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sur 125 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Flaubert à l'automne de sa vie, pris entre Bouvard et Pécuchet (crampe de l'écrivain déboussolé), ses ennuis financiers (sa nièce qui en est à l'origine lui suggère de changer d'air) et un rebond littéraire grâce à l'ébauche de son premier "conte médiéval".
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Il s'agit de l'automne de l'année 1875. Comme il en a déjà connu, Flaubert traverse une période de déprime. Son moral est au plus bas et son physique ne va guère mieux. Il avait bien essayé d'arranger cela en se rendant dans une station d'altitude en Suisse mais il est surtout mort d'ennui et les résultats sont loins d'être à la hauteur de ses espérances. Il se sent déjà vieux et usé lorsque le mari de sa nièces bienaimée Caroline Commanville se trouve ruiné. Pour éviter le déshonneur de la faillite, il vend une ferme qu'il possède à Deauville, quitte son appartement parisien et craint même de perdre Croisset, la maison où il a écrit tous ses romans. Il pense abandonner la rédaction de Bouvard et Pécuchet au milieu du chapitre III.

Pour se changer les idées et se reposer, il décide de passer quelques semaines à Concarneau avec son ami Pouchet, un scientifique passionné qui dissèque les mollusques encore vivants pour… faire progresser les connaissances dans ce domaine. C'est à ce moment là que se situent les faits réels rapportés dans ce récit, principalement puisés dans les correspondances de Flaubert, et à peine romancés.

Gustave Flaubert est descendu à l'hôtel Sergent et écrit le 2 octobre 1875 à son ami Laporte : « Ils sont ici une société de sardineurs qui passent régulièrement au moins six heures par jour au café. La bêtise humaine est un gouffre sans fond, et l'océan que j'aperçois de ma fenêtre me paraît bien petit à côté. »

Le 3 octobre il écrit à Georges Sand : « Je me couche à dix heures, je me lève à neuf. Je me gorge de homards et je me promène au bord de la mer, en ruminant mes souvenirs et mes chagrins, en déplorant ma vie gâchée, puis le lendemain, ça recommence ! Mon compagnon G. Pouchet dissèque devant moi des mollusques, et me donne des explications auxquelles je tâche de m'intéresser. »

Il devait se reposer sans « papier ni plumes » par précaution, mais il trouve tout de même de quoi écrire pour commencer La Légende de saint Julien l'Hospitalier, qu'il appelle une « petite bêtise moyenâgeuse ». L'idée lui est sans doute venue en observant les mollusques souffrir entre les mains de George Pouchet lors de ses expériences car la susdite légende est celle d'un jeune châtelain qui, au début du récit, trouve un plaisir sadique à faire souffrir les animaux lorsqu'il va à la chasse.

Il ne terminera cette « petite bêtise » que l'année suivante.
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Suivre le pas chancelant d'un géant, voilà ce que propose Alexandre Postel dans « Un automne de Flaubert ». 1875, Gustave a 53 ans, dépressif, se considérant comme fini pour la littérature, il s'installe 2 mois à Concarneau dans l'espoir de « terrasser le dragon de la mélancolie »

Les premiers temps sont difficiles. Miné par des soucis d'argent, Flaubert est affligé. Il pense à la littérature, « comme on se souvient d'un chien perdu ».

Les bains de mer, les promenades avec Pouchet et Pennetier, l'observation de la pêche, la dégustation du homard et la compagnie de la jeune Charlotte, femme de chambre dans l'auberge où il a élu domicile, pavent le chemin sinueux de son retour à la vie

Mais Flaubert est-il encore capable d'écrire une phrase ? Peut-il encore « figer les idées dans l'éternité du style » ?

D'une phrase soyeuse qui rend un très bel hommage au génial styliste, Postel saisit avec délicatesse le déclic : le géant De Croisset retrouve sa table d'écriture, « la légende de St Julien l'hospitalier » est en germe ; le travail de sculpture de la phrase peut (re)commencer

Mêlant sa connaissance des manuscrits du maître à un sens de la narration qui fait mouche, l'auteur livre le récit d'une résurrection littéraire autant que le roman d'une guérison - mais c'est sans doute la même chose chez Flaubert !

Avec ce livre ambitieux et maîtrisé, Postel s'impose définitivement comme un écrivain qui compte. A découvrir d'urgence dans des registres très variés ses 3 précédents romans : « Un homme effacé », « L'ascendant », « Les deux pigeons » !

Au passage, à (re)découvrir les « Trois contes » de Flaubert pour suivre les destins de ces 3 « illuminés » : Félicité, Julien, Herodias... génialissime !
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Gustave Flaubert, écrivain prolifique et incontournable du 19ème siècle éprouve un passage à vide à l'automne 1875 à l'âge de 53 ans. Il décide de prendre l'air marin à Concarneau où il est sûr de retrouver une compagnie agréable en la personne du docteur Pouchet directeur du muséum naturel local, qui y effectue des recherches sur de nombreuses espèces de la faune marine. Alexandre Postel imagine un emploi du temps et les états d'âmes qui auraient pu animer Flaubert durant cette période de presque vacance littéraire. L'environnement, la pension de famille, l'activité sardinière, les travaux du docteur Pouchet sont décrits de façon précise et réaliste. Pendant cette période, Flaubert rechigne à parler littérature avec ses amis, mais le naturel revient au galop et l'auteur nous expose les affres de la création littéraire, avec une phrase de « la légende de saint julien l'hospitalier » qui est travaillée et torturée dans tous les sens pour parvenir au résultat souhaité. Ce court roman n'évoque que deux mois de la vie de Flaubert, mais il nous offre un point de vue intéressant sur l'humanité ordinaire d'un homme célèbre et sur la difficulté et le travail nécessaires à la création littéraire.
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Le titre de ce roman est une invitation à un voyage aux teintes mélancoliques dans l'intimité d'un écrivain. Dès le début, Alexandre Postel explique son cadre de jeu fictionnel, partir des mots de Flaubert pour tisser un imaginaire entre l'émotion et la création. Comme dans L'Ascendant, un de ses précédents romans, les premières pages esquissent rapidement le personnage principal, ses doutes, ce qui anime un malaise intérieur aux contours indéfinissables dont les vibrations sont tellement fortes qu'elles expliquent le voyage vers Concarneau. Alexandre Postel parvient à aller au coeur du doute. En 1875, Flaubert, d'après des éléments avérés, ne va pas bien. Il cherche la voie de la guérison. Tout un équilibre confortable est renversé et ce voyage sans but visé ni avoué est un combat. Ne pouvant pas dire que je connais Flaubert (autant l'homme que l'oeuvre), j'ai été touché par tout l'environnement quotidien, humain, sensible et intellectuel du célèbre romancier tel que l'imagine Alexandre Postel. Face au déraillement d'un cadre qui permettait l'écriture et la présence de l'art, Flaubert est vraiment bouleversé. Il perd pied et doit retrouver le but de sa vie, écrire. Quand l'auteur met en scène Flaubert face à l'écriture, le livre prend une dimension très intime portée par la puissance lyrique de la création. Par petites touches, le lecteur voit l'artiste à sa table de travail. le soin apporté à la construction d'une histoire, au rythme d'une phrase. Tout est présent dans ce livre sans que Postel tombe dans les pièges de l'analyse littéraire ou le nombrilisme intellectuel. Il évite les pièges pour composer un roman, éloge de la fiction et de l'imaginaire, mais un imaginaire sincère. Il ouvre tout cela en installant l'homme dans un cercle réduit d'intimes, d'un être en observation des comportements et qui revient à son écriture, à sa littérature. Cet homme – Flaubert – qui m'a semblé si présent au fur et à mesure de la lecture est confronté à des extrait de ce conte médiéval, exercice devenu épreuve de vérité. Parvient-il encore à faire une phrase ? Cette interrogation si simplement posée quand elle rentre dans la tête d'un écrivain devient un enjeu dramatique fort. Alexandre Postel nous y mène avec plaisir.
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Un livre intéressant pour qui s'intéresse à la vie de Flaubert et à ce qu'est le processus de création littéraire. Pour moi, malheureusement, deux éléments ont été rédhibitoires dans cette lecture : la référence incessante aux progrès de la science qui ne m'intéressent pas et l'histoire sur laquelle Flaubert travaille (celle de Saint-Julien l'Hospitalier) qui est extrêmement scabreuse.
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Un Flaubert qu'on connaît (forcément quand on a lu son journal), mais merveilleusement saisi à l'automne, aux sens propre et figuré, du calendrier et de sa vie, et qu'on retrouve avec un plaisir infini. Aucune page ne manque. Aucune n'est en trop. Une réussite
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Pourquoi ai-je été attirée par ce roman "Un automne de Flaubert"? Pour Flaubert, en premier lieu, dont je gardais un souvenir agréable de l'étude de ses romans et dont j'avais relu à plusieurs reprises "Emma Bovary"; pour Concarneau, ensuite, que je connais bien en tant que bretonne d'adoption tout comme Pont-Aven et où j'aime me balader, respirer l'atmosphère, flâner.
Ce roman, à la limite d'une biographie, circonscrite à septembre et octobre 1875, nous fait découvrir un Flaubert de 53 ans, loin de l'écrivain flamboyant et prolixe; c'est un homme gros, mou, rougeaud, qui a des problèmes financiers et dépend de sa nièce, dépressif, qui n'a plus d'inspiration et ne peut plus écrire.
Au bout de deux mois passés à paresser, à s'empiffrer, à passer du temps avec ses deux amis scientifiques, à nager, à dormir, il retrouve le feu sacré; c'est cette renaissance, la relance du processus créatif que décrit Alexandre Postel. Il n'y a pas d'action à proprement parler dans ce roman mais le goût de la vie retrouvé.
Un des thèmes récurrents du roman est l'opposition ou la complémentarité entre la science et l'art. Flaubert était fils de médecin et ses deux amis sont des scientifiques; il se considérait lui-même comme un scientifique raté. Il assiste, à Concarneau, presque journellement , aux dissections de poissons vivants. C'est d'ailleurs probablement ces séances qui lui ont donné la trame de "La légende de Saint Julien L'hospitalier", qui fut un enfant cruel à l'égard des animaux. Je me serais volontiers passée des descriptions à répétition des dissections de toutes sortes de poissons; une ou deux aurait largement suffi à faire comprendre le propos de l'auteur.
La plume, au service d'un aspect méconnu de Flaubert et de la description de son processus créatif, est belle, facile à lire, très Flaubertienne. le vocabulaire est riche et imagé.
Un agréable moment de lecture.

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Il y a de ces romans qui proposent de vrais instants de grâce, qui offrent au lecteur l'expérience d'un temps suspendu. Un automne avec Flaubert est l'un de ces livres, malgré son apparente simplicité, ici, l'évocation mélancolique d'un monstre sacré de la littérature.

1875, Flaubert pense être un homme fini. Sa pièce de théâtre est un échec, il est en proie à la sourde inquiétude de la faillite de son neveu par alliance, époux de sa chère nièce Caroline, une espèce rare de froideur et d'indifférence, ou une stoïcienne accomplie. La sauver de la ruine implique de vendre la ferme qui lui rapporte des rentes annuelles qui lui permettent de vivre confortablement. Pire, sa nièce pourrait vendre le domaine de Croisset, refuge chéri de l'écrivain normand.

Aux inquiétudes financières s'ajoute aussi le poids du temps qui passe. La vieillesse apporte son lot de soucis de santé, et de morts. Ses amis les plus proches sont décédés, Bouilhet, Gautier, Feydeau, leur absence rend sa vie bien ennuyeuse. Il ne supporte plus la médiocrité ambiante de la société, si celle-ci a fait son succès, elle a fini par l'asphyxier de trop de présence. Et elle semble même gagner les plus grands, à l'image de ce repas décevant chez Victor Hugo, où le sage fait preuve d'une bêtise littéraire impardonnable. La solitude pèse sur Flaubert et invite à la mélancolie. Et le voilà même doutant de sa capacité à modeler des phrases percutantes, précises comme le mécanisme délicat d'une horloge. Il en a délaissé son oeuvre, Bouvard et Pécuchet, dans laquelle il moque la vanité et la médiocrité de ses contemporains ignares.

Aiguillé par la tendresse de George Sand qui lui suggère de se changer les idées, Gustave part pour Concarneau, il a le projet de profiter de la présence de Georges Pouchet, naturaliste et anatomiste, dont le père avait travaillé avec celui de Flaubert. Là-bas, en pension dans une auberge qui lui prépare chaque jour des repas pantagruéliques qui pansent ses vagues à l'âme, il promène sa lourde carcasse abîmée sur les plages bretonnes et goûte au plaisir simple du bain de mer. L'après-midi est consacrée à son ami, Pouchet, directeur du laboratoire maritime de Concarneau, qui l'invite à assister à ses nombreuses dissections de poissons et autres mollusques.

Entre les souvenirs d'une enfance heureuse, bien que Flaubert admette être l'enfant qui a déçu les ambitions de son père, et les discussions nourries de sciences et de lettres, Flaubert retrouve l'inspiration. Les multiples dissections de Georges font naître l'image d'un enfant cruel, qui se perd dans la contemplation de la mort, qui connaît le plaisir de la donner. le soir, penché sur sa table, dans sa chambre où flotte l'odeur des sardines qui vient du port, les premiers mots de « La légende de Saint Julien l'Hospitalier » surgissent. Petit miracle de la création, qui nous donne à voir la difficile mais fascinante conception d'une phrase, taillée comme un diamant, trouver le mot juste, l'adjectif efficace, le verbe haut, la formule percutante, la sonorité omniprésente et essentielle. Processus créatif minutieux et délicat, émouvant dans un certain sens.

D'une écriture ciselée, émaillée de citations reprises des correspondances de l'écrivain, Alexandre Postel a su incarner, dans son court roman, un Gustave Flaubert étonnamment vivant. Il nous donne à voir un écrivain épuisé, harassé par des soucis financiers et un monde dont la médiocrité l'assaille. La mélancolie y est latente, et l'on ressent la lancinante lassitude de Flaubert qui semble traîner sa carcasse comme un poids incommensurable sur les plages bretonnes. Puis, l'inspiration revient, le goût d'écrire se fait plus présent, presque insistant, et chasse les brumes de la mélancolie. Et le lecteur assiste au spectacle unique de la création littéraire et à la renaissance d'un colosse.
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La suavité du titre m'a interpellé... Ce roman, délicat et élégant, relève autant du récit que de la fiction. L'auteur saisit à la perfection les envies de l'homme vieillissant qui guérit par l'écriture. Un bel hommage au mystère de la création.
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