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En France, au printemps 1940, l'avenir est sombre pour les tsiganes, dont les déplacements sont entravés depuis le début de la guerre. La jeune Alba et sa famille continuent tant bien que mal à vivre selon leurs coutumes. Finalement, sur demande des Allemands, Alba et son clan sont conduits dans un camp non loin d'Angoulême. Ils y resteront six ans, libérés seulement en 1946. Six ans prisonniers de murs, s'efforçant tant bien que mal de préserver leur âme, leur liberté d'esprit et de prendre soin les uns des autres. Entre temps, Alba sera devenue femme.

« N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures » est une maxime tsigane qui signifie que l'on n'entre pas facilement ni impunément dans l'intimité de ce peuple. Et en effet, c'est avec une grande délicatesse que l'auteure lève le voile sur cette famille tsigane, nous fait entrer dans son intimité et nous fait partager un peu de sa philosophie de vie. Il en ressort un grand désir de liberté, un amour de la nature, et une fierté que l'enfermement et les privations n'auront pas réussi à entamer. Les personnages ont souffert, leurs chants se sont tus, mais ils sont restés droits et n'ont jamais dérogé à leurs valeurs.

Historiquement, ce roman est également intéressant, l'auteure ayant recueilli des témoignages de tsiganes. En effet, je n'avais que très peu entendu parler de l'enfermement de ce peuple avant d'avoir lu ce roman. L'auteure nous montre l'enfermement, les hommes qui partent à la journée pour un dur labeur, les femmes qui restent confinées, la nourriture extrêmement rationnée, les maladies qui emportent les plus faibles. Malgré cela la vie continue, portée par les femmes. La trajectoire personnelle d'Alba, que nous suivons tout au long de ce roman, en est révélatrice. Les tsiganes d'Angoulême ne seront libérés qu'en 1946 et en garderont une grande méfiance vis-à-vis des autorités.

Les personnages de ce roman sont insaisissables mais attachants. J'ai l'impression de ne pas vraiment connaître Alba, même si on passe beaucoup de temps en sa compagnie. Elle symbolise la vie et l'espoir. J'ai été touchée par la relation qu'elle entretient avec sa maman, Maria, qui est aveugle. Son père, Louis, est très digne même s'il est dépassé par les évènements. Enfin, j'ai été émue par le petit René, un enfant qui n'a pas toute sa tête.

L'écriture de Paola Pigani, qui a publié des recueils de poésie, est très délicate, joliment ciselée. J'ai beaucoup apprécié cette expérience de lecture. Elle raconte des évènements sombres avec de belles phrases et beaucoup de pudeur, sans misérabilisme. En équilibriste, elle donne vie sur le papier à cette âme tsigane, un peuple auquel elle n'appartient pourtant pas.

Ainsi, ce premier roman de Paola Pigani est un essai réussi. Avec finesse et pudeur, elle nous fait entrer dans ces années sombres vécues par les tsiganes, et un peu dans leur âme également. le tout étant servi par une belle plume, que je vous conseille de découvrir.
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A travers la voix d'Alba, adolescente au moment du récit, on suit le quotidien des 350 Tsiganes qui furent internés pendant 6 ans dans le camp des Alliers (Charente Maritime) au titre de la collaboration du gouvernement français avec les nazis.
C'est un combat de tous les jours auquel on assiste de cette communauté pour garder sa dignité et ne pas se laisser enfermer dans ce quotidien aliénant.
La force de ce récit basé sur un témoignage réel réside dans la force de personnes qui luttent et restent libres dans leur tête grâce à leur travail, grâce à leur culture.
Le plus bouleversant à mon sens, c'est qu'ils restèrent dans ce camp pendant un an après la libération de la France, avant que l'on ne se souvienne d'eux, et qu'ils furent libérés, alors qu'ils avaient tout perdu, chevaux, roulottes, sans le moindre dédommagement.
Une leçon de l'histoire et un texte formidablement beau et émouvant.
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Il m'a fallu un moment, que le récit se déroule peu à peu, pour parvenir à accompagner Alba lors de cette lecture.

Dans une préface, l'auteur explique que son roman s'inspire d'un témoignage, précieux, qu'elle souhaite préserver et respecter, comme le raconte le titre de ce livre. Peut-être est-ce ce que j'ai ressenti, l'impression qu'elle avançait à petits pas, feutrés, et que je restais sur le seuil, à distance de cette histoire des nomades français de Charente durant la Seconde Guerre Mondiale, spectatrice de la « tristesse de leur voyage immobile » sans les rencontrer vraiment.

Bien que rythmé par de courts chapitres, le récit m'a paru lent, les personnages lointains dans cette première moitié du roman. Pourtant, cette narration s'adapte bien à ce que vit la famille d'Alba qui découvre la différence entre » camps et campements « , l'isolement, l'enfermement, une déliquescence par la perte de leurs traditions, de leur raison de vivre – » Quelle est cette guerre hors les murs ? [...] Quatre hivers ont fini par s'enchevêtrer dans le même temps fou de la guerre et de la paix. Une mémoire pâteuse où les évènements qui touchent la France s'immiscent à peine à l'intérieur du camp. Sur quel territoire vivent-ils depuis l'automne 1940 ? Les saisons se suivent, semblables. Les chemins, les forêts, les roulottes calcinées sont derrière eux. Ils ne voyagent plus qu'en aveugles dans une nostalgie douloureuse. » -; une narration qui dévoile un sens certain de la description, de l'image et de la formule évocatrices, mais il me manquait un souffle, une présence, un monde. Leur monde, leur culture. Qui apparaissait à peine. » La peine de n'être plus que l'ombre d'un peuple « , le grand absent, le disparu. Comme l'écrit l'auteur dans cette préface » J'écris sur des silences, sur un lieu qui n'existe plus. » En séquence, c'est le camp au quotidien, le racisme et les préjugés alentours. Je m'impatientais, le roman d'apprentissage – Alba découvrant sa féminité, les réalités de la maternité lors d'une grossesse de sa mère, la mère dont le portrait se détache en magnifiques lignes – me semblait prendre le dessus dans le récit. Puis, Alba devient femme. Elle prend corps, de l'assurance et le récit la suit, prend de l'ampleur, s'affirme, se libère. La fierté retrouvée. Par sa voix, l'auteur a trouvé la sienne, en hommage, en mémoire.
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Printemps 1940, le 6 avril, un décret du gouvernement de Vichy interdit tout mouvement aux nomades. Une occasion comme une autre d'assigner à résidence les Manouches : en temps de guerre tout ce qui ne se fonde pas dans la norme est suspect.
"La circulation des nomades est interdite sur la totalité du territoire.
Les nomades, c'est-à-dire toutes personnes réputées telles dans les conditions prévues à l'article 3 de la loi du 16 juillet 19121, sont astreints à se présenter sous les quinze jours qui suivent la publication du présent décret, à la brigade de gendarmerie ou au commissariat de police le plus voisin du lieu où ils se trouvent. Il leur sera enjoint de se rendre dans une localité où ils seront tenus à résider sous surveillance de la police. Cette localité sera fixée pour chaque département par arrêté du Préfet".

Il y a une précision dans le rapport concernant ce décret, une précision qui fait froid dans le dos :

"En période de guerre, la circulation des nomades, individus errant généralement sans domicile, ni patrie, ni profession effective, constitue, pour la défense nationale et la sauvegarde du secret, un danger qui doit être écarté".

Le décor est planté, l'histoire peut commencer.

Alba a 14 ans en ce printemps 1940, elle est depuis des années les yeux de sa mère, elle est l'aînée, la grande soeur, la seconde maman. Elle ne comprend pas ce qui leur arrive quand ils reçoivent l'ordre de quitter les lieux, de faire leurs bagages et de suivre le détachement de gendarmes jusqu'au camp des Alliers, non loin d'Angoulême.

L'assignation à résidence, dans un camp entouré de barbelés, est une condamnation à l'exil intérieur pour les nomades dont l'essence vitale est de parcourir les chemins en louant leurs bras aux paysans en fonction des saisons. Abandonner les roulottes et les chevaux pour prendre domicile dans des baraquements est le premier pas vers l'étiolement et la neurasthénie.

Il n'y aura plus de feux à la nuit tombée, il n'y aura plus de grands rassemblements, il n'y aura plus la joie de goûter à la liberté sur les chemins, il n'y aura plus de porte à porte, il n'y aura plus rien hormis la douleur de l'enfermement dans des conditions déplorables, hormis la litanie des appels.

Il y a ceux qui rêvent de partir, ceux qui ont choisi de rester, ceux qui se languissent, ceux qui se meurent, ceux qui naissent, ceux qui veulent vivre.

« N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures » est un roman tout en finesse et sensibilité : l'auteure entre avec délicatesse dans un pan d'histoire de l'Occupation méconnu et tout aussi détestable. le décret du 6 avril 1940 est entré sans permission dans les roulottes, l'âme du peuple Manouche, Tzigane, pour fouler du pied un peuple que le pouvoir a toujours voulu sédentariser.

Paola Pigani relate à travers Alba la noirceur des jours passés dans le camp, la noirceur de l'impétigo et de la gale, la beauté de la moindre miette de couleur, de la moindre parcelle de vie, la magnificence d'une fierté âpre et sauvage, l'éclat somptueux des amours naissants.

On rit, on grince des dents, on pleure, on serre les dents et les poings, on retient son souffle et on danse envers et contre tout. le violon perd des cordes, qu'à cela ne tienne, les chants demeurent et enflent !

Les roulottes et les chevaux deviennent caravanes et voitures, les chemins deviennent routes d'asphalte, le voyage continuera pour certains, pour d'autres il s'arrêtera dans un pavillon ou un appartement HLM car « Alba sent bien qu'il faudrait pas les pousser trop ses enfants pour ressembler aux gadjés. Ca leur plaît d'avoir la télévision, une machine à laver et une carte nationale d'identité. Pour certains, la caravane dans la cour avec des murs tout autour et toujours le même horizon. Ca peut se comprendre la fatigue de voyager, de ne rien laisser derrière soi, de ne jamais savoir pour le temps qui reste. »



« N'entre pas dans mon âme avec tes chaussures », un roman qui rend hommage à ceux qu'il est trop facile d'effacer de la mémoire collective, un hommage qui évité l'écueil du pathos et du misérabilisme. Une lecture touchante et belle.
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En 1940, Alba est une fille de quatorze ans, c'est le drame qu'elle va vivre avec les siens, que l'on suit dans ce beau roman, qui traite d'un sujet sombre avec beaucoup d'empathie et de poésie. Entre 1940 et 1946, les nomades, tziganes, romanichels des Charentes ont été internés au camp des Alliers à Angoulême, sous la surveillance des autorités française et sur ordre de la Gestapo. le lecteur est plongé au coeur de la détresse des gens du voyages obligés d'être sédentaires, privés de tout, qui vont perdre des êtres chers, leurs roulottes, leurs chevaux, les cordes de leur violon mais ne perdront pas leur résistance face à l'adversité. Alba qui devient femme dans ses conditions dantesques passe par des moments d'immense tristesse, mais l'espoir revient car elle rencontre l'amour et la maternité. C'est très beau regard sur la différence.
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Paola Pigani a grandi en Charente où elle a rencontré une femme manouche qui a vécu dans le camp des Alliers. Cela lui a inspiré l'histoire de ce premier roman qu'elle a présenté à Niort l'hiver dernier, parce qu'elle était nominée pour le prix de la Voix des Lecteurs.

La période historique et le thème m'intéressaient, la quatrième de couverture m'intéressait, MAIS, parce qu'il y a un mais, je n'adhère définitivement pas au style de l'auteur : c'est lent, avec des énumérations, souvent sur un rythme ternaire, et ça je ne supporte pas... ("la course, le rire, la faim se partagent leur ventre", "les adultes complotent, chuchotent, ont des regards qu'ils n'avaient pas avant", "pourquoi moins de cris, moins de chants, moins de pagaille"... et bien d'autres encore page 52). Je me suis un moment demandé si ça n'était pas pour faire une opposition rythmé entre avant : leur vie joyeuse de nomades, et l'instant décrit : leur vie dans le camp. Mais non, puisqu'on retrouve la même chose dans cette dernière. C'est dommage parce qu'il y a, par ailleurs, des images très poétiques ("secourus par les vents, ils volent d'une misère à la joie, d'une ivresse à l'effroi" "(le cheval) entre tout entier dans son coeur avec sa peau de bête, son souffle puissant, son odeur de terre" pages 54-55).

Alors j'ai posé le livre et tenté d'y revenir plus tard, ce qui m'a permis d'aller au bout de ma lecture...

Je vous laisse vous faire votre opinion !!


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On ne peut rester indifférent aux conditions de vie misérables qui ont été faites à ceux que l'on a appelés Manouches, tziganes, romanichelles. Parqués dans des camps comme des bêtes, à peine nourris ayant tout perdu sauf leur dignité tout simplement parce qu'ils étaient « gens du voyage » Ils ont survécu tant bien que mal et ont été les derniers libérés quand la guerre s'est enfin terminée. Leur faute ? ne pas vivre comme « tout le monde »
L'auteure a romancé un peu la vie d'Alba mais si peu, que nous ne pouvons que dire : respect à tous ces oubliés et égarés de cette guerre.
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Très beau livre . Hymne sur la liberté, la différence et la tolérance.
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Que dire de ce livre...il est magnifique!!Je sais c est court mais je n ai rien a rajouter !
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Histoire d'Alba, jeune fille de quatorze ans qui est internée, à partir de 1938, avec toute sa famille dans un camp pour Tziganes près d'Angoulême. Jusqu'en 1946, ils vont connaître l'humiliation et les brimades. Ils se retrouvent entassés dans des baraquements qui laissent passer le froid et la pluie, alors que les tziganes n'aiment pas avoir de toit en dur au-dessus de la tête. Leurs roulottes leur sont enlevées ainsi que leurs animaux. Alba rencontre Rémi et son frère, alors qu'ils arrivent dans le camp et doivent s'installer dans la baque de la famille d'Alba. Rémi n'est pas un garçon comme les autres. Elle devient très proche de son frère. Un très beau roman sur un épisode assez peu connu de l'histoire française.
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