Le jardin, la pomme et le serpent
OUI MAIS
en Provence !
La vie, la belle vie insouciante, le long de ce grand fleuve festif qu'est l'été, continue. Joseph, le père dont la gloire cynégétique fut célébrée dans le premier roman du triptyque, devient bon chasseur. Marcel trouve en Lili plus qu'un camarade de jeux ou un guide de la nature : c'est un ami, c.à.d. le frère qu'on aimerait avoir eu. Paul, le petit frère, taquine quand même sérieusement la petite soeur et prend une bonne taloche. Une vie de soleil, d'insouciance, d'aventures et de promesses de lendemains sans cesse meilleurs …
C'est la rentrée scolaire qui chasse tout le monde de ce jardin paradisiaque. Impossible d'échapper à la condamnation du calendrier, même en fuguant. Et c'est à l'occasion de cette fugue nocturne que Marcel se découvre lâche, menteur, et un peu traître. Nous ne sommes pas qui nous espérions être … Heureusement, il est possible de retourner au paradis lors des vacances scolaires. Mais la route est bien longue, doit se faire à pied, et l'on est chargé de provisions. Alors, comment résister à la tentation quand quelqu'un vous propose un sérieux raccourci ? Prends cette clef, elle t'ouvrira les portes interdites … Joseph se veut un citoyen modèle, car instituteur: cet homme à la fibre républicaine exemplaire ne saurait contrevenir à la loi en pénétrant par effraction dans des propriétés privées. Même si le chemin est long, et devient bientôt hebdomadaire. Bien que, à bien y refléchir, que risque-t-on à couper par des jardins ? Rien, rien du tout lui assure t-on. Il accepte la longue clef qui ouvre les mystérieuses portes qui mènent au bonheur ...
Ce roman est l'histoire d'un été merveilleux, et d'autres, mais aussi d'une chute. Un petit garçon apprend qu'il n'est pas un guerrier courageux, et que son père, qu'il idolâtre, est aussi un simple fonctionnaire, qui doit pourvoir aux besoins de sa famille. Plus tard, en fin de livre, nous apprendrons combien d'autres personnages se sont montrés vulnérables au fil des étés et des hivers, combien ont fini par disparaître.
Ce roman chante la vie: c'est une ode à ce fleuve du temps, qui continue à s'offrir à nous, au milieu des joies et des peines, des triomphes et des chutes. Un jour, bien sûr, ce fleuve aboutit à un cataracte, Ce qui se passe à ce moment-là, avec toutes ces joies et ces peines, c'est une question dont la réponse ne peut être que personnelle.
Ce roman, comme toute littérature digne de ce nom, nous offre un tissu, celui d'un début de vie , et arrive à en faire quelque chose qui transcende celle de l'individu qui l' a écrit. Il parle à chacun, car il s'agit de choses simples mais profondes que tout homme rencontre tôt ou tard : le bonheur, la bonté, l'amour sous toutes ses formes, mais aussi la vulnérabilité, les limites et même la mort. Nous sommes bien loin des écorchés vifs qui se présentent chez vous - heureusement au figuré – et vous fourrent sous le nez un baluchon de papiers qu'ils viennent d'arracher à un journal intime bâclé, dépourvu d'idées et d'inspiration. Vous êtes sommé d'apprécier, et si vous n'obtempérez pas, c'est que vous êtes une brute. Car il s'agirait d'un roman. La preuve: on lui a décerné un prix !
Se trouvera-t-il d'autres Pagnols pour continuer à nous enchanter ?
En tous cas, je mets les voiles pour "
le Temps des Secrets"...