Citations sur Les Annales du Disque-Monde, Tome 6 : Trois Soeurcières (73)
« Il y avait quelque chose, là, dehors, quelque chose qui absorbait la magie, quelque chose que glissait, qui avait l’air si vivant que ça cernait la maison. » (p. 74)
La magie brute crépite, invisible, de sommet en sommet et s'enfouit dans les montagnes. C'est le Bélier qui fournit au monde la plupart de ses sorcières et de ses mages. Dans ces montagnes les feuilles des arbres s'agitent même en l'absence de vent. Les rochers font leur petite promenade du soir. Parfois, même le pays a l'air de vivre...
La voix était chaude, merveilleuse ; chaque diphtongue tombait magnifiquement en place, sans heurts. Une voix d’or brun. Si le créateur du multivers avait une voix, c’était une voix comme celle-là. Le seul inconvénient, peut-être, c’est qu’on ne pouvait pas se servir d’une voix pareille pour, par exemple, commander du charbon. Le charbon se transmuterait en diamant.
Il se montrait poli. Le duc appartenait à ce type d’hommes qui se font de plus en plus amènes à mesure que monte leur colère, jusqu’au point où les mots « merci beaucoup » prennent le tranchant d’un couperet de guillotine.
Mais par une si belle journée, c’était bien agréable de laisser les mules aller à leur train au gré de la route qui sinuait entre des bouquets de pins et de sapins, avant-postes de la forêt. Laquelle route, se disait Hwel, devait bien conduire quelque part.
Une affabulation géographique qui a coûté la vie à plus d’un voyageur. Les routes ne sont pas tenues de conduire quelque part, seulement de démarrer quelque part.
Mémé s’enferma dans un silence inhabituel, mal à l’aise, et s’efforça d’écouter le prologue. Le théâtre l’inquiétait. Il avait sa propre magie, une magie qu’elle ne possédait pas, qu’elle ne maîtrisait pas. Une magie qui changeait le monde et montrait les choses autrement qu’elles n’étaient. Pire encore, c’était une magie qui n’appartenait pas aux spécialistes. Elle obéissait à des gens ordinaires ignorants des règles. Qui modifiaient le monde parce qu’ils le trouvaient mieux comme ça.
Celui qui avait écrit ce théâtre en connaissait un bout sur la magie. Même moi, je crois à ce que je vois et je sais que ça n’est pas vrai.
C’est l’Art qui tend un Miroir à la Vie. Voilà pourquoi tout est à l’envers.
- Je vous le redirai pas ! Soit j'entends tomber les pièces, soit vous entendez tombez une tête !
Ce qu'ils entendirent, ce fut un sifflement très haut dans les airs et le fracas d'un pot à lait aux parois couvertes de givre spatial qui tomba du ciel sur la pointe du casque du chef.
- [...] C'est de vot'faute à vous, les sorcières. Faut qu'ça cesse. J'connais mes droits.
- Qui sont ? demanda Mémé.
- Vêture, mucune en ordinaire, gouaille, rogatons, spergule, fétuque et cuscute, répondit vivement le paysan. Glandage une année sur deux et le droit d'élever deux tiers de chèvres sur les communaux. Avant qu'il y flanque le feu. Une sacrée bonne chèvre, en plus d'ça.
- On peut aller loin quand on connaît ses droits comme vous, dit Mémé.
Lord Kasqueth était de ces malveillants de la pire espèce qui se réjouissent du malheur d'autrui. Il s'y entendait pour ça.
- On est bien ici ? fit-il.
Nounou Ogg réfléchit.
- Mis à part ce pilori, vous voulez dire ? répondit-elle.
- Je suis insensible à tes vieille flatteries, dit le duc. Je fais fi de tes artifices sournois. Tu vas subir la question, je voulais que tu le saches.
Il n'obtint pas l'effet escompté. Nounou faisait le tour de la basse-fosse d'un oeil vaguement curieux.
- Et ensuite tu seras brûlée, dit la duchesse.
- D'accord, fit Nounou.
- "D'accord ?"
- Ben c'est qu'y fait sacrément froid là-dedans.