VITRAIL
Vitrail qu'on aperçoit aux murs de quelque église
dont chaque vieille pierre est un nid d'oraisons
que dentela le temps, pareil aux artisons
dont le labeur subtil parfois s'idéalise...
Vitrail terne et sans vie au regard qu'il reçoit
de la rue où les cœurs mêlent leurs lassitudes,
vitrail de beauté close aux yeux des multitudes
que de loin il attire et de près il déçoit...
Ses bleus, ses violets et ses rouges sont tristes
aux clartés du plein air où flambe un dur midi
et la poussière au bord du plomb qui les sertit
mange les chefs du Christ et de saint Jean-Baptiste.
Quitte le boulevard où les trompes d'autos
dominent tous les bruits de leur voix dissonante,
où la vie à son gré vous prend dans sa tourmente
ainsi que l'océan roule un mort dans ses flots...
Écarte le vantail du temple et tu vas croire
que tu glisses, rapide, au calice d'un lys ,
tant le silence est frais parmi cette oasis,
tant le vol des encens y met d'ombre illusoire...
.
Qu'importe si la foi reste en toi sans levain
et que tu croies ou non au Dieu que l'on encense,
pour que tout sanctuaire accueille sa présence
le cœur de tout passant garde assez de divin.
Regarde le vitrail et frissonne de joie !. .
Il t'avait paru gris et terne du dehors,
vois rutiler sa pourpre et resplendir ses ors,
regarde comme en lui la lumière flamboie !
DANS LA LUMIÈRE
Dans la lumière irréelle
qui la farde étranglement
et la dessine plus frêle,
elle danse éperdument.
Elle est souple, aérienne
et rythmique, et l'on dirait
qu'elle est la magicienne
dans les mains de qui paraît,
Fleurit, s'exalte et s'avive,
ainsi qu'elle l'exigea,
la grâce, hélas ! fugitive
de l'instant qui meurt déjà !
Frémissante. . . elle est la joie
aux yeux noirs de volupté,
elle veut comme une proie
sentir toute la beauté
Terrestre, humaine et divine,
dans un fol embrassement,
s'écraser sur sa poitrine !..
Elle danse éperdument ! ..
Elle cueille ici la brise,
et là le parfum des fleurs ;
dans son geste qui se brise
elle emporte les couleurs
De la clarté qui l'effleure,
et sous son baiser hardi,
l'âme changeante de l'heure
tour à tour rêve et bondit! . ..
Elle danse, danse, danse,
la danseuse aux pieds légers,
et, plus vive, la cadence
semble encor plus exiger,
Quand soudain, fragile amante
de bonheur et de tourment,
sur le sol, ivre ou mourante,
elle tombe brusquement!...