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Le Courtier en tabac tome 1 sur 2

Christophe Claro (Traducteur)
EAN : 9782253130727
702 pages
Le Livre de Poche (23/06/2004)
4.5/5   4 notes
Résumé :

Unanimement considéré comme le chef-d'œuvre de John Barth, Le Courtier en tabac a acquis le statut d'un classique contemporain. Situé à la fin du XVIIe siècle, le roman raconte l'odyssée chaotique d'un jeune puceau maladroit et naïf,Ebenezer Cooke, envoyé dans le Nouveau Monde pour veiller sur la plantation de tabac de son père et rédiger un poème épique sur les splendeurs du Maryland.

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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
«Qui suis-je ? Qui suis-je? Chaste, monsieur! Poète, monsieur! Je suis chaste et poète ; moins que mortel et cependant plus; non point un homme, mais la gent humaine! Je regarderai mon innocence ainsi qu'un symbole de ma force et l'épreuve de ma vocation (..)»
En cette fin de XVIIème siècle anglais, Ebenezer Cooke, digne émule de Candide («ma non troppo» : l'optimisme invétéré en moins !), bientôt âgé de trente ans, encore puceau et pourtant déjà poète officiellement reconnu en tant que «lauréat», s'embarque du port de Plymouth vers le Nouveau Monde. Chargé par son père de prendre la tête de la plantation de tabac que ce dernier avait laissée à «Cap Cooke», dans les nouvelles colonies, il se fait en même temps commissionner par Charles Calvert, troisième Baron de Baltimore, héritier de droit de la province du Maryland passée depuis peu sous le contrôle direct de la couronne britannique, à composer un poème «relatant l'héroïque fondation de cette province ». Une sorte de «Marylandiade », épopée en vers destinée à toucher le coeur de «tout amoureux chrétien de la Beauté et de la Justice » et, surtout, à sensibiliser et à préparer l'opinion à l'heureuse éventualité que «la complexion des choses se trouve changée», et que la province soit à nouveau rendue à son véritable propriétaire…
À la fois virtuose dans son genre, savant et délicieusement farceur, le roman de John Bart réussit à s'inscrire avec panache dans la grande tradition du roman d'apprentissage picaresque, à la fois satire burlesque, critique féroce de moeurs et allégorie philosophique à échelle universelle. LE COURTIER EN TABAC comprend deux volumes : «Lauréat du Maryland» et «Malden Recouvré» (le deuxième tome étant hélas en ce moment indisponible et, comme j'ai pu le constater moi-même, pratiquement introuvable !).
Dans "Lauréat du Maryland", Ebenezer Cooke devra déjouer moult pièges, faux-semblants et leurres dangereux avant de pouvoir enfin atteindre en toute innocence le Nouveau Monde. En digne héritier des grands auteurs anglais du roman d'aventure divertissant du XVIIIème siècle (Fielding, Sterne, Swift…) auxquels certains des épisodes du Courtier en Tabac rendent ouvertement hommage (capture en mer par des pirates, naufrage, rencontre avec des «Sauvages»…), John Barth construit une intrigue à rebondissements et à tiroirs, assaisonnée de récits dans le récit, de digressions morales et philosophiques, de duplicité et de dissimulation, farcie à la tartuferie, à la perversité et aux veuleries que seule l'engeance humaine est capable d‘échafauder. Où l'auteur fait également preuve d'une inventivité épastrouillante, y compris en créant une langue originale et savoureusement teintée d'archaïsmes et de tournures d'époque (et dont la traduction française se trouva magnifiée par le travail titanesque réalisé par Claro, récompensé à juste titre du Prix Maurice-Edgar Coindreau, en 2003). Où notre chaste héros, à l'instar de son célèbre ancêtre voltairien, sera précipité et mis rudement à l'épreuve de la réalité dans un monde soumis aux impératifs d'une morale à rebours, aux tonalités franchement rabelaisiennes et boccaciennes, régi par la concupiscence, par l'avidité et par l'emprise du plus fort. Où, guidé par son génial précepteur, Henry Burlingame III, personnage rusé, doué et polymorphe, «Eben» Cooke incarnera stoïquement cette surface immaculée (vierge) sur laquelle les batailles inglorieuses, perdues d'avance, destinées à sauvegarder l'innocence de l'esprit humain seront disputées et richement illustrées ici par les tribulations et l'acharnement du jeune et opiniâtre aède pris dans les rets de fond des machinations pour le pouvoir dans les nouvelles colonies d'Amérique. Où, enfin, la matière première poétique que lui souffle Calliope ne cessera de se voir mêlée aux bassesses et à la pusillanimité de la chair, à l'odeur du purin et à l'embrènement scatophile auxquels la nature humaine ne peut jamais totalement se soustraire, histoire de ne pas oublier que «inter faeces et urinam nascimur»…
Il aura fallu à John Barth quatre ans de recherches dans les archives du Maryland et dans un nombre important de documents historiques de l'Amérique coloniale pour étayer son roman. Mettant en branle un certain imaginaire «eldoradien» autour de l'irruption des hommes de l'Ancien Monde dans les nouvelles colonies d'Amérique du Nord, mis en avant par les manuels scolaires et par l'industrie du cinéma américains, LE COURTIER EN TABAC préfère substituer la légende d'une «terre de nobles sauvages, d'honnêtes marchands, de planteurs courtois et de chastes épouses», à celle, nettement, moins affriolante d'une contrée, ici le Maryland, « barbare et pernicieuse », peuplée d' «indiens qui puent la graisse d'ours, de colons ivrognes, querelleurs, d'illettrés et filous dont l'hospitalité est on ne peut plus douteuse».
Rien ne sera donc épargné par la plume alerte – et, il faut le dire, souvent assassine! - de l'auteur : ni les grands mythes fondateurs du Nouveau Monde, que ce soit l'épopée des premiers colons européens, celui du « bon sauvage » ayant accueilli les pionniers les bras ouverts ou bien l'histoire de John Smith et Pocahontas, ni la Glorieuse Révolution Anglaise ou certaines des plus émérites institutions britanniques, telle Cambridge par exemple, ou encore quelques-uns de ses plus éloquents représentants (dont notamment Isaac Newton et Henry More).
En s'embarquant ainsi dans la lecture du tome I du COURTIER EN TABAC - Lauréat du Maryland -, et en même temps avec Ebenezer Cooke dans le « Poséidon », en route vers le manoir paternel de Malden, c'est plutôt à bord d'une version nouvelle de la nef des fous que le lecteur se retrouverait plutôt embringué! Parodie féroce et sans concession, teintée de pessimisme mais évitant néanmoins le piège du nihilisme, mélangeant tradition philosophique et sagesse populaire (au travers notamment de très nombreuses formules proverbiales citées par l'auteur), le chef d'oeuvre de John Barth ne nous inviterait-il pas, par ailleurs, à réfléchir sur la possibilité d'échanger une innocence sotte, entretenue artificiellement, rigoriste et prétentieuse, contre une autre, «réactive», voulue comme une forme de résistance possible, aussi bien face à la bêtise et à la folie de la condition humaine, qu'au cynisme désabusé ou la désespérance inévitable qui en découlent et finissent souventesfois par envahir et «assoupir les esprits» ?
Matière à réflexion, en attendant la suite des aventures de notre courtier-poète à «Malden Recouvré»…Laissons, pour l'instant, le dernier mot à Henry Burlingame, mentor avisé de notre chaste héros:
«La vérité qui rend fou les hommes doit être recherchée avant qu'elle ne nous trouve elle-même, car elle déçoit le chasseur sot ou le myope. Mais lorsqu'elle est attrapée et sondée, soit par connaissance ou par entendement, l'unique expédient de son détenteur est de lui imprimer sa volonté dessus avant qu'elle ne cause sa ruine ! D'où vient que tu attaches tant de prix à ton innocence et à tes vers ? Il faut façonner son âme et s'y attacher ferme, ou s'en retourner babiller dans son coin ; il faut choisir ses dieux et ses démons, apposer son cachet sur l'univers, et déclarer : «Je suis cela, et le monde est ainsi fait !». Il faut prétendre, prétendre, prétendre, ou bien s'enfuir en criant comme un frénétique. Quel autre parti demeure-t-il?"

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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Ce nom [Pocahontas] signifioit, dans leur langue, la-toute-petite, ou celle-qui-est-estroite&-impenetrable, & cela, il me parut, ne se rapportoit ny à la stature de la fille, laquelle de vray estoit tres-mince, ny à son esprit, lequel se pouvoit penetrer assés aysement. Il designoit plustost, encore que grossierement, un defaut physique tres-singulier, qui consistoit en cecy que ses parties privées estoient d’une petitesse fort deslicate & la membrane qui les protegeoit d’une dureté qui la rendoit quasi infrangible. Le poinct inquiestoit grandement l’Empereur, car dedans sa nation la coutume barbare veut que, toutefois qu’une fille est fiancée, le Sauvage qui souhaite l’epouser, doit premier rompre ceste mesme membrane, ce sur quoy le galant est jugé digne de sa fiancée & les epousailles sont celebrées. Or, quelque hardiment que les guerriers choisis par Powhatan pour marier Pocahontas besognassent, aucun n’avoit pû la desflorer, & de vrai la plus part s’estoient blessez eux mesmes dans leurs efforts (…) Pour moy, j’estois content de surseoir derechef mon trepas, encor que ce ne pouvoit estre pour long temps, car je ne voyois point, puis donc que les Sauvages estoient d’une large stature & mon Capitaine [John Smith] si leger de complexion, comme il pourroit triompher là où ils avoient eschoué, sinon qu’il y eust quelque merveille de disproportion, dans les deux cas, entre la taille de ce qui estoit visible & de ce qui estoit dissimulé à l’œil.
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