Il (Toussaint Louverture) passa les bornes de l'impudence le jour où il écrivit à Bonaparte, le héros de campagnes d'Italie, une lettre commençant par cet envoi : " Du Premier des Noirs au Premier des Blancs." On imagine la stupéfaction du Corse devant cette phrase qui traduisait une ambition démesurée de la part d'un ancien esclave qui osait se comparer à César..ou à Bonaparte !
Il me fit comprendre la réserve, pour ne pas dire le mépris, qu'il vouait aux sang-mêlé. Il jugeait cette engeance prétentieuse, arrogante, hypocrite et volontairement oublieuse de ses origines africaines. La plupart se dissociaient de la chiourme des esclaves pour accéder à des emplois valorisants commandeurs de plantation, administrateurs ou même planteurs, avec, pour les Noirs, plus de dureté qu'un maître blanc.
Toussaint avait compris que la liberté pouvait être pour les Noirs un bienfait pire que le mal. Face à cette porte qui s'ouvrait devant eux, leur premier geste avait été de poser leurs outils de travail et de se livrer à la paresse et aux plaisirs, comme pour rattraper des siècles de servage.
Le héros n'allait pas profiter de sa gloire bien longtemps. Des jalousies s'accumulaient dans l 'ombre. Des jalousies, des ressentiments et des ambitions refoulées.
Dessalines, ancien esclave de la plantation Cormier, à Grande Rivière, devenu gouverneur général à vie, en attendant un titre à la hauteur de ses présomptions, ne tarda pas à se trouver en proie au vertige du pouvoir absolu.