(…) tu ne seras heureuse que lorsque tu sauras t’accepter comme tu es.
~ Coram à Alanna, page 158
- Tu crois que je suis prêt ? lui demanda-t-elle d’une toute petite voix.
- Mon opinion importe peu. La seule manière de gagner, pour toi, c’est d’être toi-même convaincu que tu es prêt.
Ce que je peux faire, ou ne pas faire… quelle importance?
- Tu auras remarqué que mes amis m'appellent Jonathan, ou Jon, ajouta-t-il en posant sa main sur l'épaule d'Alanna.
- Et suis-je votre ami, Votre Altesse ? demanda Alanna en levant les yeux vers lui, sans être certaine de bien comprendre.
- J'en suis persuadé, lui dit-il doucement. J'aimerais que tu le sois.
Il lui tendit la main, qu'elle serra.
- Alors je le suis, Jonathan.
- Ils t'appellent "Majesté"? demanda-t-elle, choquée.
- Pourquoi pas ? Je suis le roi ici, plus roi que celui installé tout en haut de la colline. Mes gens ne lui accorderaient pas un regard, mais ils exaucent mes moindres souhaits.
- J'imagine, dit-elle, dubitative.
George déverrouilla une solide porte.
- Tu es écervelé, jeune Alan, mais tu es poli.
Une cloche qui tintait dans une tour surplombant l’aile des pages réveilla Alanna à l’aube. Elle plongea son visage dans l’eau froide en bougonnant. Encore épuisée de sa chevauchée de cinq jours, elle aurait bien voulu pour une fois faire la grasse matinée.
Gary, bien réveillé et d’une jovialité qui lui parut insolente, vint la chercher alors qu’elle finissait à peine de s’habiller. Alanna, qui avait horreur de prendre un petit déjeuner et se serait contentée d’une pomme, se retrouva devant une assiette débordante servie par Gary.
– Mange, lui conseilla-t-il, tu vas avoir besoin de toutes tes forces.
La cloche tinta de nouveau. Les pages se hâtèrent pour assister à leurs premières leçons de la journée. Alanna courait pour rester à la hauteur de son mentor.
– Première leçon : lecture et écriture, lui expliqua-t-il.
– Mais je sais déjà lire et écrire ! protesta Alanna.
– Ah bon ? Bien. Tu n’as pas idée du nombre d’enfants de nobles qui l’ignorent. Ne t’inquiète pas, jeune Trébond, ajouta-t-il avec un sourire qui lui illumina son visage, je suis sûr que les professeurs te trouveront une occupation.
Elle fut surprise que les autres pages se réjouissent pour elle plutôt que d'être jaloux. Elle ne réalisait pas qu'ils ne la considéraient pas comme un page, mais, selon les termes de Jonathan, comme un minuscule écuyer.
Il vaut toujours mieux attaquer que se défendre, lui avait expliqué Coram un soir où ils parlaient d'escrime. Toujours. On ne gagne pas en parant, on ne fait que garder l'adversaire à distance, pour l'épuiser. Si tu attaques, tu t'en débarrasses !
Quant à être enveloppée de forces mystérieuses... Thom était stupide. Autant dire tout de suite que les dieux eux-mêmes s'occupaient d'elle ! Si les forces protectrices qu'évoquait Thom corroboraient les propos de maîtresse Cooper quand elle avait révélé que la Déesse Mère s'intéressait à ce que faisait Alanna, ou la théorie de Coram qui soutenait que les dieux avaient protégé Alanna pendant l'interrogatoire du duc Roger, alors c'était le problème de Thom, Coram et maîtresse Cooper. Alanna en avait bien trop de son côté pour s'occuper de cela.
Tu pourras toujours changer ta position dans la vie, que tu possèdes le Don ou pas. Mais tu ne peux pas changer ce que les dieux ont fait de toi. Plus vite tu l'acceptes, plus vite tu seras heureuse.
(Alanna découvrant que son corps change contre son gré et qu'elle ne peut rien faire pour stopper ce changement...)