Une goélette échouée en baie de Somme, ce n'est pas normal. Qu'on y trouve le cadavre d'un industriel connu et très apprécié l'est encore moins. Envoyé sur les lieux, l'inspecteur Broyan, de Paris, va mettre tout en oeuvre pour découvrir qui a pu s'en prendre à un homme aussi généreux et altruiste. Son seul indice : un nombre mystérieux écrit par la victime avec son propre sang.
Ce qui m'a attirée en premier lieu, c'est ce ravissant portrait de femme en couverture. J'adore l'Art nouveau et tout particulièrement Mucha. Mais aussi la Baie de Somme, un endroit paisible où j'aime me promener.
Si ce n'est dans les premières pages relatant la découverte macabre, il ne sera plus question de bateaux, de mer, de plage. Broyan mène l'enquête à Paris.
Assez vite, plusieurs fils vont s'entrecroiser, car l'inspecteur cherche aussi à venger sa fille.
L'histoire nous mène dans le grand monde : la veuve vit dans un splendide hôtel de maître, elle est suivie comme d'une ombre par un garde du corps et elle hérite des forges de Breucq. L'industriel « avait deux passions : la peinture et ses ouvriers ». Ceci nous entraîne dans l'atelier de Mucha qui sublime la beauté d'Axelle de Valencourt. Pour vivre, la jeune femme doit fréquenter le « Marché aux modèles Place Pigalle » où elle croise les « marchandes d'amour qui se vendaient à quelques pas de là » ou les « nymphes qui donnaient de la cuisse dans les maisons de société du Marais ». Mais on suit aussi les personnages sur la Butte Montmartre où toute une faune interlope se retrouve au Lapin agile et où le Sacré Coeur est encore en chantier ; dans des ruelles mal famées où des voyous jouent du couteau, dans les salons mondains, fréquentés par les élégants ou encore dans des sociétés secrètes où des aristocrates profitent de leur statut d'intouchables pour s'adonner aux pires turpitudes. On descendra même à la morgue.
J'ai toutefois trouvé l'histoire un peu confuse. C'est peut-être dû au fait que je ne l'ai pas lue d'une traite.
En revanche, j'ai admiré les dessins d'
Alexis Chabert qui se glisse avec talent devant le chevalet de Mucha et rend hommage à ses modèles aux peaux diaphanes et aux chevelures opulentes.
La couleur est particulièrement délicate. Je dirais que c'est de l'aquarelle.
Si le découpage est plus ou moins classique au début, il va se diversifier et devenir très original au fil des planches : les incrustations sont multiples, la taille des vignettes varie, ainsi que les cadrages (gros plans, plans américains, plongée, contre-plongée...)
Une double page nous invite sur la Butte Montmartre de nuit. Sur le paysage en tons bleutés se découpent quelques personnages, quelques phylactères.L'atelier du peintre privilégie les poses sans cadre. Il y a aussi le cimetière en automne ou les planches de la Baie avec un bateau voguant tel le vaisseau fantôme. Les vignettes incrustées sont rondes, triangulaires, ovales ou en diptyque. de nombreux paysages sont seulement esquissés, comme entourés de brume, mais, à d'autres endroits, on reconnaît avec précision le cabaret du Lapin agile, les nombreux moulins qui peuplaient Montmartre, les monuments du Père Lachaise.
Le volume est divisé en trois parties, introduites par une planche entière qu'on croirait sortie du pinceau de Mucha. C'est très réussi et c'est le talent d'
Alexis Chabert qui m'a le plus plu.