Dans l'avant-propos de
Creuser Voguer,
Delphine Panique explique qu'elle a auparavant travaillé sur un reportage dessiné auprès de personnes migrantes, pendant lequel elle a ressenti un malaise : comment pourrait-elle transcrire avec justesse une histoire qu'elle n'a pas elle-même vécu ? Comment dessiner "une traversée de la Méditerranée en Zodiac", le déracinement, l'exil, sans en avoir fait soi-même la triste expérience ? C'est de ce sentiment de ne pas pouvoir dessiner le "réel" avec autant de justesse qu'elle le voudrait qu'est née cette bande dessinée.
L'idée est simple en apparence, tout comme le trait de
Delphine Panique : dénoncer les conditions de travail au sein des métiers qu'on appelle communément "non qualifiés", pour ne pas dire sous-payés, à travers une série de chapitres mettant en scène des métiers tous inventés, et tous occupés par des femmes, que l'on sait bien plus nombreuses à occuper ce type de métiers dans la "vraie vie"...
Cet angle original, qui peut paraître déroutant au premier abord, permet finalement à l'autrice-illustratrice d'aborder un vaste panel de sujets : dérèglement climatique, extrême pauvreté et inégalités sociales grandissantes, accès inégal à l'éducation et aux soins, gentrification, exclusion des personnes en situation de handicap, migrations, exil...Autant de questions intrinsèquement liées, mais rarement traitées toutes ensemble !
Le dessin en apparence très simple et naïf de
Delphine Panique apporte une touche de poésie, et suggère pour mieux montrer l'absurdité de la mondialisation, de la surconsommation et de la toute-puissance des plus riches, qui contraignent les plus pauvres à une forme d'esclavagisme moderne. La poésie des propos, les jeux de mots et les traits d'humour sont bienvenus, pour apporter un peu de légèreté dans un sujet difficile.
Comment en sommes-nous arrivé.e.s à ce que la majorité d'entre nous soit contrainte de vivre pour travailler, et non plus de travailler pour vivre et profiter de son temps libre et de ses proches ? Comment sortir de ce cercle vicieux ? L'avant-dernier chapitre de cette fabuleuse BD nous le suggère : par la sororité et l'union !
Une lecture magnifique, poignante et profonde, dont je me souviendrai longtemps. Merci à Babelio et aux éditions Cornélius pour cette masse critique de qualité !
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