionnellement pro-féministe (mais sans s'interroger sur quel féminisme) et pro-"minorités".

Un livre brouillon donc, mais un livre à lire.
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Voilà un sujet intéressant, traité sans tabou, même si part moment j'ai eu l'impression de tourner en rond ou que certains passages étaient un peu hors sujet. Mais il reflete bien ma difficulté de pouvoir aborder la question de la sexualité, sans être moqué, voire censuré.
Cette lecture ouvre des perspectives de discussions pour sortir des rails imposés par nos héritages et la société. La sexualité est riche, créative dès lors qu'on en parle et partage, dans le respect des différences.
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Un petit livre, ni érotique, ni pédagogique. Un essai, dans le sens d'une tentative d'ouvrir le débat sociologique, voire politique sur la relation entre humains que nous sommes, inscrits dans un schéma patriarcal et une culture de la domination. le titre est donc choisi et se situe "au-delà de la pénétration", comme au-delà de l'amour.
Martin Page, l'auteur un brin provocateur (je me souviens alors de "Comment je suis devenu stupide"), expose dans une première partie ses questions et son point de vue de mâle occidental hétérosexuel et propose à qui veut d'apporter le sien, son vécu de la chose.
La deuxième partie est donc un recueil de témoignages anonymes ou pas, d'hommes et de femmes, hétéro, homo, bi ou asexuels. Il est ressort beaucoup de souffrance mais aussi d'expression de tolérance pour la singularité des rapports entre humains, banalisant les écarts à la "normalité" de la sexualité, et finalement une acceptation de ses propres désirs et ressentis : une parole qui balbutie, un regard qui clignote, un tabou qui vacille. Enfin.
Un petit bouquin donc à mettre entre toutes les mains, en complément de ce que nous donne la sexualisation excessive et pervertie de notre société (puisque c'est le cas), à savoir des cours d'éducation sexuelle jusqu'à la pornographie.
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Dans une démarche pleine de transparence et de sincérité, Martin Page questionne une pratique de la sexualité que l'on ne questionne quasi jamais et qui va de soi, celle de la pénétration. C'est l'occasion pour l'auteur d'élargir le spectre en mettant en évidence les injonctions qui pèsent sur nos sphères intimes au-delà de la pénétration. Et cela dès l'éducation à la sexualité chez les plus jeunes. Sans donner la leçon ni recommander une façon de faire plutôt qu'une autre, Martin Page invite à faire un pas de côté et à questionner nos pratiques, nos réflexions et plus particulièrement nos échanges sur la question. On se rend rapidement compte qu'ils ne sont pas si nombreux et que les tabous ne sont pas loin dans les discussions, notamment chez les hommes. Mêlant une réflexion subjective assumée à plusieurs témoignages recueillis durant la construction de ce livre, l'auteur propose un petit manifeste qui mérite qu'on s'y attarde. On distingue derrière ces injonctions une nouvelle façon de renforcer les inégalités entre les femmes et les hommes. Scoop : au bénéfice des hommes. Il y a beaucoup à discuter au fil des pages, que l'on soit d'accord ou non, que l'on souhaite nuancer tel ou tel propos, et c'est justement ça qui est intéressant. C'est plutôt rare les bouquins qui abordent ces questions de cette façon-là. le travail éditorial réalisé sur le livre par l'association de Coline Pierré et Martin Page Monstrograph ne gâche rien. Ça donne tout simplement envie de le faire lire autour de soi et d'en discuter.
Lien : https://lesmafieuses.wordpre..
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