Citations sur Longtemps je me suis couché de bonheur (37)
Pour lui (Taquin le Prof.)," le Reader's Digest est à la littérature ce que le lèche-vitrine est au commerce". Il nous interdit cette américonnerie qui transforme Guerre et Paix en "guère épais".
A en croire le kit Proust de Taquin, "Proust est un monde composé de 5 terres à explorer" :
1. une œuvre : À la recherche du temps perdu (trois mille pages), qu'on appelle la Recherche pour gagner du temps.
2. une phrase longue, sorte de ténia torsadé en apnée.
3. une madeleine, trempée dans du thé, qui fait remonter la mémoire par capillarité.
4. une fleur, le catleya. Fleur à usage unique réservée à l'expression " faire catleya" pour dire " faire l'amour".
5. une héroïne, Albertine.
Je me plaque contre la porte. Est-ce la magie du capiton, mais je sens Albertine. On devrait toujours avoir une porte pour rêver derrière à une fille.
Salaud de Proust ! Il m’avait plagié d’avance. C’était exactement ce que je voulais écrire. Tout ça parce qu’il est né avant moi. Je hais le droit d’aînesse. Ce droit de vieux. D’accord, il m’a plagié en mieux. Mais je le maintiens : « La balle est faute ! ».
Merci à Jacques, Guy, Michel, Gérard, Roland et Serge de m'avoir laissé être le septième fils de la m'an. Grâce à vous, elle sait. Elle sait tout ce que c'est qu'être un garçon de quinze ans amoureux, niais, égoïste, coupable, minuscule, effrayé et rêveur. Tous les garçons devraient avoir la chance d'être le septième fils.
A Orly, on est du côté parc ou du côté cité.
Moi je suis du côté cité.
Ma cité est ton sur ton : construite en briques rouges, dans une ville rouge de Banlieue Rouge, comme l'appelle les journaux. Ceux qui n'aiment pas les gens de la mairie disent : "A Orly, rouge sur rouge, rien ne bouge !" Dans ma cité pourtant ça bouge !
8 h 13, la pendule de la classe est perplexe.
Comment peut-il être encore 8 h 13 ? Elle n'a pas bougé d'une aiguille et pourtant le temps a défilé. Le pendule se sent inutile. Déprimée. C'est la faute au professeur de français, M. Taquin, et à son cours aux 3è B sur le temps dans La Recherche. Depuis elle a l'impression d'être une "montre molle" dans les mains de ce Marcel Proust qui se croit autorisé à tordre le temps, à l'étirer, le contracter, le replier sur lui-même ou se suspendre à son clou.
J'essaie de lire sur ses lèvres. À quoi bon ? Si j'avais su lire sur les lèvres d'Albertine, il n'y aurait pas eu d'histoire. Cela doit rester illisible, les lèvres.
Dans mon cartable. Toujours. "Le Petit Philosophe de poche" (n° 751), c'est "mon livre". Mon livre de chevet sans table de chevet. Un recueil de citations. (On peut dire aphorismes, moi je dis formules.) Je le lis tout le temps, le copie encore plus. Il est tellement couturé au Scotch qu'on dirait un grand brûlé. Je l'aime. Avec lui, je m'entraîne à fabriquer de fausses citations. Pour lui tout est simple. Limpide. Là où Proust a mis trois mille pages pour raconter mon histoire avec Albertine, lui l'a fait de A à Z, en deux citations :
La première phrase d'un garçon à une fille est toujours bête. Elles le savent. Sont préparées. Il y a chez les files une certaine mansuétude pour la première phrase d'un garçon. Elles sentent bien que le garçon devant elles est au brouillon et qu'il se mettra au propre plus tard. Avec d'autres.