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Philippe Pelaez (Autre)Alexis Chabert (Autre)
EAN : 9782818979204
64 pages
Bamboo Edition (25/05/2022)
3.9/5   162 notes
Résumé :
“ À la Belle Époque, elles détiennent deux armes d’exception : la beauté et l’argent..” 1896. Le corps d’un riche industriel est découvert à bord d’une goélette échouée dans la baie de Somme. Pour une affaire de cette importance, on envoie le meilleur policier de Paris, Amaury Broyan. Très vite, l’inspecteur soupçonne la veuve, héritière de l’immense empire. L’enquête révèle alors que l’industriel avait également une maîtresse, Axelle Valencourt, un modèle ayant pos... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (46) Voir plus Ajouter une critique
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Elle était une saison qui sait que le temps lui est compté.
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Il s'agit d'une histoire complète en un seul tome, indépendante de toute autre. Cette bande dessinée a été réalisée par Philippe Pelaez pour le scénario, et par Alexis Chabert pour les dessins et les couleurs directes. Elle comporte soixante-deux pages. Il se termine avec une postface d'une page de l'artiste expliquant pour quelle raison il a choisi 1900 à Paris. Dans ce projet, il s'est amusé à retranscrire les ambiances que son arrière-grand-mère lui a transmises, recréer un passé où il peut voyager comme un fantôme, et honorer la mémoire de ses ancêtres. Chacune des trois parties s'ouvre avec un texte de Nelly Roussel (1878-1922), extraits de son ouvrage Quelques lances rompues pour nos libertés (1910).

Sur une grande plage de la baie de Somme, se trouve un petit navire à voile, échoué sur le sable comme un animal mortellement blessé regardant une dernière fois l‘horizon, avant de se coucher définitivement sur le flanc. Un homme en train d'agoniser s'extirpe tant bien que mal de la cabine et s'allonge sur le pont. Les mouettes volent haut au-dessus du bateau. le lendemain, la gendarmerie locale est sur place et elle accueille l'inspecteur Amaury Broyan, venu de Paris, dépêché par le ministre lui-même. Car le défunt était un riche industriel : Alexandre de Breucq. le lieutenant Brousse lui explique que le malheureux s'est étouffé dans son propre sang, et que son agonie a dû être longue. L'inspecteur se demande si la victime connaissait son assassin, si ce dernier avait préparé le poison en étant sûr que de Breucq le prendrait, ou s'il était à bord de cette goélette, avec lui, et qu'il a pris tout son temps pour le regarder mourir.

Quelques jours après, l'inspecteur se tient à quelque distance de la mise en terre du cercueil au cimetière, accompagné par Arsène. Ils regardent les gens présents venus se recueillir : les banquiers d'un côté, les industriels de l'autre, et au milieu l'État. Un franc-maçon à la tête de l'État, un communard comme président du Conseil, et les socialistes qui gagnent encore des voix aux dernières élections municipales. Et tout ce beau monde pour enterrer le plus prometteur, le moins corrompu et le plus social des industriels. La vie est mal faite. Arsène s'écarte rapidement car la veuve Marthe de Breucq se dirige vers eux avec son garde du corps Simon. Broyan lui présente ses condoléances. Elle lui demande de passer le jeudi suivant, à dix-sept heures à son hôtel particulier. Une fois la cérémonie terminée, Elle monte dans sa calèche avec Simon et lui demande pourquoi Broyan a été choisi pour l'enquête. C'est un des policiers les plus efficaces de Paris, enfin avant les soucis avec sa défunte fille. Dans l'atelier d'Alfons Mucha, Axelle Valencourt pose pour la toile L'Automne. Elle lui fait observer que des grains commencent à se détacher de la grappe. Rien de grave : il a terminé pour aujourd'hui. Il faut qu'elle revienne dans deux jours pour terminer le tableau. le lendemain elle a prévu d'aller au marché aux modèles place Pigalle. le soir Thérèse sort de la prison de Saint Lazare, et elle monte dans le fiacre qui l'attend.

Pour commencer, une couverture superbe avec un mystère, une jeune femme représentée avec une manière qui évoque Alfons Mucha (1860-1939), ce qui est tout à fait intentionnel puisque cette demoiselle est le modèle qui a servi pour sa représentation de l'Automne. le fini de la couverture est particulièrement soigné : le titre et la dorure en arc de cercle sont rendus avec une encre métallique, en légère surimpression, pour un très bel effet. En bas, le bateau échoué sur ce qui doit être une plage de la baie de Somme. Une introduction en six pages qui permet de poser le récit : une enquête policière sur le meurtre d'un industriel progressiste, un capitaine d'industrie mettant en oeuvre une politique paternaliste, à la fin du dix-neuvième siècle. Elle permet aussi d'apprécier toute la palette de l'artiste. Il commence par trois pages avec plusieurs marines, très vaporeuses, un très beau rendu de l'ambiance lumineuse du ciel et du sable à deux moments différents de la journée, une goélette et des personnages détourés d'un trait fin et fragile, avec des silhouettes un peu allongées, des contours nourris par les couleurs directes. L'autre moitié se déroule d'abord dans un cimetière parisien, puis dans les rues de la capitale. La couleur directe permet de réaliser un jeu d'ombre mouvante du plus bel effet. L'artiste joue remarquablement bien du niveau de précision et du niveau d'imprécision dans les formes : le lecteur assimile facilement les contours des stèles funéraires sans avoir besoin de les voir dans le détail, et il identifie au premier regard la forme d'une colonne Morris.

Raconter un polar en bande dessinée s'avère souvent un exercice périlleux, car il faut parvenir à caser tout à un tas d'informations comme les éléments de contexte, l'histoire personnelle de la victime et de ses proches, la recherche d'indices et leur analyse, et il faut également parvenir à mettre en scène les phases de déduction sans qu'elles n'apparaissent ni trop artificielles et mécaniques, ni trop parachutées ou absconses. le lecteur se rend vite compte que les auteurs savent inclure les informations avec une réelle élégance, et une réelle ambition. Ainsi, la victime était un riche industriel de type paternaliste, portrait qui se dessine par bribe au fil de remarques rapides. L'inspecteur a une histoire personnelle tragique qui influe directement sur ses motivations et donc la façon dont il hiérarchise ses priorités. Il dispose d'un physique avec une certaine carrure et des postures parlantes sur son caractère et ses dispositions d'esprit. La veuve éplorée est d'une réelle élégance, son maintien et sa façon de se tenir en disent également long sur son assurance et sa détermination. Axelle est magnifique de bout en bout, une beauté diaphane, avec un soupçon de mélancolie, une réelle douceur, une assurance d'une autre nature. L'artiste sait donner vie à chaque protagoniste, leur insuffler du caractère, ce qui est indispensable pour que la mécanique policière ne ressorte pas comme un artifice.

La quatrième de couverture précise que l'histoire se déroule à la Belle Époque, et même précisément en 1896. Cette année correspond effectivement à la date de réalisation du tableau Automne par Mucha. Les auteurs ne l'ont pas choisi par hasard, et le lecteur constate rapidement que l'intrigue est indissociable de la réalité historique de l'époque, qu'elle en découle, qu'elle n'aurait pas pu se passer à une autre époque. C'est donc un véritable polar qui agit comme révélateur d'une facette de la réalité sociale de la société à ce moment-là, et à cet endroit-là. Avec son air de ne pas y toucher vraiment, l'artiste réalise une reconstitution historique visuelle impressionnante. Les tenues sont d'époque, aussi bien pour les hommes que pour les femmes. Il est possible d'identifier les rues de Paris où se déroule chaque scène. le lecteur finit par se rendre compte que Chabert est allé faire des recherches sur les différents modèles de voiture hippomobile en circulation à Paris, ce qui atteste du temps consacré à recréer cette époque avec authenticité. S'il ne l'a pas fait avant, le lecteur prend alors le temps de regarder les détails : les façades immeubles, la fontaine d'une place, l'évocation du cabaret Au Lapin Agile (à nouveau une mise en couleurs extraordinaire), un paravent, un intérieur bourgeois, un cabinet médical, etc. Il regarde les moulins de la Butte Montmartre et il découvre le chantier de la construction de la basilique du Sacré-Coeur de Montmartre (1875-1923), avec ses échafaudages et son campanile pas encore construit.

Le décor de ce chantier en cours a été proposé par le scénariste qui, lui aussi, parsème son récit de marqueurs historiques contribuant à la reconstitution. Lors du prologue, Arsène évoque Félix Faure (1841-1899), franc-maçon alors président, et Jules Méline (1838-1925), un communard alors président du Conseil. Au fil des pages, le lecteur peut relever la mention de Sarah Bernhardt (1844-1923, actrice ayant également servi de modèle Mucha), Paul Brouardel (1837-1906, médecin légiste), et une citation de Jean Jaurès (1859-1914, on recrute dans le crime pour surveiller le crime, dans la misère de quoi surveiller la misère). Il y a également le titre de chacun des trois actes (Les sanglots longs – le coeur des femmes – Morte saison) et les citations en ouverture : elles sont toutes les trois extraites du même ouvrage de Nelly Roussel (1878-1922), une libre penseuse, franc-maçonne, féministe, antinataliste, néomalthusienne et femme de lettres libertaire française, une des premières femmes à se déclarer en faveur de la contraception, et à promouvoir l'importance de l'éducation sexuelle des femmes. Tous ces éléments font partie intégrante de l'intrigue, à l'opposé de simples éléments de décor pour meubler artificiellement. L'histoire se déroule en suivant l'inspecteur, et sa façon de procéder est dictée par son caractère et son histoire personnelle. L'enquête ne se résume pas à un jeu intellectuel, mais procède des convictions du policier. Les autres personnages ne font pas figuration : les actes d'Axelle ou de Marthe reflètent également leurs convictions et leurs objectifs, à l'opposé de personnages superficiels ou interchangeables.

Le scénariste maîtrise aussi bien l'esprit que la lettre des polars. Il y a des phases de déductions, des indices, des indicateurs, quelques coups échangés, autant de conventions attendues du genre. L'enquête implique aussi bien des individus de la haute société, que des gens du peuple, et elle fait ressortir des vices cachés. Elle agit donc bien comme un révélateur de plusieurs facettes de la société de l'époque. Elle fonctionne sur ses particularités et pas indépendamment du lieu ou de l'Histoire. En un nombre limité de pages, les auteurs savent immerger le lecteur dans un environnement concret et une reconstitution historique rigoureuse. Celui-ci est sous le charme de la narration visuelle dès les premières pages, et il se prend à savourer le texte assez écrit qui parsèment les cases de la première planche. Il retrouve ce dispositif à l'occasion d'une planche dans chaque acte, venant apporter une touche littéraire et poétique à la narration. Il se laisse porter par l'enquête à la méthode naturaliste, sans essayer de devancer l'inspecteur, se retrouvant surpris à plusieurs reprises par ces découvertes, et révulsé par l'horreur du véritable crime. Excellent.
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La force d'un amour ne se juge pas à l'épaisseur d'un portefeuille. Il y a manifestement de la répartie dans cette oeuvre bien intéressante à de multiples égards et notamment par son côté assez militant.

J'ai beaucoup aimé non seulement l'intelligence du propos mené par des personnages de caractère mais la manière dont va se terminer cette enquête suite à un meurtre tout à fait odieux. On se rend compte que les apparences sont souvent trompeuses et qu'il faudrait sans doute faire plus attention.

Bien que cette BD nous montre une scène déterminante en baie de Somme, l'essentiel du récit se passe à Paris dans les années de fin du XIXème siècle. Il y a de très belles retranscription de ce qu'était Paris auparavant et notamment à la belle époque.

Je garde par exemple une très belle image du parc des Buttes-Chaumont surmonté du temple de la Sibylle. Je retiens également celle de Montmartre avec son moulin encore en fonctionnement. C'est tout simplement magnifique dans les décors. Il s'en suit que l'ambiance un peu bohème est vraiment prenante. Ce qui accentue et sert parfaitement cette ambiance parisienne envoûtante, c'est incontestablement le dessin superbe d'Alexis Chabert.

On verra que les femmes ne sont pas en reste pour se battre en utilisant deux armes à savoir l'argent et la séduction. On se dit également que leur combat est louable dans une société machiste qui ne leur fait pas de quartier. Reste à savoir si la fin justifie les moyens.

Le dénouement est assez surprenant mais il m'a bien plu même si la morale ne sera pas sauve. Au final, c'est un polar de la Belle époque à découvrir !
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Baie de Somme. 1896.

Une goélette échouée. Sur le pont un corps. Ou plutôt le cadavre d'un homme qui s'est étouffé dans son propre sang. Pas n'importe quel homme ! Alexandre de Breucq ! Richissime industriel, un Maître des Forges.
Le ministre en personne décide d'envoyer sur place le plus fin limier parisien, Amaury Broyan. Celui-ci ne tarde pas à se rendre compte que la victime a été empoisonnée. Pas par n'importe quel poison, non ! Un poison qui provoque une mort lente, une horrible agonie… Qui donc a pu commettre pareil crime ? Qui ? Alexandre était aimé de tout le monde, et en particulier par ses ouvriers qu'il rémunérait et traitait bien mieux que n'importe qui ! Ses amis étaient légion et ses affaires prospéraient toujours plus de jour en jour…
Pourtant, si on se pose la question « à qui le crime profite-t-il ? » une réponse s'impose ! A sa chère épouse, Madame de Breucq ! Mais l'inspecteur arrivera-t-il à faire tomber de son piédestal une femme appartenant à une famille richissime, et, par conséquent aussi, extrêmement puissante ?
L'industriel avait une maîtresse. Une jeune femme qui gagne sa vie en servant de modèle aux peintres. Mucha l'a peinte et continue à la peindre tant elle est belle. A cause da la rousseur de ses cheveux, il l'appelle Automne… Quels rapports entretenait-elle avec la victime ? Y aurait-il un lien entre elle et l'assassinat ? Aurait-elle été témoin ? Aurait-elle reçu des confidences ?

Critique :

Un polar en bandes dessinées vous intéresse-t-il ? Un polar fin de siècle ! Pas le vingtième ! le XIXe ! C'est avec une grande habileté, et en noyant plus d'une fois le poisson dans l'eau que Philippe Pelaez plonge le lecteur dans une enquête où se côtoient les puissants de France et les Apaches… Non ! Non ! Pas les peaux-rouges ! Les voyous, les petites frappes, les criminels des bas-fonds de Paris… Enfin, quand on parle des bas-fonds, il faut plutôt lever la tête car ils adorent se réunir dans les cabarets de la butte Montmartre où les bourgeois n'ont pas trop intérêt à traîner, l'air n'y est pas particulièrement bon pour leur santé.

L'auteur va vous berner du début jusqu'à la fin ! Maintenant que vous voilà avertis, inutile de tarder à vous faire avoir, d'autant que les dessins et les couleurs d'Alexis Chabert valent largement le coup d'oeil ! En particulier si vous aimez la peinture de style Art Nouveau, façon Mucha… Ou pas !
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Automne, en Baie de Somme est un polar qui se déroule à la fin du XIXe siècle entre Paris et la Baie de Somme. le dessin est aquarellé, lumineux, en rapport avec l'ambiance de Paris de cette époque, faisant référence à l'Art Nouveau. Alfons Mucha y fait une apparition, puisque une des protagonistes de l'histoire est une de ses modèles. Chaque chapitre est introduit avec une illustration sous forme d'affiche Art-nouveau. Tout cela nous fait osciller entre l'ambiance bourgeoise et l'ambiance populaire avec un bel équilibre. le polar en soi est assez classique, bien servi par son éventail de personnages, tous un peu troubles, par son faux rythme, dilettante, bourgeois, qui confère à l'histoire un charme particulier. C'est un polar élégant, un polar “Art nouveau”, original par son style, et j'ai aimé le final qui nous prend un peu au dépourvu.
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Une histoire bien menée, une enquête, un zeste de poésie, des dessins qui attirent l'oeil, de belles femmes, le tout joliment coloré. En conclusion un roman graphique qui tient ses promesses. Une goélette "se couche définitivement sur le flanc", un homme assassiné à l'intérieur après une longue agonie. Il s'agit d'un gros bonnet industriel, à première vue irréprochable, mais cette belle rousse modèle pour peintre ne serait-elle pas sa maîtresse ?

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critiques presse (6)
Auracan
09 septembre 2022
Il n’en fallait pas plus au talentueux dessinateur Alexis Chabert pour se lancer dans l’aventure avec brio. À son dessin réaliste s’ajoutent ses superbes aquarelles qui magnifient le scénario faisant de leur album, un des plus réussis de ces derniers mois.
Lire la critique sur le site : Auracan
Sceneario
24 août 2022
Un one-shot mettant à l’honneur une trame historico-policière rondement menée qu’il convient de ne pas rater !
Lire la critique sur le site : Sceneario
BDZoom
22 août 2022
Un one shot qui sera suivi d’un deuxième, intitulé « Hiver, à l’Opéra », avec la danse en guise de nouvelle toile de fond.
Lire la critique sur le site : BDZoom
BDGest
28 juin 2022
Album «plein» et réalisé avec talent, Automne en baie de Somme (superbe titre un peu trompeur, puisque la majorité de l’action se déroule à Paris) associe habilement les stéréotypes obligés du roman policier avec un discours sociétal toujours d’actualité d’une manière parfaitement équilibrée.
Lire la critique sur le site : BDGest
ActuaBD
09 juin 2022
Sous une couverture jouant la séduction, voilà un bel objet éditorial qu’apprécieront autant les amateurs d’intrigues policières que ceux qui aiment les belles images.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
LigneClaire
07 juin 2022
Un meurtre, sur une goélette échouée, un flic rompu au boulot mais un peu lourdaud, Alfons Mucha le peintre illustrateur, de belles « cocottes », le tout pour cet Automne en baie de Somme qui à la fois visite 1900 à Paris mais aussi propose un polar à la forme inédite, surprenante graphiquement. Philippe Pelaez est au scénario, Alexis Chabert au dessin (Punk Mamy). Un voyage sous le signe de l’Art Nouveau qui éclate dans les pages.
Lire la critique sur le site : LigneClaire
Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
Et elle patientait, là, comme une cariatide impassible sur une mer rugueuse de pavés gris, comme une vigie guettant celui qui viendrait sale et gouacheux, figer sa beauté. Elle n’était ni mère, ni fille. Elle était une saison qui sait que le temps lui est compté, un jardin qui fleuronne la nuit, et dont les fleurs se fanent au matin. Aux marchandes d’amour qui se vendaient à quelques rues de là, elle opposait la blancheur de sa peau immaculée et la grâce d’un maintien presque aristocratique. Aux nymphes qui donnaient de la cuisse dans les maisons de société du Marais, elle objectait sa beauté criante et le désir sincère d’être sculptée ou peinte dans le sanctuaire d’un atelier. Et en attendant de dévoiler son corps au bohême ou au génie qui l’immortaliserait, elle patientait là comme une cariatide impassible sur une mer rugueuse de pavés gris.
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Mon mari avait deux passions : la peinture et ses ouvriers. Je puis vous assurer que je ne m’intéresse qu’à la première. La hiérarchie dans une entreprise doit être claire. Je soupçonne mon défunt mari d’avoir masqué une partie des bénéfices au conseil d’administration pour les réinvestir où bon lui semblait, plutôt que de les redistribuer aux actionnaires. Je vous rassure : l’objectif des forges de Breucq est plus que jamais le profit et la rémunération des actionnaires. C’est sur ces thèmes que je vais axer son développement, et non pas sur les lubies utopiques et socialistes de mon mari. Je souhaiterais d’ailleurs soumettre au vote l’annulation de la représentation des salariés au conseil d’administration. Autre chose, pour terminer, je souhaite soumettre au vote du conseil, mon élection au poste d’administratrice unique. Une fois cette proposition entérinée, je réaffecterai une partie des bénéfices au versement d’une prime exceptionnelle pour les membres de ce conseil d’administration.
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Et les bateaux languissaient là, comme des écueils à fleur de sable sur lesquels se brisent bien des certitudes, comme des vigies impassibles guettant la vague qui s’annonçait. Rajoutant à la mer, une autre mer lisse, blanche et craquante, la neige abondait en pluie de coton, dessinant un ciel de lit au-dessus des deux amants. Et lorsque la providentielle marée venait enfin les affranchir, en soulevant leur coque pour leur redonner le goût du large, les bateaux semblaient fléchir et hésiter, comme déconcertés par leur soudaine liberté. Mais si la mer les faisait tanguer et osciller, c’est pour qu’en se retournant comme une aumône, ils puissent voir une dernière fois le beau et doux visage d’automne en baie de somme.
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Elle languissait, là, comme une anomalie brune sur une mer lisse de sable blanc, comme un animal mortellement blessé regardant une dernière fois l‘horizon, avant de se coucher définitivement sur le flanc. Vacillant sur sa quille, seulement maintenue par cette ancre dérisoire enfouie sous le limon, elle semblait guetter l’hypothétique ressac qui serait assez puissant pour la libérer. Peut-être attendait-elle l’incertaine marée ou l’éventuelle vague qui, telle la providentielle force d’un mascaret, soulèverait sa coque pour lui redonner le goût du large. Elle était comme la mère au ventre gonflé, anxieuse d’expulser enfin la progéniture dont elle ne voulait pas, l’être indésirable qui maculait son ventre de sang. En se délaissant de cet intrus qui souillait ses flancs, elle languissait, là, comme une anomalie brune sur une mer de sable blanc.
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Et vous plaiderez avec nous, mères heureuses !… Lorsque, sous les blancs rideaux envolantés de dentelle, vous endormez d’une douce chanson le bel enfant robuste et souriant, l’enfant ardemment désiré, sur qui se penche, en même temps que le vôtre, le front d’un époux bien-aimé, vous songerez – en vous rappelant les souffrances dont fut payé, pour vous-même, cette joie !… - vous songerez à toutes celles, hélas ! qui n’ont que les souffrances et ignorent la joie ! Vous songerez à celle qui, jusqu’au dernier jour, traînent leur ventre endolori dans les ateliers infernaux ; et qui, rentrant au logis, exténuées, doivent encore servir leur homme, - lequel, un soir de ribote sans doute, les féconda brutalement sans s’inquiéter du lendemain. – Nelly Roussel
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