Je pense que toute communauté a besoin de femmes et d'hommes qui observent consciencieusement ce qui se passe réellement dans leur communauté et le monde, au-delà du discours officiel et de la propagande politique.
Edwy Plenel appartient incontestablement à cette minorité agissante et vitale, qui manifestement n'a pas peur du message de
Guy Béart "Le premier qui dit la vérité il doit être exécuté". Ce qui fut le cas, en 1940 au Mexique, de
Léon Trotski, un de ses héros. Plus grave que l'agression ridicule du journaliste par la réalisatrice Maïwenn, qui lui a craché à la figure en février 2023 dans un resto parisien.
Personnellement j'admire sa clairvoyance et courage, surtout en ce temps où le "fake news" est malheureusement devenu un art, exploité de façon inquiétante sur les réseaux sociaux, où des
Elon Musk veulent dicter la loi.
L'auteur a même réussi l'exploit de se faire entourer de toute une équipe de journalistes frondeurs comme lui, avec qui il a fondé le site web d'informations Mediapart, auquel je suis content de m'être abonné et dont je lis tous les soirs les dernières nouvelles.
Dans son dernier ouvrage, paru en septembre dernier, il se révolte contre l'incroyable mansuétude affichée par certains politiques et experts à l'égard de Poutine et son invasion criminelle d'Ukraine.
Pour Plenel, il s'agit d'une initiative qui s'inscrit ostensiblement dans un programme impérialiste de grandeur nationale et personnelle, qui va à l'encontre des règles convenues dans le cadre mondial des nations unies et la souveraineté d'un État voisin.
L'Ukraine n'est d'ailleurs qu'une étape après les interventions militaires en Tchétchénie, en Géorgie, et l'assistance armée au dictateur sanguinaire de Syrie, Bachar al-Assad.
L'auteur compare l'agression par Poutine et certaines réactions en Occident avec l'attitude de certains politiques à la situation dans l'ex-Yougoslavie de Slobodan Milosevic (1940-2006) et plus précisément la guerre du Kosovo 1998-1999, qui forme l'objet de son essai "L'Épreuve", publié en 1999, et repris ici comme seconde partie du livre sous rubrique.
La première partie, la contre-épreuve, soit l'initiative militaire russe et les réactions en Occident et en France, compte une bonne centaine de pages, après une brève préface, et contient 4 chapitres : un aveuglement français, l'impérialisme russe, l'opposition de gauche et le crime d'indifférence.
J'ai surtout trouvé intéressant l'analyse par Plenel du glissement du gouvernement poutinien d'un système autoritaire vers un régime dictatorial, tant à l'extérieur avec les interventions militaires précitées, qu'au niveau de la politique intérieure avec l'élimination de toute opposition (Nemtsov, Navalny), la dissolution des mouvements indépendants (tel Mémorial), la multiplication de lois et décrets répressifs, la mainmise et contrôlé complet de la presse, une propagande envahissante et mensongère, etc.
Il est frappant de constater que l'analyse que fait Plenel de la Russie actuelle rejoint l'analyse de Pierre Servent dans "Le monde de demain", que j'ai commenté dans mon billet du 24 mars 2023.
La conclusion de Plenel est que face aux prétentions impérialistes de Poutine et son entourage mafieux, l'Occident ne peut rester indifférent mais doit secourir l'Ukraine, victime de ces prétentions criminelles.
Edwy Plenel cite à ce propos une phrase de
Régis Debray de 1971 : "Le national et la haine mènent le monde depuis que l'Histoire est humaine." et rappelle une vérité de
Charles Péguy (1873-1914) : "Qui ne gueule pas la vérité quand il sait la vérité se fait le complice des menteurs et des faussaires."
Il rappelle également une boutade d'
Antonio Gramsci de 1917 comme quoi "l'indifférence est le poids mort de l'histoire."