LA LÉGENDE EST EN MARCHE
Qui ne connait, au moins de nom, José Doroteo Arango Arámbula, alias Francisco Villa, plus communément populaire en France sous son diminutif de
Pancho Villa ? Des récits, biographies, romans, films, documentaires innombrables ont été rédigés, créés, tournés sur et autour de ce personnage haut en couleur de la longue, baroque et douloureuse "Révolution Mexicaine".
Orphelin à l'âge de 12 ans, il fait vivre sa famille en devenant "bandido", n'hésitant pas à tuer s'il le faut, mais en se faisant une réputation d'homme à abattre parmi les grands propriétaires terriens en volant leur bétail ou leurs récoltes. Partageant une partie de ses rapines avec les paysans pauvres et des villageois exploités, il se fait rapidement une réputation de Robin des bois, mais n'en demeure pas moins, avant tout, un hors-la-loi dans cette première partie de sa vie. Cependant, la légende est en marche. Mais c'est la Révolution Mexicaine - lancée par Francisco I. Madero, enfermé par le dictateur Porfiro Diaz à l'occasion de pseudo élections et qui s'était réfugié aux USA- qui va offrir une sorte de virginité à
Pancho Villa, tout autant qu'un véritable destin national. Devenu très vite chef de guerre, à la suite de coups d'éclats aussi improbables que réussis, il va même pour un temps diriger la province de Chihuahua.
Lorsque
John Reed, encore jeune journaliste et futur auteur du célèbre
Dix jours qui ébranlèrent le monde - le récit de "sa" Révolution russe d'Octobre 1917 vécue de l'intérieur, puisqu'il se retrouva même les armes à la main, du côté des révolutionnaires- rencontre Villa en 1913, nous en sommes à peu près là. Et c'est le portrait d'un personnage haut en couleur qu'il nous dresse, un ancien "peon" ayant su s'élever, rusé mais sans véritable malice, violent mais sans méchanceté gratuite, affable mais jusqu'à un certain point, plaçant le sens de l'amitié plus haut que tout le reste - parfois en dépit de la justice et du bon sens -, ne manquant pas d'idéaux sans avoir pour autant d'idéologie, rompu à l'art de diriger les hommes, mais pas forcément de les gouverner, presque inculte (il mettra à profit six mois d'emprisonnement sous Huerta, futur assassin du président Madero auquel Villa était resté fidèle) mais ne manquant ni d'intelligence pratique, ni de culot, ni de bon sens.
Sans céder à une sorte de romantisme facile et factice, ne passant pas sous silence les excès ou les exactions de certains de ses fidèles voire les siennes propres, ou même les manières très personnelles de mener la révolution,
John Reed nous délivre une réplique pour le moins fidèle d'un personnage complexe derrière des goûts et des rêves simples, attachant malgré ses outrances et ses crimes, et participa, de ce fait, à l'élévation de ce militaire de fortune comme personnage historique mondialement connu et, plus tard, très largement romantisé, sa fin tragique en 1923 - un pur assassinat politique - y contribuant.
Ces quelques pages -tirées en réalité d'un ouvrage plus important de
John Reed titré
le Mexique insurgé - sont donc un témoignage de première main pour qui veut lever le voile sur cet homme surnommé
Pancho Villa, et pour cela méritent largement une lecture attentive et curieuse.