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Trilogie marseillaise tome 1 sur 3
EAN : 9782877065139
187 pages
Editions de Fallois (25/08/2004)
  Existe en édition audio
4.11/5   1208 notes
Résumé :
Le port de Marseille, dans les années vingt. Marius, le fils de César, patron du bar de la Marine, est partagé entre son amour pour Fanny la petite marchande de coquillages, et son désir de prendre la ruer, de parcourir le monde... Lorsque Marcel Pagnol, en 1929, fait représenter Marius sur une scène parisienne, sans doute ne se doute-t-il pas que ses personnages deviendront aussi célèbres qu'Harpagon ou monsieur Jourdain. Deux ans plus tard, Pagnol et Alexander Kor... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (88) Voir plus Ajouter une critique
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Marcel Pagnol - Marius - 1929 : Une des pièces les plus célèbre du répertoire français marquée à jamais par les acteurs qui l'ont incarnées à l'écran (Raimu, Pierre Fresnay, Orane Domazis). C'est une histoire banale en fait, celle d'un jeune homme partagé entre ses envies de voyages et l'amour qu'il porte à une petite vendeuse de coquillages. C'est cette dualité qui met en émoi leur quartier du vieux port de Marseille. Se joue alors un drame joyeux avec ses personnages truculents et excessifs mais en même temps tellement vrais et sensibles. On rit aux larmes en visualisant certaines scènes mais on pleure aussi car l'émotion est toujours là à fleur de lignes sous le débit des paroles et de l'accent provençal qu'on imagine très bien nous remplir l'oreille. "Marius" est un inégalable chef-d'oeuvre de la rue, évocation de l'amour pur et de l'amitié sans failles qu'on devrait avoir tous lu au moins une fois dans sa vie. Car cette pièce rend heureux, elle insuffle une énergie salutaire et débordante dans nos existences pas toujours amusantes. L'aurions-nous apprécié de la même façon si nous n'avions pas en tête la faconde de ceux qui l'ont incarné à l'écran ? Sans doute car ce texte qu'on pouvait qualifier d'une simplicité biblique renfermait en lui un bouquet d'émotions que les mots seuls pouvaient traduire avec talent. Marcel Pagnol sans faire de rimes fut un merveilleux poète de la vie, un conteur et un dialoguiste hors pair qui sut inventer des personnages immédiatement identifiables à une ville, à une région. On ne pouvait le nier, César dans l'imaginaire collectif était la représentation type du marseillais. Outre l'accent chantant tantôt moqueur, tantôt sérieux qu'on pouvait entendre dans le film, un langage imagé qui sentait bon la méditerranée, une certaine langueur pas du tout monotone et un toupet sans faille renforçaient l'image sympathique des habitants de cette belle ville française. Image bien écornée depuis que les téléréalités ont réussis à ridiculiser les marseillais aussi bien que les ch'tis d'ailleurs. Tout était délectable ici, de la fameuse partie de cartes qui érigeait la tricherie en art («tu me fends le coeur !!») aux répliques savoureuses toutes droites péchées dans les rades étouffants de la citée («Le jour où on fera danser les couillons tu ne seras pas à l'orchestre», «Il est tellement fainéant qu'il ne marche jamais au soleil pour ne pas avoir à tirer son ombre»). Pagnol avait le sens du populaire et non du populisme. Ses personnages n'étaient pas spécialement privilégiés mais ils vivaient des existences heureuses sans Netflix, sans portables et sans réseaux sociaux (Et oui c'était possible…). La gaieté était toujours là à fleur de peau même quand le désespoir et la tristesse venait saisir les protagonistes de la pièce qui vivaient alors les drames avec le masque grave des tragédiens antiques et le coeur des jeunes enfants qui ne pensent jamais que le mal peut durer. «Marius» menait au panthéon du théâtre et de l'écriture des personnages que chacun aurait pu rencontrer dans sa vie à condition d'être né soit même à l'ombre de la bonne mère. Panisse, Honorine, Monsieur Brun, le capitaine Escartefigue enrichissaient eux aussi un folklore qui entre la bouillabaisse, les santons et le pastis disposaient déjà de tous les marqueurs qui font qu'on aime en France une ville ou une région. Cette oeuvre n'est pas longue à lire mais elle dépasse en émotion bien des sagas régionales qui tentent en plusieurs volumes de nous faire rentrer de force dans une ambiance que leurs auteurs ne maitrisent pas toujours… beau à pleurer
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Marcel Pagnol en écrivant cette pièce ne se doutait peut-être pas de l'influence qu'elle aurait, ni de ce qu'elle représenterait bien des années plus tard à nos yeux nostalgiques. Elle est devenue, aussi en raison de son adaptation cinématographique, un référent culturel obligé pour qui s'intéresse un minimum à la ville de Marseille et aux Marseillais.

Bien sûr, cette ville de Marseille qu'il nous chante n'existe plus en tant que telle, bien sûr il y a de la grosse caricature, bien sûr ce n'est qu'une comédie, bien sûr le poids des années se fait sentir, bien sûr, bien sûr ; mais ça joue tellement juste, c'est tellement bien senti, c'est tellement affectueux, ça puise tellement son jus de la substance même des Marseillais, que " la trilogie marseillaise " dont c'est ici le premier opus, mérite amplement le statut de patrimoine régional (et national — et mondial même ! — dirait César qui parle sans parti pris) à préserver pour les générations futures.

La fameuse partie de carte d'anthologie en est le point d'orgue. On parle toujours de la verve de Raimu, mais la verve de Raimu, c'est la verve de Pagnol, qu'on ne l'oublie pas. Bref, un vrai petit bonheur régional comme chaque région devrait pouvoir nous en apporter, mais le problème, c'est que toutes les régions n'ont pas leur Maupassant ou leur Pagnol... Pour ceux qui aiment le régionalisme américain, et dans une période à peu près contemporaine, je crois que Marius est un peu une manière de Tortilla Flat à la française.

L'histoire : dans les années 1920, sur le vieux port de Marseille, Marius, le fils d'un cafetier, le truculent César, a des fourmis dans les jambes et rêve de s'embarquer pour un voyage autour du monde. La jeune et jolie Fanny en est amoureuse et l'on peut dire que la réciproque est vraie, aussi cherche-t-elle à le faire bisquer en lui faisant croire qu'elle acceptera les avances d'un riche commerçant qui pourrait être son père.

Les amourettes de leur progéniture respective sont sources d'émois chez César, père de Marius et Honorine, mère de Fanny. Des répliques savoureuses à gogo, tout l'esprit et la gouaille d'une époque, un vrai patrimoine français à ne surtout pas enterrer, mais, cela va sans dire, ceci n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Encore un bijou de Marcel Pagnol... Quelle poésie, quelle tendresse, quelle bienveillance.... Marius est le premier des 3 tomes de la trilogie Marseillaise... Et c'est magnifique... à lire et relire sans aucune modération...
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Les nombreuses critiques sur la trilogie marseillaise de Marcel Pagnol ont réussi à me convaincre de me la procurer. J'ai donc commencé avec le premier volume qui n'est autre que Marius. Cette découverte a été une merveilleuse surprise. Nous découvrons plusieurs personnages comme Marius, Fanny, César, Panisse. Nous suivons principalement Marius qui travaille dans le café de son père, il a la folie de la mer, ce qui inquiète fortement son entourage. Il rêve de prendre un bateau et de faire le tour du monde. Fanny vend des coquillages juste en face du café, elle est amoureuse de Marius depuis toujours. Un beau jour, Panisse lui demande sa main en lui promettant une très bonne dot. Je n'avais découvert que légèrement la plume de Marcel Pagnol avec ses Pastiches et Mélanges que je n'ai toujours pas fini. Je suis ravie d'avoir pu découvrir ce premier volume où l'on retrouve de l'humour, de la poésie, de l'amour, de l'amitié et avant tout l'ambiance marseillaise. La lecture de ce livre est très agréable, les personnages et les situations sont traitées avec beaucoup de profondeur. Je n'ai pas encore lu les deux autres volumes mais je conseille celui-ci à 2000% !
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J'ai fait une pause dans la lecture de mon pavé actuel (et pourtant je me régale), me rappelant que j'avais emprunté "Marius" de Pagnol pour le challenge Solidaire, emprunt qui arrivait à terme.
.
Quand j'ai vu la liste du challenge sortie, quand j'ai vu le nom de Pagnol apparaître, je me suis demandée quel livre choisir de cet auteur. Relire ? Découvrir un autre texte ?
Très vite sont apparues les critiques de Fanny1980 et de Laurent81 qui m'ont fait découvrir un point essentiel : je ne connaissais pas la "trilogie marseillaise". Pas vue, pas lue....
Arrive le commentaire de SabiSab28. Bon c'est dit ce sera "Marius".
Merci à vous 3 !
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Pourquoi diable ne connaissais-je pas cette pièce de théâtre ? Pourquoi ne l'avais-je pas étudiée en classe ? ou vue à la télé ?
Quel régal ! Cette pièce est hilarante, malgré un petit côté sombre qui se glisse progressivement dedans....
J'ai ri, souris, je me suis amusée.... et j'ai filé à la bibliothèque emprunter "Fanny" et "César".
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Cette pièce a été un bon moment, un temps de lecture comme on les aime quand on cite des extraits pour faire profiter son conjoint (marseillais qui plus est)....
J'ai aimé, j'ai aimé, j'ai aimé !!!! et j'ai lu "Fanny" dans la foulée, aujourd'hui ce sera "César" !
.
Merci au challenge Solidaire pour cette belle découverte !
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Citations et extraits (98) Voir plus Ajouter une citation
Il est 9 heures du soir. Dans le petit café, Escartefigue, Panisse, César et M. Brun sont assis autour d'une table. Ils jouent à la manille. Autour d'eux, sur le parquet, deux rangs de bouteilles vides. Au comptoir, le chauffeur du ferry-boat, déguisé en garçon de café, mais aussi sale que jamais.

Quand le rideau se lève, Escartefigue regarde son jeu intensément et perplexe, se gratte la tête. Tous attendent sa décision.

Panisse, impatient :
Eh bien, quoi ? C'est à toi !

Escartefigue :
Je le sais bien. Mais J'hésite...

Il se gratte la tête. Un client de la terrasse frappe sur la table de marbre.

César, au chauffeur :
Hé, l'extra ! On frappe !

Le chauffeur qui faisait tourner la roue du comptoir tressaille et crie.

Le Chauffeur :
Voilà! Voilà!

Il saisit un plateau vide, jette une serviette sur son épaule et s'élance vers la terrasse.

César, à Escartefigue :
Tu ne vas pas hésiter jusqu'à demain !

M. Brun :
Allons, capitaine, nous vous attendons !

Escartefigue se décide soudain. Il prend une carte, lève le bras pour la jeter sur le tapis, puis, brusquement, il la remet dans son jeu.

Escartefigue :
C'est que la chose est importante ! ( À César. ) Ils ont trente-deux et nous, combien nous avons ?

César jette un coup d'œil sur les jetons en os qui sont près de lui, sur le tapis.

César :
Trente.

M. Brun, sarcastique :
Nous allons en trente-quatre.

Panisse :
C'est ce coup-ci que la partie se gagne ou se perd.

Escartefigue :
C'est pour ça que je me demande si Panisse coupe à cœur.

César :
Si tu avais surveillé le jeu, tu le saurais.

Panisse, outré :
Eh bien, dis donc, ne vous gênez plus ! Montre-lui ton jeu puisque tu y es !

César :
Je ne lui montre pas mon jeu. Je ne lui ai donné aucun renseignement.

M. Brun :
En tout cas, nous jouons à la muette, il est défendu de parler.

Panisse :
Et si c'était une partie de championnat, tu serais déjà disqualifié.

César, froid :
J'en ai vu souvent des championnats. J'en ai vu plus de dix. Je n'y ai jamais vu une figure comme la tienne.

Panisse :
Toi, tu es perdu. Les injures de ton agonie, ne peuvent pas toucher ton vainqueur.

César :
Tu es beau. Tu ressembles à la statue de Victor Gelu.

Escartefigue, pensif :
Oui, et je me demande toujours s'il coupe à cœur.

A la dérobée. César fait un signe qu'Escartefigue ne voit pas, mais Panisse l'a surpris.

Panisse, furieux :
Et je te prie de ne pas lui faire de signes.

César :
Moi je lui fais des signes ? Je bats la mesure.

Panisse :
Tu ne dois regarder qu'une seule chose : ton Jeu. ( À Escartefigue ) Et toi aussi.

César :
Bon.

II baisse les yeux vers ses cartes.

Panisse, à Escartefigue :
Si tu continues à faire des grimaces, Je fous les cartes en l'air et je rentre chez moi.

M. Brun :
Ne vous fâchez pas, Panisse. Ils sont cuits.

Escartefigue :
Moi, Je connais très bien le jeu de la manille et je n'hésiterais pas une seconde si j'avais la certitude que Panisse coupe à cœur.

Panisse :
Je t'ai déjà dit qu'on ne doit pas parler, même pour dire bonjour à un ami.

Escartefigue :
Je ne dis bonjour à personne. Je réfléchis.

Panisse :
Eh bien ! réfléchis en silence... Et ils se font encore des signes ! Monsieur Brun, surveillez Escartefigue. Moi, je surveille César.

César, à Panisse :
Tu te rends compte comme c'est humiliant ce que tu fais là ? Tu me surveilles comme un tricheur. Réellement, ce n'est pas bien de ta part. Non, ce n'est pas bien.

Panisse, presque ému :
Allons, César, je t'ai fait de la peine ?

César :
Quand tu me parles sur ce ton, quand tu m'espinches comme si j'étais un scélérat, eh bien, tu me fends le cœur.

Panisse :
Allons, César...

César :
Oui, tu me fends le cœur. Pas vrai, Escartefigue ? Il nous fend le cœur.

Escartefigue, ravi :
Très bien !

Il jette une carte sur le tapis. Panisse la regarde, regarde César, puis se lève brusquement, plein de fureur.

Panisse :
Est-ce que tu me prends pour un imbécile ? Tu as dit : " II nous fend le cœur " pour lui faire comprendre que je coupe à cœur. Et alors il joue cœur, parbleu !

César :
...

Panisse, il lui jette les cartes au visage :
Tiens, les voilà tes cartes, tricheur, hypocrite ! Je ne joue pas avec un Grec; siou pas plus fade qué tu, sas ! Foou pas mi prendre per un aoutré ! ( Il se frappe la poitrine. ) Siou rnestré Panisse, et siès pas pron fin per m'aganta !

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Marius ( furieux) Et puis je t'apprendrai qu'ici c'est un bar, ce n'est pas une maison de rendez-vous.

Fanny Dis donc, sois un peu poli avec moi, au moins.

M Tu ne le mérites pas.

F Pourquoi ?

M Ah ! Si je ne l'avais pas vu, je ne l'aurais jamais cru .C'est honteux ce que tu fais avec ce pauvre vieux.

F Quel pauvre vieux !

M Tu ne vois pas que tu risques de le tuer ? Du temps, qu'il regardait ton corsage, il soufflait, il suait, il était rouge comme un gratte-cul.

F Tu etais bien plus rouge que lui. Et puis, j'ai un soutien-gorge. Et puis, ca ne te regarde pas.

M Eh bê, tu as bien raison, j'ai tort de m'en mêler. J'ai d'autres soucis en tête, heureusemnt. Seulement ca me fait de la peine de voir que tu es en train de devenir comme ta tante Zoé.

F Alors je n'ai pas le droit de me marier ?

M Non, tu n'as pas le droit d'épouser un veuf qui a soixante ans.

F Cinquante ! Tu sais qu'il a beaucoup d'agent, Panisse . J'aurai une bonne.... Et il me fait une dot de cent mille francs.

M Dis-moi tout de suite que tu te vends.

F Pourquoi pas ?

M Fanny, si tu faisais ca, tu serais la dernière des dernières.

F Quand on a une bonne, elle est encore plus dernière que vous.

M Allons, Fanny ! Ce n'est pas possible, voyons ... Fanny, est-ce que tu as pensé à tout ?

F Comment, à tout ?

M Tu sais bien que quand on se marie, il ne suffit pas d'aller à la mairie, puis à l'église.

F On commence par la.

M Et après ?

F Après il y aura un grand dîner chez Basso.

M Oui, mais après, quand tu seras seule avec lui ?

F Je verrai bien !

M Il faudra que tu te laisses embrasser ....

F Tant pis !

M Il t'embrassera sur la bouche, et puis sur l'épaule ...

F Tais-toi, Marius. Ne parles pas de ces choses.

M Il faut en parler maintenant parce qu'après ce sera trop tard ! Fanny, pense aux choses que je ne peux pas dire... Il va te serrer dans ses bras, ce dégoûtant, ce voyou ! ( Il court à la porte et crie) O saligaud ! ( Une vieille dame qui passait recoit le mot en pleine figure. Elle pyrouette et disparait. Fanny rit joyeusement) Oh ! Je sais bien pourquoi tu ris, va, mais ce n'est pas vrai.

F Qu'est-ce qui n'est pas vrai ?

M Tu t'imagines que je suis jaloux, n'est-ce pas ?

F Oh voyons Marius... pour être jaloux il faut être amoureux.

M Justement, et je ne suis pas amoureux de toi.

F Je le sais bien.

M Ce n'est pas parce qu'on a joué aux cachettes qu'on est amoureux.

F Mais bien sûr voyons !

M Remarque bien, je ne veux pas dire que je te déteste, non ce n'est pas ca. Au contraire j'ai beaucoup d'affection pour toi. Je viens de t'en donner la preuve. Mais de l'amour ? Non. Oh naturellement, si j'avais voulu, moi aussi j'aurai pu t'aimer... Jolie comme tu es, ca n'aurait pas été difficile. Mais je n'ai pas voulu. Parce que je savais que je ne pourrais pas me marier. Ni avec toi ni avec personne.

(pp.76-79)
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CÉSAR
..Tu ne sais même pas doser un mandarin-citron-curaçao.
Tu n'en fais pas deux pareils !

MARIUS
Comme les clients n'en boivent qu'un à la fois,
ils ne peuvent pas comparer.

CÉSAR
Ah ! Tu crois ça ! Tiens le père Cougourde, un homme admirable qui buvait douze mandarins par jour, sais-tu pourquoi il ne vient plus ?
Il me l'a dit. Parce que tes mélanges fantaisistes risquaient de lui gâter la bouche.

MARIUS
Lui gâter la bouche ! Un vieux pochard qui a le bec en zinc.

CÉSAR
C'est ça ! Insulte la clientèle au lieu de te perfectionner dans ton métier ! Eh bien, pour la dixième fois, je vais te l'expliquer, le picon-citron-curaçao. (Il s'installe derrière le comptoir.) Approche-toi !
(Marius s'avance et va suivre de près l'opération. César prend un grand verre, une carafe et trois bouteilles. Tout en parlant, il compose le breuvage.) Tu mets d'abord un tiers de curaçao. Fais attention : un tout petit tiers. Bon. Maintenant, un tiers de citron. Un peu plus gros. Bon. Ensuite, un BON tiers de Picon. Regarde la couleur. Regarde comme c'est joli. Et à la fin, un GRAND tiers d'eau. Voilà.

MARIUS
Et ça fait quatre tiers.

CÉSAR
Exactement. J'espère que cette fois, tu as compris.
(Il boit une gorgée du mélange).

MARIUS
Dans un verre, il n'y a que trois tiers.

CÉSAR
Mais, imbécile, ça dépend de la grosseur des tiers !

MARIUS
Eh non, ça ne dépend pas.
Même dans un arrosoir, on ne peut mettre que trois tiers.

CÉSAR (triomphal)
Alors, explique moi comment j'en ai mis quatre dans ce verre.

MARIUS
Ça, c'est de l'arithmétique.

CÉSAR
Oui, quand on ne sait plus quoi dire, on cherche à détourner la conversation. Et la dernière goutte, c'est de l'arithmétique aussi ?

MARIUS
La dernière goutte de quoi ?

CÉSAR
Toutes les dernières gouttes ! Il y en a toujours une qui reste pendue au goulot de la bouteille ! Et toi, tu n'as pas encore saisi le coup de la capturer. Ce n'est pourtant pas sorcier ! (Il saisit une bouteille sur le comptoir, et tient le bouchon dans l'autre main. Il verse le liquide en faisant tourner la bouteille.)

MARIUS
Tu verses en faisant un quart de tour, puis, avec le bouchon, tu remets la goutte dans le goulot. Tandis que toi, tu fais ça en amateur. et naturellement, tu laisses couler la goutte sur l'étiquette... Et voilà pourquoi ces bouteilles sont plus faciles à prendre qu'à lâcher !
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Panisse (grave et presque solennel) Mais j'avais juré de ne plus remettre les pieds chez toi, et c'est une promesse que je tiendrai.

César Et pourquoi tu ne veux plus remettre les pieds chez moi ?

P ( sévère) Parce que ton fils est un grossier.

C Mon fils est un grossier ?

P Un véritable grossier.

C (il hausse les épaules) Ah vouatt !

P Il n'y a pas de vouatt ! Et la première fois que je le rencontre, ce sera un coup de pied au derrière .

C Ah vouatt !

P (menacant et cruel) Et tu peux remarquer que je ne porte plus les espadrilles. Aujourd'hui, j'ai mis les souliers.

C Et c'est à moi que tu viens dire ca ?

P (sévère) C'est à toi.

Cesar descend du comptoir. le chauffeur veut se mettre entre eux.

LC Ayayaïe !

C ( il repousse le chauffeur du coté gauche) Panisse, si seulement tu touches mon petit, moi je t'en fous un coup de pied au derrière qui te fera claquer les dents !

P ( ricane) C'est à voir ...

LC Ayayaïe !

C ( repousse le chauffeur) Non, c'est tout vu. Si seulement tu lèves la main sur Marius, tu le regretteras six mois à l'hopital !

P ( hésitant) César, tu ne me fais pas peur .

LC ( se met au milieu) Ayayaïe ! Ayayaïe !

C ( il repousse le chauffeur) Si seulement tu frôls un cheveu de sa tête, ce n'est pas à l'hopital que tu te réveilles, c'est au cimetière !

P ( faiblement) Tu sais, j'en ai assommé de plus forts que toi .

C ( les yeux au ciel) Bonne Mère, c'est un meurtre, mais c'est lui qui l'a voulu ! ( Le chauffeur s'est mis entre eux. César, les mains largement ouvertes, s'avance vers Panisse pour l'étrangler. Solennel) Adieu Panisse !

P ( Il flageole, et d'une voix résignée ) Adieu César ! ( Il tombe sur la première chaise à droite. César l'étrangle. Le chauffeur a bondi jusqu'à la porte et regarde le combat épouvanté . Soudain une détonation retentit. Le chauffeur disparait dans la rue. C'est le bouchon du mousseux qui vient de sauter. Panisse râle) Le mousseux... le mousseux ...

C O coquin de sort ! ( il lâche Panisse et court derrière le comptoir chercher la bouteille de mousseux . Il la saisit et la bouche avec la paume de sa main. Panisse, qui est remonté devant le comptoir, à droite, a pris les deux verres et les lui tend. César les remplit. Puis il en prend un et boit. Panisse fait de même. Un temps.)

P ( très naturel) Il n'est pas assez frais.

(pp.84-86).
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Panisse : Oui, monsieur Brun ! Il y aura trois mois demain ! Ma chère Félicité ! Elle si forte, si gaillarde ...

M.Brun : Oh ! Mon pauvre ami !

P: A ce qu'il parait qu'elle avait une maladie de coeur... Ces choses là frappent d'un seul coup... lâchement. Le vendredi, elle avait encore mangé un aïoli du tonnerre de Dieu, avec les escargots et la morue... Et le dimanche matin, dernier soupir.

MB: Si vite ! Quelle catastrophe !

P.: Oui, oui... Vous me direz ce que vous voulez, mais il y a des fois que le bon Dieu n'est pas gentil. Une brave femme, si dévouée, si travailleuse, qui faiasait marcher les ouvrières comme pas une... et avec ca dans l'intimité elle était gaie et rieuse... Le matin, quand elle était en chemise, je m'amusais à lui courir après autour de la table de la salle à manger. Je lui donnais de petites tapes, je lui tirais des pinces... et alors, pour se venger, elle me faisait des chatouilles ( il étouffe un sanglot).

MB Ne remuez pas vos souvenirs, Panisse, ca vous fait du mal... Le temps vous aidera sans doute.

P Le temps ? Allons donc! ... Plus ca va, plus je déscends... Je passe mes nuits à pleurer...Voyons Monsieur Brun, est-ce que cela peut durer ?

MB Que faire, pourtant ?

P ( sombre) Oh ! Je le sais bien, allez.

MB ( inquiet) Voyons, Panisse ?

P C'est facile à dire, voyons... J'ai bien refléchi et c'est tout vu. Des solutions, il n'y en a pas deux... Quand on commence à se tromper dans les factures, et même à les perdre, on n'a plus le droit d'hésiter. Je n'ai pas d'enfant, je suis orphelin, ce qui est bien naturel à mon âge... Ca ne fera de tort à personne.

MB ( il lui met la main sur l'épaule) Allons, allons, pas de bêtise... Attendez encore un peu et vous verrez...

P Non, non, non ... ( Un temps) Je préfère me remarier tout de suite.

MB Vous préférez vous remarier ?

P Le plus tôt possible, mon bon. C'est bête de rester toujours seul à se faire du mauvais sang. Elle est morte? Elle est morte. Ce n'est pas en maigrissant que je pourrai la ressuciter, pas vrai ?

.... .... ....

Marius : Il vous a dit qu'il allait se remarier ?

MB Oui, et je trouve qu'il va un peu vite... Il n'y a que trois mois qu'il est veuf.

Marius : Il est veuf depuis trois mois, mais cocu depuis vingt ans ...

(pp.32... 37)
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Vidéo de Marcel Pagnol
Extrait du livre audio « La Gloire de mon père » de Marcel Pagnol. Parution numérique le 17 avril 2024.
https://www.audiolib.fr/livre/la-gloire-de-mon-pere-souvenirs-denfance-i-9791035414238/
Dans la catégorie : Littérature dramatiqueVoir plus
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