Citations sur Le Métier de vivre (353)
L'avenir viendra d'une longue douleur et d'un long silence. Il pré-suppose un état de telle ignorance et de telle détresse qu'il devienne de l'humilité, la découverte en somme de nouvelles valeurs, un nouveau monde.
La vie sans fumée est comme le fumet sans le rôti.
La culture doit commencer par le contemporain et le documentaire, par le réel, pour remonter –si c’est possible- aux classiques.
Erreur humaniste : commencer par les classiques. Cela habitue à l’irréel, à la rhétorique, et, en définitive, au mépris cynique de la culture classique –d’autant qu’elle ne nous a rien coûté et que nous n’en avons pas vu la valeur (la contemporanéité avec leur époque).
Est fatale une vie qui a une cadence mythique, un rythme que l’on peut fixer à l’avance, mais qui ne se fond pas en connaissance rationnelle (qui le détruirait) ; est superstitieuse une vie qui s’obstine à se voir comme schéma mythique, quand elle sait bien qu’elle ne l’est pas et qui se comprend traditionnellement. Une vie dont le rythme, dont les retours, sont voulus, intentionnels.
Le prurit fini, le vide cérébral a commencé. Celui-ci fini, commencent les rhumatismes ou l’arthrite. Est-ce que les choses viennent l’une après l’autre ou bien est-ce toi qui les inventes ?
Pour toi, un ami n’est plus un moyen synthétique d’être avec quelqu’un, de vivre, mais un passe-temps, une variante du cinéma. Qu’est-ce ? Je travaille tout seul et puis je me distrais. Au temps où croyais aux amis, je ne travaillais pas.
Tu es pour les femmes que tu aimes comme, pour toi, une de ces femmes qui te font débander.
La mémoire est l’absence d’imagination (Rousseau, Emile, 1, II) « dans ce que l’on voit tous les jours, ce n’est plus l’imagination qui agit, c’est la mémoire » - « l’habitude tue l’imagination » -mais la mémoire des choses lointaines présente des objets renouvelés, déshabitués par le temps et par l’oubli intercalé, c’est pourquoi elle est un stimulant de l’imagination, d’autant plus que les choses que l’on se rappelle sont nouvelles mais mystérieusement nôtres.
On pourrait carrément avancer que l’Italie et l’Angleterre ont eu de grands poètes parce qu’on y tenta la poésie avant même de définir la langue, et la France non, parce que, à la suite de nombreuses circonstances, ses ambitieux poètes s’y essayèrent après que l’on sut ce qu’était la langue (XVIIe siècle).
Le pré, la forêt, la plage de l’enfance ne sont pas des objets réels parmi tant d’autres, mais bien le pré, la plage tels qu’ils se révélèrent à nous dans l’absolu et donnèrent forme à notre imagination transcendantale. Qu’ensuite ces formes transcendantales se soient encore enrichies des sédiments successifs du souvenir, cela vaut comme richesse poétique et c’est autre chose que leur signification originelle de mythe.