Quand je chante, disais-tu, j'oublie tout, j'y trouve une manière de sérénité.
Il y a deux semaines, j’ai enterré une extraterrestre. Je ne sais pas d’où elle venait. Ni où elle est repartie.
Depuis quelques jours, tout se fendille. Ma tranquille assurance que tu vas revenir ou que simplement tu me regardes écrire en ce moment. La certitude d'être désormais protégé par toi, en toutes choses. Et si possible guidé, parce que j'en ai un sacré besoin pour ne pas être tenté de te rejoindre. Ne me restent que ces vers de Victor Hugo :
"Elle s'en est allée avant que d'être une femme
N'étant qu'un ange encore, le ciel a pris son âme.
Elle vivait sur un petit nuage, à deux-trois pieds du sol, et paraissait étonnée d'être là, si différente, sans ostentation. On avait peur de la déranger, on ne savait jamais quelle porte pousser pour pénétrer ses rêves. On m'a dit: Tu n'es que cendre et poussière. On a oublié de me dire qu'il s'agissait de poussières d'étoiles.
Qui n'a pas été confronté à cette maladie ne peut savoir comment une anorexique peut cannibaliser ses proches ; comment quelqu'un qui déteste tant s'alimenter peut manger une famille entière.
Écrire pour ne pas mourir, pour survivre, pour se libérer d'un poids oppressant, se délecter de leurs réactions, pincées ou gourmandes.
Écrire pour dire qu'on aime. Parce qu'on ne rédige plus de lettres d'amour aujourd'hui. Plus assez. On téléphone, on faxe, on minitèle, on bi-bope sur un trottoir, on portable sur un court de tennis, on jette des SOS en morse, en onomatopées.
Mais une lettre, c'est aussi un cadeau. On l'offre à quelqu'un, on peut faire plaisir, on peut aussi faire mal.
Je garderai toujours la lettre d'Anouck qui me dit avoir essayé d'en finir comme toi, sur un quai de métro, dans une station du nord de Paris, un vendredi après-midi, comme toi encore. Au prix de mille souffrances, qu'elle ne me décrit pas mais que je devine... Elle ne se plaint pas, elle s'accepte et se transfigure, comme tant de ces jeunes saintes qui veulent toujours et encore plus de perfection, quoi qu'il leur en coûte...
Ce qui frappe dans sa lettre, c'est cette obsession de pureté, cette haine du mensonge et du monde qui le tolère. C'est en général à ça qu'on reconnait les adolescents attardés, les romantiques impénitents : le refus du compromis, celui de l'arrangement qui vous permettrait de fermer les yeux alors qu'on n'est qu'en sursis.
On prenait le bien quand il se présentait, et le mal en attendant qu'il reparte. Pour le coup, ce jour-là, c'était un joli rayon de soleil.
Mais c'est quand même de ma faute, mon amour, je n'avais qu'à pas faire ce métier de funambule. Tout le monde n'a qu'une envie, c'est de voir l'équilibriste tomber.