Se tenir droit. Douze portraits pour une politique sensible

La politique sensible qu'ils dessinent se dresse contre la politique qui aujourd'hui domine, et avec laquelle il serait bien temps de rompre.
C'est un président de la République française qui en a donné le meilleur résumé, par sa franchise brutale, dans une injonction de 2009: "Ne vous laissez pas intimider par la "dictature des bons sentiments". Autrement dit : laissez-vous aller au règne des mauvais sentiments. A en croire ce chef de l'Etat, dont les cinq ans de mandat ont accéléré la dégringolade éthique de la politique française, il faut donc souhaiter une démocratie où se libèrent les mauvaises pensées, assumant aigreurs et jalousies, haines et ressentiments, vengeances et virulences, corruptions et abaissements, ou pour le dire honnêtement, saloperies et dégueulasseries.
C'est peu dire que cet appel a été entendu tant, depuis, n'a cessé de s'aggraver la déchéance de ce langage commun que devrait être, en démocratie, la politique, par-delà la diversité de nos opinions. la présidence de Nicolas Sarkozy, puisqu'il s'agit de lui, a ouvert les vannes d'un relâchement général de la politique, de ses mots comme de ses actes, en instituant la manque de tenue et l'absence de scrupule en norme, jusqu'à l'habitude. Ce n'est pas que la politique, auparavant, fût sans reproches éthiques - j'en fus témoin par mon travail de journaliste d'enquête - mais, en persistant à maintenir les apparences, elle ne s'était pas laissée aller à faire la pédagogie de la bassesse.
Désormais, tout un vocabulaire a surgi afin de donner un vernis de respectabilité intellectuelle à cette désertion des hauteurs de vue et des générosités d'âme. "Droit-de-l'hommisme", "bien-pensance", "politiquement correct", "moralisme" ou "moraline", et, pour les derniers venus, "islamo-gauchisme" ou "wokisme": une nouvelle langue s'est imposée, dans le débat public, pour discréditer ou diaboliser le dangereux angélisme de celles et ceux qui incarneraient une "gauche morale". l'amoralisme est ainsi érigé en vertu, l'absence de principes en bienfait, la violence du verbe en nécessité, la vulgarité d'esprit en réjouissance.
A l'inverse, ridiculisés, diabolisés ou calomniés, le souci des injustices, l'inquiétude pour les opprimés, l'indignation contre les corruptions, la colère face aux mensonges, le refus des discriminations, le respect de la vérité et l'aspiration à l'égalité, l'exigence de droiture ou la quête d'humanité, bref, la simple recherche d'une espérance qui nous élève et qui nous rassemble paraissent exclus du champ politique et de son corollaire médiatique, lesquels n'auraient d'autres règles enviables que l'égoïsme de la réussite, l'appétit de pouvoir et l'envie de dominer.
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