Le sentier des reines nous mène sur des routes de montagne à la fin de la Première Guerre Mondiale. L'histoire débute dans un village de Savoie. Pendant la guerre, les femmes du village ont dû s'occuper des activités de la ferme et survivre. Comme beaucoup, les hommes ne reviendront pas et la vie va devoir continuer. C'est le lot de Blanca et de Pauline, sa belle fille. Les deux femmes vivent ensemble avec Augustin, un jeune orphelin.
Le mari de Blanc était colporteur, il parcourait les villages avec sa valise et apportait de la passementerie dans les lieux les plus reculés, isolés de tout, loin des villes et des commerces, seulement desservis par des chemins de montagnes.
Blanc est une maîtresse femme, endurcie par les épreuves de la vie. Femme au visage austère, visage qui montre sa détermination et sa volonté de ne pas être résignée. Elle va décider de reprendre l'activité de son mari et de partir vendre les boutons dans les villages que traversait le brave homme. Elle va emmener avec elle Pauline et Augustin.
Ce road-movie alpestre est l'occasion pour
Anthony Pastor de nous faire découvrir la vie pastorale et la vie des femmes dans les années 20. C'est aussi l'occasion pour lui de sublimer la montagne en hiver. On découvre les conditions de vie difficiles des montagnards mais aussi leur attachement pour leur région et leurs vallées.
C'est aussi l'occasion d'évoquer la situation des hommes qui sont revenus de la grande guerre, certains fracassés dans leurs corps, d'autres fracassés dans leur tête. C'est le cas de Félix, à la recherche d'une montre à monnayer, car de retour sans être blessé, il n'a le droit à aucune pension contrairement aux infirmes et aux mutilés. Il est de plus tombé dans la passion de la dive bouteille, ce qui ne facilite pas les choses. Félix va suivre ou poursuivre les deux femmes et le jeune garçon.
C'est aussi l'histoire de l'honnêteté qui anime l'âme paysanne. Ces hommes et ces femmes sont mus par des valeurs comme l'honneur, la vérité, le respect de la parole donnée. Blanc en est l'exemple type puisqu'elle va traverser une partie de la France pour retrouver la femme du capitaine de son époux. Mais
Anthony Pastor nous décrit aussi les différences entre les classes sociales, on ne se mélange pas même quand on est réuni par la douleur de la perte d'un être cher.
Le graphisme que nous propose
Anthony Pastor est magnifique. Dans sa grande majorité le livre est orné de couleurs sombres, rappelant celles de l'hiver en général et de l'hiver en montagne en particulier. Il nous donne à voir toute la noblesse de caractère dans le visage de Blanca mais aussi dans le drapé des vêtements et des coiffes. Son travail sur les visages est précis, colle au texte. Je vous invite à voir les sourires sur les visages de Pauline et Augustin lors du voyage en automobile... de même pour les scènes éclairées par le feu de cheminée.
Pastor nous décrit la fin d'une époque, d'un mode de vie et l'émergence d'un monde nouveau, plus mécanisé où les distances seront réduites grâce à l'usage du train ou des autos. Padtoor rend un bel hommage à ses personnes courageuses vivant dans un milieu hostile.
Une belle histoire servie par un très beau travail graphique.