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sur 491 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Nous connaissons tous la fameuse fausse légende sur la mémoire du poisson rouge... Souvent vu comme un être vivant stupide qui tourne sans fin dans son bocal, et qu'à chaque tour, il oublie ce qu'il s'est passé précédemment.

Et bien… Vous savez que l'homme est pire ? le temps d'attention et la capacité de concentration de notre génération s'élève à 9 secondes ! À cause de quoi ? À cause de nos petits smartphones qui nous coupent du monde… Nous sommes devenus des poissons rouges enfermés dans le bocal de nos écrans… une civilisation « distraite de la distraction par la distraction ».

« Tel le poisson, nous pensons découvrir un univers à chaque moment, sans nous rendre compte de l'infernale répétition dans laquelle nous enferment les interfaces numériques auxquelles nous avons confié notre ressource la plus précieuse : notre temps. »

Lire cet essai, c'est un peu comme un « behind the scenes » pour un film. C'est une visite des coulisses hors caméras pour comprendre ce qu'il se passe… Ici, il est question d'être derrière le téléphone.

Comment est-ce possible que la majorité d'entre nous soit accro à ce petit truc ? Eh bien, c'est simplement chimique, scientifique et psychologique ! Bruno Patino met le doigt dessus avec des explications concrètes. Il explique comment les enseignes, les applications, et les marques font pour nous doper tout en douceur... Comme une drogue lente et douce. Même les supermarchés ont utilisé ces techniques pour nous pousser à consommer sans nous rendre compte.

Grâce à cet essai, nous prenons connaissance des moyens utilisés pour faire devenir accro les utilisateurs et aussi comment les faire rester accros.

« Les services numériques ne limitent pas l'utilisation des enseignements de la psychologie comportementale aux systèmes à récompense aléatoire. le besoin de complétude, la prise en charge de la fatigue décisionnelle, et la théorie de l'expérience optimale structurent le fonctionnement des applications les plus utilisées. Avec, à chaque fois, l'objectif affiché d'accroître le temps passé par l'utilisateur, dans l'espoir qu'il abandonne le contrôle de ce temps. »

« C'est l'idée défendue dans ce livre : l'addiction qui se développe, les effets de bulles informationnelles, de déséquilibre, de dissémination de fausses nouvelles et de contre-réalités sont aussi et sans doute surtout une production intrinsèque du modèle économique des plates-formes. Et ce modèle est amendable. Mais il faut s'y mettre. de toute urgence. »

Pour résumer, cet essai est très intéressant. Je le recommande à celles et ceux qui souhaitent savoir comment cela se passe en « Off », derrière les écrans. Zoom sur les stratégies, les algorithmes, la surveillance, les récompenses, le besoin des utilisateurs, l'économie de l'attention, l'addiction, ect… Et je le recommande fortement à celles et ceux qui sont tombés dans ce triste piège.

La meilleure recette pour rendre l'Homme contrôlable ? : Les réseaux sociaux à gogo + Éviter qu'ils réfléchissent par eux-mêmes + les rendre au maximum idiots + réduire au maximum le langage + l'instauration de la peur + faire croire que le gouvernement est là pour aider + la malbouffe + un maximum de chaîne de télé privé
(Oui il y a un peu de George Orwell dans ma recette)
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Ce petit bouquin, instructif et parfaitement documenté, amènera le lecteur à s'interroger sur son rapport aux écrans connectés. Il y est question des dérives menaçant notre santé mentale comme le phénomène d'addiction . Cette captation de notre attention serait , selon l'auteur savamment orchestrée par les GAFAM : on s'en doutait un peu ... Cette lecture édifiante est parfois rébarbative en raison de l'abondance des statistiques mais on y enrichit son vocabulaire avec de jolis mots comme phnubbing , snubbing ou athazagoraphobie.
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« La civilisation du poisson rouge » est un ouvrage brillant qui donne des clés pour mieux décrypter le monde numérique dans lequel nous baignons actuellement.

Hyper connectés mais ni plus heureux, ni plus intelligents, les utilisateurs d'applications sont sous l'emprise des concepteurs des géants du numérique qui aspirent leurs données personnelles pour mieux affiner leurs stratégies économiques.

Le résultat, devenu hors de contrôle a bafoué les principes, sans doute utopiques des pionniers d'Internet pour produire une gigantesque arène ou la violence, le doute et abêtissement général prédominent aujourd'hui.

Il aura fallu qu'on réalise que Facebook pouvait influencer une élection présidentielle pour que les pouvoirs publics commencent à réagir, trop tard pour juguler les effets dévastateurs sur la santé et tout particulièrement des plus jeunes, plus exposés et fragiles que les adultes.

Patino ne croit pas au « mea culpa » provoqué par la pression des autorités et ne voit pas les GAFA changer le fondement de leur pouvoir et de leur richesse, aussi plaide-t-il pour revoir la conception des algorithmes, la gestion des informations sur Internet et à offrir des capacités de déconnexion totale afin de préserver notre équilibre.

Il en va probablement de la survie de l'être humain.
Lien : https://lediscoursdharnois.b..
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Tim Berners-Lee, le père d'Internet, le dit haut et fort lui-même, c'est un échec. Oui les promesses révolutionnaires d'un réseau qui permettrait de connecter l'humanité tout entière afin de lui permettre d'accéder à l'ensemble des savoirs de manière égale pour tous, ce qui devait être la nouvelle révolution équivalente à l'invention de l'imprimerie, est un échec. Pourquoi ? Et bien parce le ver est dans la pomme, celui des profits sans limites et sans règles.
Les dits géants d'Internet n'existent que par une émergence exacerbée d'une économie de l'attention, régie par des algorithmes qui exploitent toutes nos failles et biais congnitifs pour capter notre attention et nous abreuver de publiciter, qui laisse la part belle aux manipulateurs et complotistes de tout bord et dont les premières victimes sont les plus jeunes générations qui ne savent plus porter une attention moyenne supérieure à 8 secondes, approximativement celle d'un poisson rouge bridé dans un bocale.
Il est donc temps de réagir et de porter sur le devant de la scène des règles, des impôts, des formations et de nouveaux projets d'un Internet plus proche de celui imaginé au départ. Et pourquoi pas un réseau public, sans visée économique ? Tout est encore possible. Les actes des hommes ne sont jamais parfaits, leurs intentions le sont parfois, comme dit l'adage.
Un bel ouvrage, simple et riche d'informations, facile d'accès, en poche et donc facile à emmener partout. C'est une lecture salutaire.
Peut-être y a t il dans Babelio, les bribes de ces nouveaux réseaux appelés de ses voeux par Bruno Patino ? Je vous laisse réagir sur ce point mais il me semble que oui. Bonne lecture à toutes et à tous.
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Dans notre société hyperconnectée et marquée par l'infobésité nous devenons des poissons rouges enfermés dans le bocal de nos écrans.

Nous tournons en rond au grès de multinationales et de leurs algorithmes basés sur nos données comportementales.

Nous noyons notre temps et notre concentration dans un empire de croyances médiatiques et publicitaites.

Une technologie qui se voulait utopique et libertaire et finalement dégrade l'humain. Et maintenant que fait-on ?

Cet essai a le mérite de proposer des perspectives d'aménagement qui n'a de sens que si terrain et politique s'allient. Ça vous rappelle pas un autre sujet ?

Bon les gens, il y a du boulot sérieusement !!!
A nous de jouer pour que nos enfants et nous-même ayons le regard porté plus haut que nos écrans et veiller à rester dans nos états humains.
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Bruno Patino nous fait réfléchir au côté obscur des réseaux sociaux : une économie du marché de l'attention, et, apprès avoir dépeint la réalité et les problèmes, notamment d'addiction, que nous rencontrons aujourd'hui, et resitué les responsabilités de chacun, nous propose des pistes concrètes de solutions, à l'échelle de la société.

Ce petit traité sur le marché de l'attention se lit vite et les propos de Bruno Patino sont à la portée de tous.

Qui plus est, c'est vraiment une approche complète et intéressante.
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Je remercie les éditions Grasset et Masse critique pour la lecture de ce livre.
J'ai d'abord été intrigué par cette comparaison avec le poisson le rouge dans son bocal même si je pouvais en avoir une petite idée.
Cette lecture m'a appris un certain nombre de choses et surtout la mise en évidence de ce marché de l'attention tant convoité par les maîtres de l'internet et le fait que de moins en moins nous sommes libres de choisir ce que nous voulons faire au moment où nous voulons le faire tellement nous sommes happés par les réseaux sociaux, les médias de l'internet, les mails que nous recevons sans cesse pour attirer notre attention.
C'est à une véritable reprise en main de notre vie que nous sommes confronté en sortant de cette manipulation car il s'agit bien de cela mais également de notre choix personnel .
Ce que j'ai redécouvert dans ce livre car, comme beaucoup d'entre nous, je l'avais oublié, c'est qu'internet était à l'origine un formidable outil de communication et de partage d'informations gratuites (les vraies informations, celles qui élèvent notre niveau de culture et ne ramène pas l'être humain à un consommateur idiot). L'auteur nous le rappelle bien et il n'est peut-être pas trop tard pour revenir à une version humaniste d'un internet bienveillant.
Une découverte.
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Si vous voulez être bousculés dans vos habitudes et notamment dans celle de votre probable dépendance au smartphone, alors ce livre est pour vous ! Entre le dormeur sentinelle,  la nomophobie, le phnubbing, l'anxiété, l'assombrissement, la schizophrénie de profils et l'athazagoraphobie, vous allez en plus enrichir votre vocabulaire... et peut-être prendre conscience que vous ou vos proches souffrez de l'une de ces nouvelles maladies psychologiques et comportementales.  Les expériences sur les souris sont très éclairantes pour comprendre notre servitude. Nous allons aussi comprendre les biais cognitifs auxquels nous sommes soumis sur l'espace numérique et comment ils encouragent les réponses émotionnelles, les croyances et les dissensions. Bruno Patino clôture son essai par quelques prescriptions pour nous aider à reprendre du contrôle sur notre vie, notre liberté et notre attention et sortir de notre condition actuelle (acquise) de poissons rouges dans un bocal!
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[Essai, Grasset, juin 2019] le poisson rouge, d'après des études sérieuses que je renonce à aller vérifier, bénéficierait d'une attention à ce qui l'entoure de 8 secondes. le millenial, cet être étrange comme tous ceux qui sont nés avant ou après nous, ne donnerait plus que 9 secondes de son intérêt avant de rechercher sa dopamine dans une nouvelle sollicitation numérique. Que s'est-il passé ?
Le capitalisme de l'attention a triomphé, ponctuellement, dans un Internet en pleine gueule de bois, à l'heure où ses plus saillants inventeurs, venus de la contre-culture, se constituent prisonniers et repentis, et où ses plus opportunistes constructeurs continuent de pointer les mauvais éléments du doigt comme perturbateurs de la grande fête, sans jamais remettre, pour le moment, leur structure économique en question. Qui, pourtant, les encourage, s'essouffle, et commence à se voir.
Bruno Patino, qui a participé depuis ses débuts à la mise en place des modèles numériques de la presse française, ne fait partie ni des premiers – « Il est inutile de nous en vouloir puisque nous avons été trahis », ni des seconds, puisqu'il envisage de combattre ces constructeurs effrénés et de guérir une population mondiale d'infectés, en premier lieu en nommant le mal, et posant un diagnostic pondéré, argumenté et contextualisé. Il n'est ici aucunement question d'une charge contre le numérique, de la part « d'illettrés qui se piqueraient de nous apprendre à lire », ni d'une vue surplombante admonestant tout un chacun de décrocher (les mécanismes de l'addiction et de la persuasion employés par les firmes étant douloureusement rappelés et prouvés), aucun effet dramatique à l'américaine « j'ai construit un monstre, je dois le détruire », et pas de catastrophisme appuyé. Il n'en a pas besoin, son simple point d'étape se passant largement d'effets spéciaux pour vriller une indicible peur au ventre.
Ce qu'il fait pour nous de considérable, c'est une synthèse claire (166 pages, avec pistes de lectures pour creuser chaque point soulevé - le perpétuel débutant ne sera pas rebuté par des termes techniques fumeux ou des sigles indigestes) de l'histoire des nouvelles technologies, ou plutôt de ce qui a mal tourné entre les objectifs de ses créateurs et la déviance de leur utilisation (une Grande Histoire des Enfants sous LSD Manipulés par des Gourous pendant que leurs Parents sont à l'Eglise ou au Bistrot, en somme – et, hein, qu'est-ce qui pouvait mal tourner ?), un rappel des nombreuses théories de comportements, de syndromes divers des utilisateurs, de dérives déjà observées mais récapitulées et fourmillantes d'informations savoureuses (bibliographie alléchante et liens d'articles à fouiller en fin de volume), de rappels de faits, de personnages clés, de responsables identifiés, de lois, d'économie, de politique numérique, de psychologie, de philosophie qui rend son tableau inoubliable pour qui l'aura eu sous les yeux, durant les 3h de lecture nécessaires.
Pourquoi le fait-il ? Parce que cela ne peut plus continuer comme cela. Cela ne continuera pas bien longtemps, et mieux vaut anticiper la suite.
Bien, et que faire ? La dernière partie, évidemment ouvre des pistes, insuffisantes, bancales, contestables. En ressort toujours la même chose : combat politique lié à une prise de conscience de société et assortie d'une plus grande discipline personnelle, exactement de la même manière que pour les problématiques écologiques. Il donne aussi des raisons de ne pas laisser tomber facilement, et mollement, car rien n'est plié, et la manipulation – très génialement expliquée – de ceux qui ont tout intérêt à ce qu'on le croie, et qu'on ne se rebelle pas, ou qu'on pense se révolter d'une situation qui n'existe pas (voir l'analyse vertigineuse de la prétendue panique faisant suite au canular d'Orson Welles), est puissante.
Car fermer les yeux sur les pratiques globalement inadmissibles de ceux qui vous fournissent votre drogue, sous le prétexte de la cohérence personnelle est un argument vide, démonté depuis des lustres. On critique le numérique sans le quitter et cela choque ? C'est qu'on n'a définitivement pas pris la mesure de son étendue – toujours commodément, en France, du moins, réduit aux excès des réseaux sociaux. On critique la qualité de l'air et de l'eau, de la production de notre énergie, on critique nos maîtres, nos écrivains, nos agriculteurs. On repense nos positionnements, notre alimentation, depuis qu'on nous force à regarder la vérité de la production en face, on prévient, on partage les bons plans, les avancées salutaires. Pourquoi ne peut-on démonter plus systématiquement les économies Facebook, Netflix, Apple, Spotify, Google, sans trembler d'écorcher une idole ni pour autant y renoncer ?
Je constate en tout cas que tout ce que j'ai lu çà et là de critique sur la question, éparpillé, a bien été rassemblé et vu par un autre, qui sait exactement ce qu'il se passe, et vous le dit le plus sobrement possible, comme agent lui-même et non comme observateur retiré. Et bien, respirons. Parce que les attaques pour complotisme réactionnaire ou dépit de loser, dès qu'on s'attaque aux pratiques, obscurités et hypocrisies des GAFAM, elles aussi commencent doucement à se ringardiser. Enfin.
Bien que plutôt renseignée sur le sujet, j'y ai appris quantité de choses, et reprends courage : la grande idéologie béate de la transformation numérique incontestable et selon une unique méthode commerciale, va commencer à vaciller. Il faut plus d'ouvrages de ce genre, de la part de ceux qui pratiquent. Il ne faut pas abandonner le numérique aux concessionnaires stupides qui règnent dans un grand bluff qui commence à se dissiper, auprès d'un trop grand nombre d'utilisateurs qui refusent d'y connaître grand-chose, ce qui est fort pratique (« je n'y connais rien, pas étonnant que je fasse n'importe quoi, tant pis »). Dans les années 1980, nous ne connaissions rien au plastique et aux produits chimiques.
Ils seront tous démasqués tôt ou tard, ces pauvres pitres en consulting en mousse. Et connectés, nous le serons pour toujours. C'est le grand plan qui a déjà fonctionné. Mais sous quelles valeurs, et avec quelle maîtrise ? Il faut maintenant muter souplement et multiplier les chevaux de Troie contenant ce qui nous importe, et les sanctuaires intimes inviolables, férocement protégés. Se renseigner. Tenir.
Si vous voulez regarder ces coulisses pitoyables aussi, et j'allais dire « avant toutes » puisqu'elles organisent votre accès aux autres, je vous conseille donc pour commencer ce bouquin à jour, malin et rapide.
Il y en a quantité d'autres.
Lien : https://pamelaramos.fr
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Les études le montrent : « La capacité d'attention de la génération des millenials, est de 9 secondes. Au-delà, son cerveau décroche. Il lui faut un nouveau stimulus, un nouveau signal, une nouvelle alerte, une autre recommandation. Dès la dixième seconde. Soit à peine une seconde de plus que le poison rouge ». Et ne nous leurrons pas : le phénomène tend à se généraliser, créant une addiction nouvelle, une « servitude numérique » qui ne touche pas que les jeunes. Ainsi « tel le poisson, nous pensons découvrir un univers à chaque moment, sans nous rendre compte de l'infernale répétition dans laquelle nous enferment les interfaces numériques auxquelles nous avons confié notre ressource la plus précieuse : le temps ». Ce constat de l'auteur, qui avoue être lui-même « dépendant des signaux qui encombrent l'écran de mon téléphone » est saisissant car on réalise qu'effectivement, personne ne peut se targuer d'avoir échappé au grignotement progressif des sollicitations numériques (« L'existence sur smartphone est une vie par procuration dont la clé de voûte est la peur de disparaître sans le regard et les jugements électroniques des autres »)…

Plus saisissante encore, la partie expliquant les manipulations du « capitalisme numérique » pour mieux nous enferrer. Une méthode directement inspirée des casinos, « qui sont pensés pour produire une servitude psychologique entièrement construite sur la dépendance qu'engendre la récompense aléatoire » (elle-même démontrée sur des souris de laboratoire : si l'animal comprend qu'à chaque activation, le levier procure de la nourriture, il arrête de l'actionner, rassuré ; si la délivrance est aléatoire, la souris appuie beaucoup plus souvent pour s'assurer d'obtenir sa récompense…). Ainsi, « le bric-à-brac désordonné des fils Twitter, de la timeline de Facebook, où ce que l'on peut trouver va du sublime au minable, de l'utile au dérisoire, du sérieux au ridicule, produit l'effet d'une machine à sous qui délivre tantôt 5 centimes, tantôt 100 000 euros ». Les algorithmes qui régissent les réseaux sociaux sont donc paramétrés de façon à entretenir le caractère aléatoire des résultats afin que l'utilisateur reste « accro ». de même sur Netflix, « ce qui compte n'est pas la qualité de la série, mais la frustration liée au visionnage incomplet. L'enchaînement des vidéos vise à ne pas interrompre la dépendance par d'autres sollicitations ». Autant d'exemples édifiants qui nous ont tous concernés un jour ou l'autre et qui font froid dans le dos (« Ce confort, agréable dans un premier temps, devient vite nécessaire, et prend le pas sur la zone de contrôle du cerveau »)… L'effet de cette « captologie » (l'art de capter l'attention de l'utilisateur, que ce dernier le veuille ou non) est bien sûr dévastateur sur la psychologie humaine, surtout chez les plus jeunes dont il profite des faiblesses (« Chez les enfants, la capacité à effectuer un choix raisonné qui ne succombe pas à la tentation immédiate n'est pas encore totalement formée »). Notre vie culturelle et intellectuelle est devenue « stroboscopique » : nos parcours et nos décisions sont guidés non pas par nos choix raisonnés (comme on le suppose) mais bien par des algorithmes, et « les suivre aveuglément en croyant à leur promesse d'optimisation a fait de nous des somnambules ». Pire, ils nous emprisonnent dans une « bulle d'informations », nous enferment dans notre propre vision du monde et « nous endoctrinent avec notre propre opinion » en affichant en priorité des données (et des contacts) allant dans le sens de ce que (ou qui) nous sommes habitués à regarder (au lieu de nous ouvrir à de nouvelles possibilités).

La seconde partie, axée sur l'information, m'a moins enthousiasmée (beaucoup de références, de notions, de désignations techniques en anglais), même si les propos sont très justes. L'auteur évoque à la fois la multiplication des sources depuis le numérique et l'influence du contexte de réception (il fait notamment référence à l'anecdote du lancement de la guerre des mondes par Orson Welles) qui font qu'il est devenu bien difficile de distinguer les vraies des fausses nouvelles (« la polyphonie numérique » et « l'incertitude globale »). Il analyse les conséquences d'un monde inondé par les « pseudo-événements » fabriqués par l'industrie du spectacle, du divertissement et des médias qui mettent en avant « une personne célèbre à cause de sa célébrité » : le choc émotionnel provoqué possède « un potentiel viral » important (puisqu'il sera « partagé, commenté, recopié ») et donc une grande valeur économique dans un modèle fondé... sur la publicité. Il est en effet dépité de voir que désormais, « moins on sait, plus on affirme, et plus on affirme, plus on est visible sur les réseaux »…

Dans cet embrouillamini d'informations, quid de la presse ? Autrefois média principal (pour ne pas dire unique), descendant (du journaliste au lecteur), avéré (faits vérifiés), elle est aujourd'hui dénaturée, noyée dans le flot quotidien des « opinions, enquêtes, erreurs, mensonges, témoignages, canulars, calomnies, communiqués » balancés pêle-mêle. Soyons honnêtes : sur les réseaux, la presse se fait déborder de façon permanente (« en nombre comme en intensité de messages, elle ne peut lutter ») et a perdu son monopole. Les organisations journalistiques, les citoyens et les interfaces de distribution forment désormais un cercle aux relations complexes. L'objectif majeur n'est plus l'authenticité mais la performance (« les histoires les plus regardées ») et la préférence (« celles qui sont les plus appréciées »).

Dès lors, comment agir ? Bruno Patino propose deux pistes, insuffisamment développée selon moi : tout d'abord, la « désintoxication technologique » (« Il s'agira d'avoir non plus accès à la connexion, mais à la déconnexion », comme le traite si bien Loïc le Borgne dans son roman jeunesse le garçon qui savait tout soit dit en passant). Cependant il n'est pas question de renoncer aux extraordinaires potentialités de la société numérique qui rend accessible à tous connaissances et culture : « Il nous faut simplement comprendre que la liberté s'exerce dans la maîtrise » et surtout former les jeunes (et les moins jeunes...) à sa bonne utilisation afin de lutter contre « ces humains au regard hypnotique, enchaînés à leurs écrans, qui ne savent plus regarder vers le haut » ni autour d'eux, bref jouir de la vraie vie.
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