Récit coup de poing qui révèle une société russe dans sa complexité à travers un fait divers tragique.
Laura Poggioli, d'origine italienne, nourrie par la littérature russe depuis le lycée, a poursuivi des études à
Sciences Po durant lesquelles elle a pu séjourner plusieurs fois à Moscou. Elle nous propose son premier roman avec «
trois soeurs ».
Le premier chapitre glaçant nous plonge dans l'horreur des violences familiales à Moscou en 2018 :
trois soeurs Krestina, Angelina et Maria, âgées de dix sept à dix neuf ans sont prostrées devant le cadavre de leur père Mikhaêl, qu'elles viennent d'assassiner.
L'auteur est interpellée par cette affaire qui déchaîne la presse moscovite et ses habitants, les uns soutenant les filles et les autres les accusant. Elle décrit les faits précisément et déroule la vie de cette famille en remontant onze années en arrière pour tenter d'expliquer le geste des filles.
En parallèle, les souvenirs de ses séjours à Moscou remontent, en particulier son aventure amoureuse conflictuelle avec Mitia, jeune sibérien au caractère changeant exprimant aussi bien une grande tendresse que de la violence pure.
L'auteur utilise ce faits divers , hélas peu isolé, pour décrire une société russe qui ne prend aucunes mesures pour protéger les femmes contre les violences conjugales .Un proverbe russe en témoigne aisément : « s'il te bat, c'est qu'il t'aime ». Tous les voisins de la famille, les enseignants, la police étaient au courant de la violence de ce père mais personne n'a levé le petit doigt considérant que ce sont des problèmes privés . C'est une société mystérieuse ou les hommes sont courtois dans la rue mais deviennent des bourreaux dans leur intimité familiale.
Le traitement de cette affaire criminelle démontre les failles de la justice, de la police et des représentants religieux avec l'appui de l'état qui venait d'adopter une nouvelle loi, dite « loi des gifles » dépénalisant les violences conjugales ! Toute structure en aide pour les femmes est interdite par l'état et chaque femme qui porte plainte est accusée d'être mauvaise mère ou épouse.
On perçoit néammoins l'attachement de
Laura Poggioli pour cette Russie à travers son amie Marina, la beauté de Moscou , ses hivers lumineux, ses écrivains et sa culture, comme à la pièce de
Tchekhov ; «
les trois soeurs ».
Elle mêle avec justesse la destinée de ces
trois soeurs si attachantes avec son propre récit de jeunesse , essayant de comprendre l'emprise subie par son compagnon violent de l'époque, en intégrant des recherches journalistiques précises .
Premier roman bouleversant et indispensable .