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sur 92 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Après la commune, la première guerre mondiale et celle de 39/45, Patrick Pécherot a de nouveau choisi une heure sombre de l'histoire de France comme thème de son nouveau roman. Cette fois-ci c'est dans le Jura des années cinquante qu'il nous transporte pour nous conter une histoire de conscience sur fond de guerre d'Algérie. Un peu comme Didier Daeninckx l'a fait dans des romans comme : « Meurtre pour mémoire » ou « le bourreau et son double », il nous parle des séquelles que ce conflit a laissé dans les esprits ou plutôt est en train de laisser, puisque son roman à lui se déroule bel et bien pendant la guerre et non des décennies plus tard.
Cela lui permet de faire revivre cette époque difficile pour le populo dont les conditions de vie sont encore relativement précaires en dépit du plein emploi dans un pays qui se reconstruit. Son récit est donc très orienté sur les aspects sociaux de l'époque. On prend le pouls de la société d'alors en compagnie de Gus et André, on visite les petites entreprises qui vivotent, les routiers où se côtoient les ouvriers, le zinc où l'on refait le monde à grand coups de canons, les premières cités... La guerre, elle, n'est que suggérée. On n'en sait que ce que la TSF veut bien en dire ou ce que les témoins en racontent. Pour le reste il faut se contenter du discours officiel ou de ses répercussions en métropole : les manifestations des travailleurs algériens et les porteurs de valises.
Les héros de Pécherot n'y sont confrontés que par la bande. Et encore, c'est davantage à leurs démons intérieurs qu'ils ont affaire. Ils vont notamment devoir surmonter leur rancune et leurs préjugés et apprendre à juger les gens « au singulier », à voir le gamin dans le bidasse ou le père de famille dans l'arabe et décider s'il y a une différence à faire passer la frontière à un juif en 1945 ou exfiltrer un membre du FLN ou un déserteur en 1958. Ce faisant, il nous rappelle cette évidence trop souvent oubliée qui consiste à ne pas considérer les individus en fonction de leur milieu, de leur race, ou de leur religion.
Les amateurs d'intrigues alambiquées ou d'enquêtes rondement menées seront sans doute déçus. C'est un instantané de vie que nous propose l'auteur et les seuls mystères à éclaircir sont ceux qui se lovent dans la personnalité des personnages, dans les recoins intimes de leur cerveau. le roman n'en est pas moins passionnant et l'on se demande jusqu'au bout quelle route vont emprunter les protagonistes. Celle de la colère et de l'appât du gain ou celle de la compassion.
L'écriture est en revanche particulièrement soignée. Elle possède une puissance d'évocation peu commune grâce à une plume qui mêle l'argot à la littérature pour accoucher d'une poésie de la dèche. Si vous ne me croyez pas, ces quelques lignes devraient suffire à vous convaincre : « Sept bâtisses barrant l'horizon comme pour le rayer de la carte. Des fenêtres à fientes, des caniveaux à reflux, des puanteurs de marais. Quatre cent personnes à loger. Des familles, les mômes en ribambelle, cannes de serins et morve au nez. Les hommes usés avant terme, les femmes plus fanées que leurs couronnes de mariées. de la fatigue à chaque étage et des tâches ménagères qu'on ne s'imagine plus. Les marches à grimper, les brocs à transbahuter, les lessives à casser le dos, le charbon à monter, les corvées de patates et la cuisson des nouilles. La toilette à la bassine, les matelas côte-côte et les sommeils tête-bêche. Des aubes froides, des jours crasseux et le soir, lumière éteinte dans la carrée unique, les étreintes expédiées à la va-comme-je-te-pousse. »

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Voilà un roman noir, très noir, mais bon, très bon. C'est l'histoire de Gus et d'André, racontée par Gus soixante plus tard. André et lui étaient chauffeurs-livreurs sur les routes de France à la fin des années cinquante. La guerre d'Algérie fait rage et le pays est divisé. Sur la route d'André et Gus, on croise Simone, la patronne d'auberge et compagne occasionnelle d'André, les gendarmes, nombreux et soupçonneux en ces temps troublés, la neige des routes du jura, des ouvriers, des émigrés, et Pierre, passager clandestin d'un jour, qu'André prend sous son aile, laissant Gus jaloux et prêt à tout. Ce court et dense roman m'a happée. J'ai adoré la langue, cet argot âpre qui fait mouche et qui nous plonge dans un film noir et blanc de l'époque. On ne serait pas surpris d'y croiser Gabin, Ventura ou même Belmondo (jeune). Et j'ai beaucoup aimé aussi l'intrigue, entre tragédie classique et polar. Excellent. Merci Babelio et Gallimard, une opération "Masse-critique" très payante.
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En janvier 1958, Gus et Maurice se la jouent Salaire de la peur discount en convoyant des cageots de légumes et diverses marchandises industrielles à travers le Jura dans un camion fatigué. Janvier 1958, c'est aussi le coeur de la guerre d'Algérie. La Bataille d'Alger s'est terminée, mais les fellaghas tiennent le maquis et profitent de bases arrières en Tunisie et au Maroc. Côté armée française la gégène tourne encore. En métropole, y compris dans ce Jura pris dans la glace et la neige, des heurts entre bons français et ouvriers algériens ont lieu et virent régulièrement à la ratonnade. Gus et Maurice le voient et Gus y participe même un peu. Et puis il y a Pierre, le vagabond sans passé qui croise le chemin des deux camionneurs. Soixante ans après, Gus se confie à un journaliste sur cet hiver 1958 et sur un meurtre oublié et qui aurait à son goût dû le rester.
Nouvelle période pour Patrick Pécherot après ses romans sur la France de la première moitié du XXème siècle et Une plaie ouverte, qui prenait place durant la Commune. Ce qui ne change pas, par contre, c'est le plaisir de la langue, le désir de Pécherot de coller au parler populaire de l'époque qu'il décrit, et aussi, surtout, sa façon de jouer avec les apparences et d'aller chercher sous la pellicule du visible les vérités dissimulées et complexes. Ainsi joue-t-il ici du contraste entre le récit de Gus, personnage double, brave gars d'apparence, peut-être plus retors en fait, et ceux de Pierre et Simone qui révèlent peu à peu une autre histoire dans l'histoire. Une autre histoire qui est en fait l'histoire centrale, celle autour de laquelle Gus tourne sans vouloir réellement la mettre en lumière avant d'avoir pu se justifier.
Ce faisant, Patrick Pécherot livre là un roman d'aventure, sorte de road-movie glacial dans des villes mornes, et un roman historique qui dit avec subtilité les tensions qui agitent les populations qui vivent le conflit à distance, qui le payent par la mort de leurs proches de l'autre côté de la Méditerranée ou parce que de ce côté-là ils incarnent à leur manière l'ennemi invisible qui se cache là-bas. Surtout il dit la nature fluctuante et protéiforme de la vérité. Et la vérité qui prend peu à peu forme ici à travers les récits croisés des personnages a cela d'intéressant que, jusqu'au bout, elle n'apparaîtra justement que comme une vérité parmi d'autres et donc, aussi, à sa manière, un mensonge parmi d'autres quand bien même en émergent des faits tangibles.
Bien mené, bien écrit et intelligent, Hével confirme s'il en était encore besoin à quel point Pécherot est aujourd'hui le meilleur écrivain français de roman noir historique.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Un nouveau Patrick Pecherot, il faut en profiter, tant les romans de cet auteur que j'affectionne sont trop rares à mon goût.
Une écriture sans concession, des mots justes pour pénétrer dans l'âme de chacun de ses protagonistes, pas de manichéisme -le monde ne se résumant pas seulement aux "gentils" et aux "méchants", mais des hommes et des femmes qui réagissent en tant "qu'eux-mêmes" dans certaines situations pas toujours ordinaires.
J'y ai trouvé à la fois comme une sorte de désespoir dans ce "Hevel", de tristesse et d'impossibilité à éviter ou contrer l'ineluctable, mais aussi la petite lueur d'espoir, de celle qui peut laisser croire qu'il ne suffit pas de grand-chose pour changer les gens -du moins, certaines personnes-, de se parler, et par-là, de se comprendre.
Il est noir ce roman qui se passe fin des années 50, période compliquée, (guerre d'Algérie, exactions...) il est triste, il est froid, comme un hiver qui s'annonce déjà comme très rigoureux.
Et quand on arrive à la dernière page, on se dit: "Mince! Déjà fini!".
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Un Jura verglacé et enneigé comme filtre narratif à la fois subtil et violent des impasses de la guerre d'Algérie.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2018/07/02/note-de-lecture-hevel-patrick-pecherot/
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Roman noir à plus d'un titre. La guerre d'Algérie. Un meurtre un soir dans la rue. Une fuite la nuit dans les neiges du Jura vers la frontière Suisse. La vie des camionneurs sur les routes et dans les relais routiers perdus. Gus se confesse à un journaliste 60 ans après. Gus est hanté par ces souvenirs, la mort de son frère et ce qu'il a fait.
L'auteur interpelle son lecteur, le bouscule, le perd parfois puis le retrouve. Un roman plein d'images de films de dialogues , de silhouette d'acteur mais aussi de chansons. Une écriture soignée un roman troublant, passionnant.
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Un livre qui se lit rapidement. Je suis mitigé à la fin de ma lecture. J'ai aimé le style du livre avec Gus qui s'adresse au journaliste lors de la narration de son histoire. Par contre, certains personnages ne sont pas assez approfondis. Bref, j'ai trouvé ce récit plutôt irrégulier.
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Hével, c'est l'histoire de deux pauvres diables, Gus et André, qui, un hiver jurassien de 1958 se traînent dans un vieux camion à la recherche de boulot. Deux routiers, clopes au bec, un air de Brassens dans le camion, coutumiers de Gabin, qui n'ont que leur force, leurs corps, à vendre.

La guerre d'Algérie bat son plein, la tension monte, chacun se regarde du coin de l'oeil, conflits entre fellagha du FLN émigrés en France et militaires français font rage… Les Français se méfient des « Arabes » et vice versa, bref c'est la crise politique. Et quand un certain Pierre, inconnu au bataillon, gueule cassée, muni d'un pauvre baluchon, brise la routine de nos deux comparses, il y a du grabuge ! Pierre s'empare du volant, se lie avec André et le pauvre Gus, le bras en écharpe, est mis au placard ! L'histoire, c'est qu'André a eu un petit frère mort en Algérie et que notre ami Pierre le connaissait. Pierre va lui raconter comment il s'est suicidé, toute l'horreur là-bas en Algérie française.

Fin observateur, Patrick Pécherot met le doigt là où ça fait mal, il sait que le coeur des Hommes est noir et que notre belle Histoire est entachée de honte. « Hével » est un mot emprunté à l'Ecclésiaste qui signifie « fuyant et incertain » : et c'est bien cela qui transparaît dans ce récit. Mensonge, mirage, réalité, mémoire : qu'est ce qui relève de la fiction ou de la réalité ? Quand en 2018 Gus, notre anti-héros, se confie à un journaliste invisible qui l'interroge sur un meurtre vieux de 60 ans, il l'embrouille dans tous les sens avec son histoire de couteau, d'Arabes, de rixes, de guerre d'Algérie… Il lui raconte la rousseur de Simone, la peur, la jalousie, la colère, le tiraillement et la culpabilité, puis la rédemption… Si bien que l'on ne sait, tant il digresse, s'il est grotesque ou sublime, sincère ou mythomane.

C'est ça la littérature, refuser la vérité toute nue et froide. Quelle vérité ? Chacun se la construit. La littérature raconte l'Histoire au prisme d'un regard subjectif. La littérature crée des personnages qu'on a l'impression d'avoir connus et parfois plus vrais que nature. Hével est un excellent roman noir comme je les aime : sociologiques, poétiques, critiques et courts ! Patrick Pécherot n'écrit pas pour ne rien dire. Il est un bon auteur car il sait avant tout divertir sans abrutir ; il enchante aussi grâce à cet argot coloré dont il a la parfaite maîtrise. Sec, analytique, incisif, jamais ce nouveau Camus ne tombe dans le pathos ou nous fait le coup du romantique. L'auteur dresse un portrait sans concession, et d'autant plus touchant, d'une humanité à la dérive et engluée dans son absurdité. Comment l'homme appréhende t-il son inéluctable finitude et comment en conséquence tente t-il de donner un sens à sa vie ? En écrivant ? En tombant amoureux aussi. En se souvenant.

"Pierre parle. Il dit la peur, les nuits d'insomnie, la torpeur hantée de cauchemars. Les nerfs usés, l'alcool, les bordels infâmes et tout ce qu'on y décharge, dans la petite mort, impuissante à faire oublier, ne fût-ce qu'un instant, la vraie, la grande, qui vous guette dans l'ombre."
Lien : https://essordesidees.com/20..
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Amis du livre, bonjour.
Je ne connaissais pas Patrick Pécherot, et j'avoue qu'il m'a bien emmené dans cette histoire qui nous bouscule, malmène, avec un narrateur qui nous prend comme témoin, comme juge de son histoire, de ces actes.
Une vérité sur nous, notre discernement à vivre avec les aléas de l'histoire, pas forcément la notre, mais celle qui nous touche de plein fouet.
Bravo pour ce livre étonnant, puncheur, je vais vite essayer une autre histoire !!.
Belle découverte à tous.
Michel
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Dans le Jura , Gus et André cherchent du fret à bord de leur vieux camion pour survivre .
La guerre d'Algérie est là , les temps sont durs et les bastons avec les Algériens sont fréquentes .
Une bagarre , un Arabe tué , et un passager qui va se rendre utile et la jalousie avec ..
Enfin , une fuite vers la Suisse dans le froid et la neige et un déploiement de gendarmes inattendu , mais pour qui sont -ils là.?

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du bon Pécherot , des descriptions de la région et du froid qui vous glace les os .
Un bon roman , sur la vie de 2 gars simple ,en galère , qui apprécient une boisson chaude et réconfortante dans le café ou travaille Simone qui elle rêve d'une autre vie ....
Puis la guerre est là avec toutes ces horreurs et ces absurdités .
Pécherot rend cette aventure passionnante avec un petit petit côté "salaire de la peur " .
Un roman policier,d'aventure et historique .
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