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sur 89 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Monstrueuse féerie
Laurent Pépin
Flatland 2020

Avec Monstrueuse féérie, Laurent Pépin tente d'exorciser les démons de son enfance. La figure du père, extrapolée dans une dimension horrifique par son imagination de petit garçon, est saisissante. Celle de la mère, monstrueuse, n'est pas en reste. Comment s'étonner alors que l'auteur de cet ouvrage soit devenu psychologue ?
Un autre récit s'entremêle avec ces visions cauchemardesques : celui de l'adulte qui exerce son métier dans un Centre ou les Monuments (les résidents) rivalisent de décompensations psycho-poétiques. Il s'est d'ailleurs donné pour mission de réaliser une étude comparative entre leurs propos délirants et des oeuvres de poésie classique ou contemporaine.
Et puis il rencontre son auto-déclarée Elfe. Dans la salle d'attente du Centre. Elle veut y résider parmi les Monuments qui sont, selon elle, les seuls humains poètes. Mais le Centre la refuse car sa personnalité histrionique ne présente aucun danger, ni pour elle-même, ni pour les autres. Tout naturellement, elle est recueillie par le narrateur, accessoirement psychologue du Centre, dont elle devient la douce amie.
« Elle est jolie, sa cruauté est si douce… Mon Elfe avait pris toute la place. Elle m'avait rejoint sur mon rocher. Elle croyait que je serais capable d'en partir avec elle. Moi aussi, je l'ai cru. »
« Mais il ne faut pas emprisonner les elfes… »
Laurent Pépin a fort bien réussi à intégrer son récit dans un univers métaphorique peuplé de petits monstres, d'ogres, avec au centre une incarnation féérique : l'Elfe. Sa plume sait se nimber de poésie :
« Je lui parlais des Monuments. de la dernière trouvaille de Blanche, qui avait appris à passer le temps avec un tamis tissé comme un petit rideau de vent agglutiné, doté de trous qui se dilatent imperceptiblement, comme les pores de la peau, quand on a froid ou qu'une caresse vient vous émouvoir. »
ou bien d'horrifique :
« Elle se levait constamment de table pour aller leur faire des risettes ou leur lancer des morceaux de viande. Les bébés Monstres se jetaient dessus avec de grands bruits. Il y avait du sang qui giclait partout, mais personne ne relevait. On attendait juste que la mère revienne s'asseoir. On aurait dit que j'étais le seul à les voir. »
Ce récit court se lit d'un trait. Entre analyse d'un chagrin d'amour et conte onirique, dans une écriture étudiée qui reste fluide et légère, Laurent Pépin nous embarque dans un flamboyant délire.
J'ai beaucoup aimé !
Angélus des Ogres (une suite qui peut se lire de façon indépendante) devrait sortir au début de cet automne, toujours chez Flatland. CB
Chronique parue dans Gandahar 29 en septembre 2021
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¤ Une tête remplie d'êtres ¤

À travers Monstrueuse féerie, Laurent Pépin a trouvé son parfait oxymore pour décrire sa nouvelle. Ce monde merveilleux où s'exerce le pouvoir d'êtres surnaturels abrite également des Monstres. Ces derniers le rongent depuis son enfance. Pour partager ses peines, et surtout recueillir celles des autres, notre héros compose avec d'autres personnages. Des Monuments d'abord : ce sont ses « fous » dont il aime écouter et croire aux histoires. Surtout, il adore les raconter à l'être le plus important de sa vie, celui qui lui offre des moments de répit : l'Elfe. Dans cet imaginaire fabuleux, il tend à partager les souffrances pour laisser évaporer les siennes, mais les problèmes surgissent lorsque notre héros se rend compte qu'il a tendance à partager ses peines que de se libérer d'elles.

¤ Psychologie et fantastique ¤

Dans Monstrueuse féerie, Laurent Pépin nous partage beaucoup plus qu'une nouvelle psychologique qui frôle la schizophrénie. Il écrit ce récit réaliste qui rime avec des périodes de vie traditionnelles pour expliquer cette souffrance (problèmes parentaux, isolement, mauvaise confiance en soi, enfance perturbée) avec une plume élégante jonchée de métaphores, quelques pointes d'humour qui forment un ensemble évitant une histoire noire et déprimante. Il y a une forme d'intelligence d'écriture maîtrisée dans le récit de Laurent Pépin malgré quelques redondances qui ont pour but d'accentuer un phénomène. C'est au fil de l'histoire que se découvre notre personnage et que l'on comprend les différents sens de son vécu. Tout à coup, le récit surnaturel devient une réalité. Les idées s'entrecoupent, le récit s'installe avec pour bouquet final, une fin d'histoire digne d'une bonne nouvelle. Je ne suis visiblement pas le seul – selon les autres avis – à être novice de ce genre. Mais j'ai été agréablement surpris et j'ai bien aimé Monstrueuse féerie. Surtout, l'histoire nous offre un nouveau regard, plus particulier et personnel, envers les personnes dites folles. Plutôt que de bâtir des murs entre elles et nous, la nouvelle nous invite à comprendre qu'un monde surnaturel peut coexister avec une réalité, et que cette réalité n'est qu'une construction sociale, peu importe si l'une est invisible pour l'autre : elles entretiennent une forme de relation à travers les sujets qu'elles hantent. Je vous recommande !
Lien : https://leschroniquesdejerem..
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Extrait de ma chronique :

"Plutôt que de psychanalyse (une pseudo-science, rappelons-le au passage), Monstrueuse féerie me semble plutôt, en effet, abreuvée d'anti-psychiatrie, en ce que, comme les surréalistes, elle reconnaît aux prétendus fous (les "patients volubiles" ou "Monuments" du texte) un savoir particulier, ici celui de "se tenir debout face aux vivants" (page 14), au moyen de "décompensations poétiques" dignes de Boris Vian (un des trois pataphysiciens convoqués fugacement par le texte, pages 10-11 et 28, avec le Raymond Queneau de Zazie dans le métro, pages 23-24, et surtout l'Eugène Ionesco des nouvelles fantastiques).


En ce sens, Monstrueuse féérie opère, à première vue, une relecture du Nadja d'André Breton (également promoteur du concept d'humour noir) : simplement, ici, le narrateur est un psychologue plutôt qu'un écrivain ; en revanche, son attirance amoureuse pour "une personnalité histrionique" (page 20), qu'il baptise son "Elfe", ressemble fort à celle qu'André Breton a nourri pour Nadja, "un génie libre, quelque chose comme un de ces esprits de l'air que certaines pratiques de magie permettent momentanément de s'attacher, mais qu'il ne saurait être question de soumettre"."
Lien : https://weirdaholic.blogspot..
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Monstrueuse féerie est un véritable petit ovni littéraire (ou olni pour les intimes), si bien qu'il est assez difficile de le faire entrer dans une case. Roman fantastique ? Horrifique ? Romance ? Tout ça à la fois et encore bien d'autres choses encore, en réalité. L'éditeur le décrit comme un conte pour adultes teinté de pataphysique, de psychanalyse, de poésie et d'humour noir et c'est finalement une assez bonne définition de ce qu'on peut trouver dans cette novella. Je reviens sur le terme de « pataphysique » qui ne doit pas forcément parler à tout le monde (et moi la première, j'ignorais sa signification), il s'agit de « décrire les phénomènes du monde sous un regard particulier en décalage avec la vision traditionnelle ». En effet Monstrueuse féerie nous emmène dans un récit très intimiste centré sur la manière de voir le monde du personnage principal, de ses traumatismes d'enfance jusqu'aux conséquences à l'âge adulte. On découvre ainsi la réalité alternative de ce personnage, réalité peuplée de monstres, de monuments et d'elfes.

J'ai été dès les premières pages emportée par la plume de Laurent Pépin, sa poésie et sa manière de dépeindre le monde m'a complètement fascinée. On découvre ces lignes sans réussir à en saisir tout l'essence, mais les incertitudes entre réalité et folie, et l'alternance entre des scènes d'une violence extrême notamment psychologique et des scènes extrêmement douces m'ont captivée. J'aime beaucoup les récits qui interrogent l'esprit humain et c'est ce que j'ai trouvé ici. Plusieurs lectures et interprétations de ce livre sont possibles, l'auteur utilise de nombreuses métaphores qu'il est intéressant d'essayer de décrypter. On est plongé dans les pensées remplies de doutes du personnage principal et Laurent Pépin parvient très bien à sonder l'âme humaine et à donner beaucoup de relief et d'humanité à son personnage. Il n'y a finalement pas de réelle intrigue dans cette novella, on observe simplement la vision du monde du personnage issue de ses propres expériences et traumatismes et c'est suffisant pour en faire un texte très réussi qui nous pousse à nous interroger sur le monde et sur les normes sociales. C'est effectivement un conte sombre et troublant teinté de psychanalyse qui ne plaira pas à tout le monde de par son étrangeté et son aspect très métaphorique, mais qui m'a personnellement beaucoup plu. C'est un texte court et très bien écrit, donc si vous êtes intrigués, n'hésitez pas à lui laisser sa chance !

Lien : https://sometimesabook.wordp..
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Bonsoir,
Merci à @laurent pépin de m'avoir permis de lire Monstrueuses fééries et L'Angelus des ogres.
Le narrateur de ces deux opus est un psychologue qui a lui-même subi dans son enfance des traumatismes avec une mère enfantant à tour de bras puis abandonnant sa progéniture et un père taxidermiste qui nourrit de force ses enfants . Il lui faudra se construire avec ses monstres dans un univers ou les personnes traitées sont pour lui des monuments. Il va être aidé dans le premier tome par une elfe, qu'il va aimer mais qu'il ne faut pas attacher et dans le deuxième par une autre jeune femme aussi étrange. Deux livres étranges, inclassables, originaux, sur la folie, sur le rapport à la réalité.
Une histoire originale qui nous plonge dans l'esprit torturé d'un homme, qui évolue entre fiction, réalité, délire, folie et justesse de raisonnement. Où est la folie et comment la définir ?
Quatrième de couv. Depuis toujours, j'ai du mal à établir des contacts avec les gens « normaux ». Quand je suis dans le trou noir, la tronche à l'envers, avec l'envie d'engueuler le vent et les oiseaux, je me dis parfois que ce sont des modèles en série, des ersatz, des brumes floues, sans consistance.
Alors que les bizarres, c'est plus noble. Eux, ce sont des modèles uniques qui sont nés sans mode d'emploi et en kit et qui ont dû se fabriquer seuls. Alors, bien sûr, ça donne des constructions très personnelles. Les idées ne sont pas au bon endroit, ou bien elles sont morcelées ou trop vastes, sans limites. Et parfois, il manque des pièces. C'est le problème des trucs en kit.
Je suis devenu psychologue et je travaille dans ce Centre. Souvent mon boulanger me demande si ce n'est pas trop dur de travailler avec « les fous ». Moi j'ai envie de lui répondre que ce qui est vraiment dur, c'est plutôt ce genre de dialogue, mais je me tais.
Et je ne peux pas répondre que parmi les Monuments, on peut parfois trouver des elfes.
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😊 A la découverte de 😊
Monstrueuse Féerie de Laurent Pépin
Flatland Éditeur

Merci à l'auteur pour la découverte de son ouvrage.

Né dans une famille plutôt spéciale où sa mère se plait à mettre au monde des enfants desquels elle se désintéresse quand ils grandissent, et un père qui s'épanouit dans la taxidermie (en croisant les doigts chaque jour pour qu'il ne lui prenne pas l'envie de s'occuper d'un de ses fils!).
Adulte il travaillera comme psychologue dans un hôpital psychiatrique. On se pose la question de la normalité et surtout qui sont les plus fous des patients ou des soignants ?

D'ailleurs l'auteur avoue sans complexe qu'il est plus à l'aise avec ces gens dits « anormaux ».
Il les définie lui même: « Alors que les bizarres, c'est plus noble. Eux, ce sont des modèles uniques qui sont nés sans mode d'emploi et en kit et qui ont dû se fabriquer seuls. Alors, bien sûr, ça donne des constructions très personnelles. Les idées ne sont pas au bon endroit, ou bien elles sont morcelées ou trop vastes, sans limites. Et parfois, il manque des pièces. C'est le problème des trucs en kit. »
J'aime beaucoup cette définition !
D'enfant délaissé il deviendra un homme en manque d'amour, en proie à la peur de l'abandon et aux monstres. Pour le protéger, il se trouvera une Elfe comme compagne, seule capable de faire fuir ses monstres. Mais il ne faut pas emprisonner les Elfes, et ce besoin d'amour inextinguible risque d'étouffer la belle.

Un livre étrange, oscillant entre une histoire sordide de maltraitance infantile et une vie qui s'enferme inexorablement dans le fantastique. Une folie, volontaire ou non, de laquelle le narrateur ne parvient plus à s'extirper, prisonnier de ses démons. Mais après tout, comme il le dit lui-même, cela vaut-il le coup de vivre dans la normalité : « Il faut bien reconstruire le monde à sa façon, on ne peut quand même pas le prendre tel qu'il est. C'est trop triste. »

Derrière cette écriture poétique et pleine de métaphores, se cache un mal-être profond, un manque de confiance, des traumatismes d'enfance enfouis profondément...
Un livre qui nous plonge dans l'esprit torturé d'un homme. On ne sait plus où se situe la barrière de la réalité, du fantastique ou de la folie. Une lecture courte et intéressante, un livre très original.

Pour retrouver ce livre, c'est par ici https://www.amazon.fr/Monstrueuse-f%C3%A9erie-Pepin-Laurent/dp/2490426125
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Novella d'une centaine de page, publiée par Flatland éditeur. L'auteur est psychologue clinicien de profession, autant dire qu'il connait le sujet dont il est question. Mais ce n'est pas vraiment du coté du psy qu'il l'aborde, puisque le narrateur est le "fou". Tout ce qui est raconté l'est au travers de sa perception bien particulière de notre monde, avec des elfes, des monstres…

Du fait de ce parti-pris le récit est étrange. Il est aussi en deux temporalités: le passé, l'enfance, écrit en itallique, racontant la relation du narrateur avec ses parents; Et le présent, sa relation avec une Elfe et les autres entités qui croisent sa vie.

Par contre, pas d'explication, il faut se laisser porter par le récit et essayer soi-même de deviner ce qui peut se cacher derrière la vision particulière du narrateur. Sa propre perception de sa situation étant sujette à caution, est-il seulement comme il le dit psychologue dans ce centre, ou l'un des patients?

Je m'attendais à une fin un peu différente où l'auteur aurait remis le personnage dans la réalité, permettant au lecteur de vérifier si ses hypothèses étaient exactes: L'Elfe est-elle réelle? les autres personnages qu'il évoque sont ils des soignants du centre ou d'autres patients?...

Non, il faut rester avec son interprétation. Pourquoi pas, même si moi cela me frustre un peu. C'est aussi un parti-pris acceptable.

Concernant le style, il est à mon avis parfaitement adapté au récit: la lecture est agréable et les descriptions oniriques sont évocatrices. Des références littéraires parsèment aussi le texte: des poèmes mais aussi Harry Potter… Mais le thème est lourd, noir. On devine l'enfance traumatique (quelle que soit la réalité, elle l'a été) qui a détruit le cerveau du narrateur, le plongeant dans ses troubles du présent.

Un texte qui se lit rapidement (et même d'une traite au vu de sa longueur modérée) et pousse aussi à réfléchir sur ce qu'on appelle "la folie" et sur les patients atteins de ces pathologies. Mais un texte qui ne fera sans doute pas l'unanimité du fait de son contenu. En tout cas une façon de traiter du sujet que je n'avais encore jamais lu.
Lien : https://leslivresdemavie.ove..
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"Monstrueuse Féerie" est un ovni littéraire. C'est du fantastique horrifique avec une poignée de Monstres, une Elfe et, au milieu, un psy qui fait son analyse (ou celle de notre société et/ou de notre normalité… ce sera à vous de décider).

Laurent Pépin a incontestablement une très belle plume, pleine de poésie et de fragilité. J'ai lu cette novella d'une traite, emportée par le style de l'auteur et cette histoire étrange, partagée entre rires et horreurs, ne sachant pas trop où s'arrête la métaphore et où commence la réalité. Cette lecture m'a beaucoup fait penser à Sabrina Calvo dans le style et la folie. Autant vous dire que j'ai aimé 😄.

On a là une lecture horriblement belle qui ne conviendra pas à tout le monde, mais qui a beaucoup plu à mes propres Monstres. Et j'espère sincèrement avoir l'occasion de lire à nouveau cet auteur. 😊
Lien : https://fourbistetologie.fr/..
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Étonnante et redoutable initiation à une psychiatrie merveilleuse, comme d'outre-monde : un exercice poétique, tendre, cruel et inattendu, de haute volée.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2022/03/09/note-de-lecture-monstrueuse-feerie-laurent-pepin/

D'une enfance nourrie de quelques franches bizarreries dont les traumatismes se révèleront peut-être en temps voulu, et d'une solide pop culture de fantasy dans laquelle le Seigneur des Anneaux cohabite presque paisiblement avec Harry Potter, le narrateur a décanté, en une étrange confrontation au réel, permanente et feutrée, une vision du monde qui lui permet une lecture bien personnelle de son quotidien au centre psychiatrique où il exerce : là où la plupart des gens voient au mieux des « patients » et au pire des « fous », il voit des Monuments. Bien entendu, à l'intérieur des Monuments, comme en chacun de nous, des Monstres peuvent rôder. Mais on y trouve aussi des Elfes, comme celle avec qui il partage désormais un bon bout de sa vie.

Alors que des bribes du passé, jusqu'alors plus ou moins soigneusement enfouies, se mettent à émerger des limbes où elles étaient confinées, et que des forces sibyllines semblent s'amonceler dans ce quotidien pourtant paradoxalement bien réglé, cet équilibre de vie, aussi dynamique que fragile, résistera-t-il à ce bouillonnement sous un crâne qui s'esquisse désormais ?

Avec cette « Monstrueuse féérie » publiée en octobre 2020 chez Flatland, Laurent Pépin nous offre une incursion rare dans ce qui pourrait sans doute s'intituler scientifiquement, comme il existe des échecs féériques, une psychiatrie merveilleuse. Se tenant au barycentre d'un cercle de protection sur le pourtour duquel on remarquerait sans doute aussi bien la « Psychanalyse des contes de fée » de Bruno Bettelheim (ou plutôt ce qui apparaîtrait comme sa source réelle, le travail de Julius Heuscher) que le « Marcher droit, tourner en rond » d'Emmanuel Venet, le « Soi et les autres » de R.D. Laing que « L'Anti-Oedipe » de Gilles Deleuze et Félix Guattari, ou encore la série entière des aventures de Bobby Potemkine de Manuela Draeger (c'est peut-être bien dans ces textes prétendument « pour enfants » de cet hétéronyme-là d'Antoine Volodine que l'on trouverait la congruence la plus forte en termes de tonalité, de maniement méticuleux et pourtant comme « mine de rien » de la tendresse et de l'inquiétude) que le « Chant de la mutilation » de Jason Hrivnak ou « L'écrouloir » de Nicolas Rozier, il en surgit formidablement armé par la grâce d'une écriture bien peu commune, une écriture qui joue avec la tentation de la confession mais s'en échappe crânement à la moindre opportunité, retravaillant continuellement l'insertion de ses horcruxes (jalons psycho-fantastiques ô combien pertinents ici) dans une poésie discrète mais agissante, sous couvert de travail psychologique de terrain et d'enquête au près sur ce qui peut lier, encore et toujours, la création et la psychose. D'abord intrigantes, puis rapidement envoûtantes, les 100 pages à peine de cette novella donnent résolument envie de se plonger sans attendre dans leur suite, « Angélus des ogres ».


Lien : https://charybde2.wordpress...
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(Livre lu dans le cadre d'un Service-Presse. Je remercie l'auteur de m'avoir proposé cette lecture)

Avant de donner mon avis sur ce livre atypique, un « détail » qui à mon sens est important : l'auteur est psychologue clinicien. Or, si j'étais intriguée par cette novella et ses thématiques, je dois concéder une certaine méfiance de ma part, n'ayant pas toujours eu de bons contacts avec des psy (chologues et chiatres). Pour la plupart, ils essayaient de me faire rentrer dans le moule de la normalité, alors que je n'avais pas besoin d'être réparée, j'avais surtout besoin qu'on me file le mode d'emploi que je n'avais jamais eu. J'ai cependant vite été rassurée au cours de ma lecture, avec des réflexions qui m'ont vraiment touchée en tant que personne « pas normale ». Pour tout dire, j'en ai même photographiée une ou deux.

Mais ce livre, de quoi il parle, en fait ? Comme je le disais, il est atypique, voire étrange. Il n'a pas vraiment d'intrigue, on est plus sur un témoignage chaotique où le narrateur, lui aussi psychologue, nous parle alternativement des Monuments (les personnes du Centre où il travaille), de l'Elfe qui le protègeait des monstres (une Monument ? Une vraie Elfe ?), et de son passé traumatique lié à la fois au père et à la mère, qui les maltraitaient psychologiquement et physiquement, lui et ses frères.

Les différents sujets et lignes temporelles s'entremêlent et s'alternent sans logique apparente, ce qui est paradoxalement cohérent avec les thèmes de la santé mentale, de la dépression et des traumatismes. le narrateur est quasiment le seul « vrai » personnage, puisque les scènes liées à l'Elfe ou à ses parents sont du passé, et qu'on n'assiste pas à de vraies interactions entre lui et d'autres personnes.

Quand il parle des Monuments ou de son Elfe, la prose se fait douce et poétique, mais elle devient beaucoup plus glauque quand il nous parle de son passé, avec des scènes visuellement dérangeantes. Parce que l'Elfe tient les Monstres a distance, mais l'Elfe, elle ne peut pas rester. Alors, les Monstres deviennent plus difficile à combattre. Il est difficile de saisir la frontière entre le conte cauchemardesque qu'il se raconte et nous raconte, et le réel. Est-ce que les scènes horribles liées au père et à la mère sont uniquement des métaphores ? Est-ce que c'est l'esprit traumatisé du narrateur qui a transformé de vrais souvenirs en un conte cauchemardesque ? Y a-t-il un peu de vrai dans tout ça ? Un peu des trois, je crois. On est vraiment dans du Fantastique, pour le coup, puisque jamais le narrateur ou un autre personnage viendra trancher la question.

Un tel texte est assez difficile à conseiller, mais je ne regrette absolument pas d'avoir tenté l'expérience.

Bilan
A la fois dérangeant et poétique, ce livre atypique est finalement assez compliqué à décrire, tant son intérêt passe par la prose et les réflexions du narrateur. C'est une expérience qu'il faut lire pour comprendre, fascinante et déroutante, que j'ai vraiment bien appréciée. Pour lecteurice averti, certains passages sont très doux mais d'autres assez glauques.
Lien : https://limaginaerumdesympho..
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