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sur 155 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Sur une lointaine planète couverte d'eau, on a entendu des chants. Pas des chants de sirène, ni de baleine. Mais quelque chose d'approchant, de troublant. Suffisamment, en sus des ressemblances avec la Terre à une époque plus ancienne, pour motiver une expédition à travers les étoiles. Brume, William, Jon et Dana sont du voyage.

On commence avec Brume, qui revient d'un long séjour scientifique lors duquel elle a travaillé avec une dauphine. Elle s'est en quelque sorte liée avec elle pour découvrir les mondes marins, laissant des traces dans son esprit : une envie de comprendre l'autre, avec respect, mais avec une curiosité forte, très forte. Un besoin même. Les premières pages la montrent hésitant à choisir la voie humaine ou la voie marine. Cette ambivalence va la mener lors de ce roman à faire des choix radicaux, mais sensés. En attendant, elle se prépare en repassant voir son père. Pour la dernière fois, car le voyage vers Nüying va durer trente-six ans et demi. Mais les difficultés de communication entre générations sont trop importantes pour permettre un adieu serein.
Puis on découvre William, sur qui tombe Brume lors de sa préparation au voyage dans la base lunaire de Taihe-Concordia (Émilie Querbalec a imaginé un futur – nous commençons en 2563 – où les Chinois ont largement phagocyté la conquête spatiale ; et on en est à plusieurs générations d'humains nés sur la Lune, les Sélénites, qui se sentent de plus en plus différents des Terriens). Ce Canadien jovial est spécialisé en cybernétique et a été engagé pour participer au projet RNA : un programme de réincarnation. Un être humain pourrait ainsi vivre éternellement, en transférant son esprit de clone en clone, au fur et à mesure de leur dégradation.
C'est Jonathan Wei, propriétaire de la compagnie finançant le voyage, qui va profiter le premier de cette technique. Ce milliardaire a tout de l'Elon Musk ou du Steve Jobs, par son côté charismatique et visionnaire. du moins, pour certains, car tous ne partagent pas son enthousiasme. Son personnage m'a rappelé, du moins au début, le Peter Isherwell du film Don't Look Up (Adam McKay – 2021) ou le Dev Ayesa de la troisième saison de la série For All Mankind (Ronald D. Moore – 2019), des entrepreneurs riches et qui possèdent leur idée de l'avenir et de la société. Et sont prêts à l'imposer aux autres. Ici , Jonathan Wei s'éloigne un peu de ces modèles par son côté spirituel, voire religieux : il est accompagné d'un gourou prônant le bouddhisme. Ce qui aura un rôle capital dans la suite de l'histoire.
Enfin, on trouve Dana : cette cogniticienne travaille elle aussi pour Jonathan et gère, entre autres, le protocole RNA. Elle est très professionnelle et rigoureuse dans son travail, mais son patron semble avoir des projets cachés, qui perturbent la bonne tenue du programme. Et elle aussi connaît des difficultés relationnelles dans sa famille : sa fille et elle ne se comprennent pas, leurs visions du monde s'opposant très souvent. Trop souvent.

Vous l'aurez compris, Les Chants de Nüying n'est pas un roman « bêtement » linéaire. Il est composé de trois grandes parties. La préparation du voyage et la rencontre de certains membres de l'expédition. le voyage en lui-même… enfin, certains de ses moments. Puis l'arrivée sur Nüying, la survie et les découvertes. Comme dans Quitter les monts d'automne, on se retrouve dans un roman multiple, qui peut surprendre, mais enchante forcément. Émilie Querbalec ne choisit pas la facilité en racontant tout, en expliquant tout. Elle fait des ellipses, des sous-entendus, fait confiance à son lecteur pour comprendre de lui-même, sans prémachage inutile. La trame globale, tout comme les liens entre les personnages, se construisent progressivement, parfois de manière indirecte. Tout en délicatesse.

Ce qui m'a impressionné, c'est donc la multiplicité des thèmes bordés. Aïe, se diront certains, ça va encore survoler et brasser du vent. Pas du tout. C'est qui est enthousiasmant dans l'écriture d'Émilie Querbalec : elle aborde plusieurs thèmes profonds et sait les illustrer avec richesse. Les Chants de Nüying parlent, entre autres, de découverte de mondes étrangers et étranges (j'ai failli écrire « colonisation », mais cette expédition est tout sauf une « colonisation », en tout cas de la part des protagonistes principaux) : c'est le point de départ, avec ces chants étranges. On a l'attrait et le mystère de l'inconnu, associé à la complexité du premier contact. L'arrivée en force avec les grands sabots, c'est terminée, en principe. On pense avec respect, essayant de ne pas renouveler les erreurs passées : ne pas polluer la planète avec nos propres miasmes. Et ce passage de l'histoire est particulièrement réussi : envoûtant.
Mais on parle aussi de vie éternelle : thème central dans la SF et qui apparaît dans la vie réelle, avec les transhumanistes et les rêves de certains milliardaires. L'être humain peut-il vivre plus longtemps qu'une centaine d'années ? Est-ce utile ? Est-ce souhaitable ? Si oui, dans quel but ? Et dans quel état l'individu se retrouvera-t-il ? Quels changements interviendront dans son esprit et donc sa façon de penser le monde, les autres et soi-même ? Enfin, quelle place l'informatique et, par voie de conséquence, les I.A. aura-t-elle dans ce processus ? L'éventail de questions posées est large et certaines auront des réponses. Ou, du moins, des pistes.
Enfin, ce roman aborde les difficultés de communication dans les familles. Comme je le signalais lors de la présentation des personnages, plusieurs d'entre eux ont du mal à comprendre leurs proches. le lien entre les générations n'est pas aisé : entre opposition de base et les prises de position très éloignées, le dialogue n'est pas facile. Et le silence est souvent très puissant, impossible à briser. Les barrières se dressent avec les années et retrouver voix est quasi impossible. L'autrice nous le fait ressentir dans notre chair, avec force. C'en est presque douloureux parfois. Comme avec l'épisode, qui revient, de la flûte, transmise par le père, musicien, mais refusée indirectement par la fille : Brume ne voulant pas se montrer dure la prend mais l'oublie (sans doute volontairement) dans un taxi. Terrible acte, compréhensible, mais tellement violent.
Ces trois axes sont traités avec force. L'autrice se laisse le temps, sans ralentir la narration (un tour de force), d'évoquer ces thèmes par différents prismes, selon des points de vue différents. Ainsi le lecteur n'est pas tributaire, prisonnier d'une façon de voir les choses : il a la possibilité de choisir au gré des arguments. Et c'est tant mieux, car les sujets sont importants et tellement personnels parfois qu'ils en touchent à l'intime. La relation avec une potentielle immortalité ; les liens familiaux distendus ou difficiles, la difficulté à exprimer l'attachement, l'amour pour ses proches ; les rapports à l'autre, quel que soit son niveau de différence, et donc d'étrangeté. Je ne vais pas aller plus, en ayant déjà dit assez : il faut laisser sa place à la découverte.

J'aurais encore beaucoup à écrire sur ce roman qui, comme Quitter les monts d'automne, m'a enchanté. le style d'Émilie Querbalec, sa sensibilité et son respect de l'autre, son empathie pour ses personnages, la force des thèmes choisis, la profondeur des réflexions font des Chants de Nüying un roman incontournable en cette rentrée littéraire et pour de nombreuses années.
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Roman de science-fiction en apparence simple — un voyage spatial vers une autre planète à explorer — et qui commence par un prologue empreint de poésie et de mystère, Les Chants de Nüying se révèle riche en thématiques, tout en proposant une atmosphère réaliste, crédible, et sensible.

Brume, scientifique d'origine vietnamienne, spécialiste des mondes aquatiques et des interfaces homme-machine, se rend à Paris voir une dernière fois son père avant de s'embarquer vers Taihe-Concordia, pour ensuite rejoindre le vaisseau qui mettra vingt-sept ans à atteindre la planète Nüying, où des chants mystérieux ont été captés par une sonde. Brume a passé des années à étudier le chant des baleines, rêve d'écouter ceux de Nüying, et surtout de découvrir quels êtres les émettent dans les océans glacés de cette planète inhospitalière.

Insidieusement, le lecteur est plongé dans un monde légèrement uchronique. Légèrement, car on croyait être au début du XXIe siècle qu'on connaît, et l'auteure sait capter des moments de vie si crédibles, avec les gestes quotidiens familiers et les non-dits entre les êtres, mais en même temps… Nous sommes au XXIVe siècle, et le monde est dominé par la Chine. L'histoire se révèle un peu différente de celle que nous connaissons, mais suffisamment pour des moments étranges : l'importance de la culture asiatique, la prépondérance de la langue chinoise, et cependant tout semble si réel !

Le roman suit l'arrivée de Brume dans la station, sa rencontre avec d'autres personnages et notamment Jonathan, milliardaire chinois qui finance la mission et qui est un membre éminent de l'Éveil, courant religieux né du bouddhisme en exil. La longue préparation au voyage — qui, miracle de l'écriture, est vivante et passionnante — est l'occasion de mieux découvrir cet univers, les personnages avec leurs espérances, et quelques thématiques fortes.

Ce roman de science-fiction ne va jamais là où on l'attend. le voyage de plusieurs années est perturbé par les fidèles de l'Éveil, et l'auteure explore le sectarisme religieux avec cette croyance eschatologique qui séduit les Sélénites. Pour une fois, nous avons autre chose qu'un dévoiement d'un des monothéismes que nous connaissons si bien. Au contraire, elle imagine une version radicale du bouddhisme tibétain, qui s'est propagé dans la population de la station et qui perturbera le cours de l'histoire.

Très rapidement arrive un autre thème classique de la science-fiction, celui des esprits téléchargés dans des matrices informatiques. Jonathan, le milliardaire, a enregistré ses souvenirs destinés à être transférés dans des clones quand le vaisseau approchera de Nüying. Mais ce nouveau Jonathan sera-t-il toujours Jonathan ? Peut-on sauvegarder ce qui fait l'essence même de notre esprit, supérieur à la somme de nos souvenirs ? L'auteure pousse plus loin la réflexion, et, sans dévoiler des éléments essentiels de l'intrigue, elle interroge ce désir d'immortalité — ou du moins, de vie très longue — acquis grâce à une technologie inévitablement faillible, même si, sur ce sujet comme sur d'autres, elle propose une fin sujette à interprétation.

Le changement de point de vue — d'autres personnages deviennent narrateurs — éclaire de différentes visions un voyage interstellaire vers un but que chacun s'est assigné : tous n'ont pas les mêmes espoirs, et cette communauté s'avère bien fragile. Mais chaque fois, on y croit, tant l'auteure sait capter une atmosphère et décrire des personnages si humains, aussi bien dans leurs actions que dans leurs objectifs.

Parlons-en, des personnages : Brume, William, Jonathan, Dana et les autres… on croirait les avoir déjà rencontrés, tant ils sont sensibles, non exempts de défauts, et somme toute très réalistes. Ils sont vivants. le récit prend le temps de les faire découvrir dans un quotidien à la fois familier et science-fictif, assumant l'optique de raconter avant tout le destin d'êtres humains qui entreprennent un voyage qui s'avérera différent des plans initiaux. Ou peut-être pas.

À titre personnel, j'ajoute qu'ayant eu un mois de septembre très chargé professionnellement — j'ai fini écrasée sous une montagne de tableaux Excel — j'étais ravie de retrouver le soir ce livre qui m'offrait un moment d'évasion, de rêve et de réflexion, et j'ai aimé accompagner les protagonistes jusqu'à leur destination.

Un roman solide, convaincant, bien écrit et riche en thématiques, qui confirme la maturité de l'auteure et sa place sur la scène de la science-fiction française.

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Tu aimes sortir ?
Tu aimes faire la fête ?
Alors n'achète pas ce bouquin,
Car dès les premières pages lues,
Impossible de le lâcher

Avec Emilie Querbalec,
Ta vie sociale s'évanouit,
Ton imaginaire s'épanouit

D'Emilie Querbalec, j'ai lu son premier livre, puis son second. A l'annonce de la sortie de son nouveau roman le 31 août, il a de suite rejoint la liseuse. Et j'ai encore plus rapidement commencé à le lire. Et dès les premières pages, avec un préambule écrit de manière poétique, j'ai été happé. Émilie a une plume, c'est certain. Mais jamais elle ne l'étale, on revient vite dans une écriture classique qui nous conte l'aventure de Brume qui va quitter notre cailloux pour un autre cailloux, peut être identique, qui aurait peut-être accueilli la vie. Nous sommes au 26ème siècle, l'homme existe toujours mais les problèmes sont bien présents, trop présents. La découverte de cette planète pourrait remplacer la notre, usager, sale... Mais pas si vite, pas si simple surtout que cette planète recèle un chant, celui du titre. Et c'est parti pour un voyage de 27 ans, destination la planète Nuying, située à vingt-quatre années-lumière du système solaire.

Ce que j'ai aimé, ou disons plutôt adoré soyons honnête, est fait de petites choses qui font pour moi de grands romans : L'histoire individuelle face à la grande Histoire. (Tu as déjà lu du Robert Charles Wilson ?). Ici c'est centré sur l'individu. Pourquoi vouloir quitter sa famille, sa planète dans un voyage peut-être sans retour ? L'autrice nous narre le point de vue de 4 personnages pris dans le tourbillon de la Vie et happé par le chant des sirènes de Nuying. Des personnages "avec des problèmes d'homme, simplement, des problèmes de mélancolie" (bien vu Weirdaholic)
Il y a aussi la manière de l'autrice de combler l'amateur éclairé de SF et le petit nouveau. Pas de grand étalage technique, mais au détour d'une phrase, elle montre son savoir faire et sa connaissance du genre. Un exemple : sur une station en apesanteur, des olives servies comme amuse gueule dans un ballon et qu'il faut attraper à l'aide d'une pince. Tout est dit sans trop ennuyé le lecteur peu féru de sciences. de l'anecdotique qui a du sens. Son interrogation autour de la science m'a emporté, mais chut. Et impossible de ne pas faire de nombreux parallèles avec notre monde.

Un roman en trois actes, la préparation, le voyage et enfin l'arrivée. Classique, comme les thématiques, le premier contact, le transhumanisme, la religion et la science. Mais ici le traitement dans une ambiance asiatique est magnifiquement fait, tout en douceur pour nous interroger sur le sens de notre vie. Si tu aimes les histoires, ce livre est pour toi. En outre, j'ai cru savoir où voulait m'emmener ce voyage, mais Emilie a plus d'un tour dans son sac... Je suis certain de me replonger dans ce roman dans quelques années.
Alors le Chien, pourquoi il faut lire Les Chants de Nüying ? "Parce que le vertige"
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Nous sommes en l'an 2563 dans une société dominée par l'Asie, lors d'un grand voyage vers la planète Nüyin qui est potentiellement un abri pour une forme de vie inconnue, et nous allons suivre la vie de "Brume" de "William" de "Dana" et de "Jonathan", le tout en alternance d'un chapitre à l'autre avec quelques variations de temps mis en place par des flash-back (on ne se perd pas car chaque chapitre précise la date et le lieu).
Le roman se déroule en trois parties sur plusieurs années, tout d'abord la préparation (physique, mentale, logistique et scientifique) sur une base lunaire qui verra le départ d'un énorme bâtiment pour un voyage de 27 ans à travers l'espace puis l'arrivée sur Nüying.
Les personnages sont intéressants, tous vraiment différents et bien travaillés, mais ce n'est pas le plus important dans ce roman, ici ce sont les thèmes abordés qui on l'intérêt principal.
De la décision de tout quitter et ne jamais revoir ses proches, de la science et particulièrement le transhumanisme, le clonage, le transfert de conscience, la religion, les croyances et les dérivent sectaires, les mutineries et la possibilité d'un premier contact avec la vie ailleurs dans l'univers.
La fin elle m'a bluffée, elle laisse libre cours à l'interprétation de chacun. (J'en ai discuté avec d'autres lecteurs et lectrices et on ne l'interprète pas tous de la même manière), mais c'est aussi une bonne chose car chacun y verra ce qu'il souhaite surtout, et c'est bien le principal !
Pour conclure, "Émilie Querbalec" à écrit un livre très différent de son précédent (quitter les monts d'automne), mais où onirisme, asiafuturisme, science et religion en font une très bonne histoire, variée et accessible à tous/tes.
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n refermant ce livre, j'ai deux réactions . La première c'est « Woww!! ». La deuxième c'est « Oui mais d'accord mais il va y avoir une suite, n'est-ce-pas ? » …. N'est-ce-pas ?? Emilie Querbalec, tu ne vas pas nous laisser en plan comme ça !!!!
J'ai pris ma respiration avant de plonger dans ce roman que j'attendais, ayant beaucoup aimé « Quitter les Monts d'Automne » de la même auteure, et il me faut choisir mon moment pour chaque livre. Chaque livre dont j'aime l'auteur, dont j'attends beaucoup. Pour les « autres moments » il y a les « petits thrillers » qui me sont de bonne compagnie en général. Sauf le dernier de K.L. Slater que j'ai jeté à l'autre bout de la pièce, ma vieille habitude quand c'est nul ou mal écrit.

Nous sommes en 2563. La Terre est en mauvais état, l'humanité tente pourtant des « réparations ». En même temps, plusieurs stations spatiales autour de la Terre sont en fonctionnement depuis longtemps, dont Taihe-Concordia, immense station spatiale accrochée à la Lune qui est peuplée de milliers de personnes, des Terriens y travaillent, d'autres y sont nés. Ceux qui sont nés sur Concordia sont appelés les Sélènes. Des terriens de tous pays se retrouvent sur Concordia, de tous pays, mais une majorité d'entre eux sont d'origine chinoise, ou chinoise mixte.

Le personnage que nous rencontrons en premier est Brume, d'origine vietnamienne. Elle vient à Paris dire au revoir à son père, car elle va embarquer pour un très long voyage. Elle est oceanographe spécialisée en bioaccoustique sous-marine. Elle a été recrutée pour rejoindre la planète Nüying, car des sons ont été captés venant de là-bas, des sortes de chants, et tout ce à quoi on peut les comparer sont les chants des cétacés ou de mammifères marins.

De plus, la planète semble contenir de la vie, même si elle ne semble formée que de banquise, de volcans et d'eau. Elle ressemblerait à la Terre d'avant l'homme. Il faut l'explorer, et s'il y a de la vie, pourquoi pas un « Premier Contact »?
Mais il faut 24 années lumière pour y arriver, en partant de Concordia.

Et il faut se préparer à l'expédition : même si Brume et environ deux cents autres scientifiques ou prospecteurs voyageront en cryostase et ne seront réveillés que près de Nüying, il y a tout un apprentissage à faire et à partager en vue de cette planête : comment s'y déplacer, comment vivre, comment utiliser les machines nécessaires à celà, entretenir les équipements, communiquer avec la base, etc.

Et les trois cents autres « navigants » du vaisseau doivent vivre le mieux possible sur cette embarcation, le « Cargo-monde » qui est en pleine construction.

Le roman est scindé en trois parties, soit « Avant le Voyage », « Pendant« et « Après ».

Avant, nous faisons connaissance avec d'autres personnages, comme Will, d'origine québécoise, scientifique cybernéticien, Dana et Meriem, toutes deux scientifiques, et leur fille Anouk, les membres du « Gouvernement », et le Président, Jonathan Wei, sino-américain, milliardaire, propriétaire du programme Space O, charismatique et puissant, (on ne peut penser qu'à Elon Musk) qui cherche, lui, à approfondir la RNA, la Réincarnation Numériquement Assistée.
Il a plus de soixante ans, il a réussi à faire le clonage de ses cellules, mais il faut que sa mémoire et sa personnalité soient « enregistrés » pour lorsque ses futurs clones seront prêts, l'un après l'autre, ils soient bien en entier lui-même à chaque fois. En fait, pour qu'en quelque sorte il atteigne l'immortalité. Cette « folie » est à portée de main, ou de machines, depuis des années.
On fait ainsi connaissance avec non seulement les personnages centraux du livre, mais aussi avec leur entourage, leurs rapports à la famille, à la tradition, à leur culture, à leurs interactions sociales, ce qui nous fait les aimer et comprendre leurs réactions.
J'ai remarqué aussi la distinction faite entre les Sélènes et les « Terriens », les Sélènes faisant l'objet d'une discrimination peu visible mais réelle. La culture terrienne est partout, sur Concordia, ce qui fait que toutes les personnes nées sur Concordia ne se sentent pas tous attirés par une planète dont ils ne peuvent se souvenir, alors que tout, les écrans, les décors, les rues, les quartiers sont le reflet de tout ce qu'il y a sur terre. Les « paysages » partout sont créés pour ressembler à la Terre. Les jardins, les restaurants, les fêtes, les Temples… car ici la philosophie bouddhiste est au premier plan.
C'est devenu une religion qu'on peut qualifier de sectaire, prosélytisme, manifestations anti « gouvernementales », et les Sélènes y trouvent leur compte, contre les dirigeants terriens de l'OSNU. Pendant le voyage, d'ailleurs, on sent bien que le moine bouddhiste Sonam Tsering, qui reste dans l'ombre de Jonathan Wei est plus puissant qu'il n'y semblait. de nombreux Sélènes navigants ont rejoint cette religion, et les clones du dirigeants semblent peu a peu altérés. Il y a même un « suicide collectif » des adeptes de la religion « Terre d'Eveil »….. ce qui me fait penser à la secte Américaine « Heaven's Gate » (voir le livre de Quentin Bruet-Ferreol), et la catastrophe arrive plus vite qu'on ne voudrait. En ayant compris la défiance des moines tibéthains envers les chinois, tout éclate, et le cargo-monde se sépare en deux parties. Et de la fin je ne dirai rien, tant elle est à la fois prometteuse et bien trop elliptique. J'en ressors frustrée, de cette fin.

Si tout ce monde est passionnant dans les deux premières parties, aussi bien dans les détails, les personnages, leurs relations, la vie, la poésie, la délicatesse du style, j'ai fait un aterrissage brutal sur cette fin si courte et même si je comprends le pourquoi, il me manque beaucoup de choses. Cela ne peut se finir ainsi. N'est-ce pas ?


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Il y a deux ans Emilie Querbalec faisait son entrée au catalogue d'Albin Michel Imaginaire avec Quitter les Monts d'Automne, un space opera à l'ambiance japonisante très originale, tout en sensibilité. Même si je n'avais pas totalement adhéré au chemin pris par l'autrice dans la seconde partie du récit, j'étais resté sur une très bonne impression avec l'envie de découvrir ses autres textes. Chose faite avec Les Chants de Nüying son deuxième roman à être publié chez le même éditeur.

Nüying, une planète située à une vingtaine d'années-lumière de la Terre, se révèle être une exoplanète susceptible d'abriter des formes de vies. En effet, elle est constituée majoritairement d'eau à l'état liquide, un volcanisme important s'y développe et une atmosphère dense (non respirable pour l'Homme) protège sa surface. En ce XXVIème siècle, la sonde Mariner est envoyée à la rencontre de Nüying. Avant de perdre le contact avec la Terre, elle a pu retransmettre un fichier sonore des lieux. Celui-ci évoque le chant des baleines et ouvre le champ à toutes les spéculations. Il n'en faut pas moins pour monter une expédition vers ce possible nouvel Eden. Ce voyage au long cours a pu être organisé grâce au financement de Jonathan Wei, un richissime et très influent homme d'affaires. Personnage au charisme ravageur mais controversé pour sa proximité avec la secte de la Terre d'Eveil et pour ses travaux sur l'immortalité grâce à la technologie RNA (transfert numérisé de la conscience vers un clone). Un voyage sans retour...

Emilie Querbalec nous narre les préparatifs de l'expédition, le voyage et l'arrivée dans le système de Nüying après vingt-sept longues années de stase pour certains et de vie cloitrée au sein du vaisseau pour d'autres. Elle nous présente un univers riche, crédible, cohérent scientifiquement où les avancées technologiques sont légion. Elle prend son temps pour nous présenter ses nombreux personnages, nous laissant découvrir petit à petit son univers et ses technologies afférentes. Elle en profite pour aborder de nombreux thèmes : de l'écologie à la spiritualité, de la numérisation des consciences à la vie extraterrestre en gardant l'humanité au coeur du récit. La narration participe également à cette intense immersion, passant successivement d'un personnage à l'autre pour multiplier les points de vue et confronter les idées. On rit, on souffre, on pleure et on espère avec Brume, Dana, Will et les autres.

Les Chants de Nüying est d'une merveilleuse sensibilité, grâce à la plume délicate de l'autrice et à l'atmosphère enivrante qui se dégage de son phrasé. Mais c'est aussi une épopée scientifique et poétique, une exploration au-delà des limites de l'âme humaine, un émouvant hymne à la survie et à la beauté des mondes.


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J'opte cette fois-ci pour une chronique à chaud alors que je referme tout juste ce magnifique roman de presque 500 pages qui m'a littéralement transporté.

Je vais donc essayer de vous retracer l'essentiel de ce roman en trois axes:

- tout d'abord l'histoire ne se résume pas à la quatrième de couverture qui a principalement vocation à vous mettre en appétit. Tout est structuré pour vous immerger progressivement dans ce monde avec un roman divisé en trois grandes parties: la préparation du départ, le voyage jusqu'à Nüying et l'arrivée sur la planète. J'ai beaucoup apprécié l'organisation avec des chapitres plutôt courts rendant le récit dynamique, alternant parfois différentes temporalités et différents lieux (précisés en début de chapitre pour ne pas perdre le lecteur). Tous les ingrédients sont savamment distillés pour offrir un final tout en délicatesse, laissant libre court à interprétation.

- La variété des thèmes abordés est sans conteste le point fort du roman et on le ressent dès le début de la lecture. Premièrement, le thème de la famille reste omniprésent au travers de nombreux personnages: la relation de Brume (notre spécialiste de la bioacoustique) avec son père, celle particulière d'Anouk avec ses mères Dana et Meriem. Ce sujet est d'autant plus marquant car il nous concerne tous et impactera sans nul doute la majorité des lecteurs. Deuxièmement, j'ai adoré plonger dans ce monde futuriste rempli de nouvelles technologies rendant possible ce fantasme qu'est l'exploration spatiale: tout est superbement décrit dont le phénomène de stase permettant aux humains de mettre en pause leur horloge biologique pendant le voyage. Pour finir, le transhumanisme est un thème phare de cette lecture dans laquelle est développée un moyen de sauvegarder la mémoire d'un individu pour l'implanter ensuite dans un nouveau corps.

- Je découvre avec joie la plume de l'autrice qui fait preuve d'une parfaite clarté tout du long. L'ensemble de ma lecture a été fluide me permettant de me concentrer intégralement sur l'intrigue en essayant de relever les différents indices laissés. Ce qui est remarquable, c'est que les personnages restent au centre du roman et nous vivons leur aventure à travers eux. Les alternances entre descriptions et dialogues sont bien équilibrés. le lecteur passera sans conteste un très bon moment avec un final fantastique. L'autrice nous incite à la réflexion sur l'existence de différentes formes de vie tant biologiques que virtuelles et sur ce que pourrait réellement être la conscience.

Il y aurait encore beaucoup de choses à dire sur ce roman. Ici pas de Hard SF, juste une magnifique aventure dans le monde plein de sensibilité de l'autrice, d'une grande richesse par ses personnages et les thèmes abordés. La profondeur de la réflexion achèvera de convaincre les futurs lecteurs de se précipiter sur ce roman en cette rentrée littéraire.
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Extrait de ma chronique en 3 parties ("Un manifeste pour l'asiofuturisme", "Un poème à double facette", "Une fiction-panier") :

"Vous connaissiez l'afrofuturisme, illustré récemment par le magistral Tè Mawon de Michael Roch ? voici maintenant l'asiofuturisme, dont Les Chants de Nüying (lu en service de presse) pourrait être le manifeste (soyons fous).


De mon point de vue de maniaque de l'étiquetage, l'asiofuturisme se définit par deux critères cumulatifs, le premier n'étant que la partie immergée du deuxième, mais permettant de distinguer le courant d'autres entreprises similaires, comme celle d'André Dhôtel (que j'évoquerai brièvement plus bas) :

1) un monde futuriste, uchronique ou non, marqué par l'hégémonie de la culture orientale plutôt que de l'occidentale ;

2) un récit qui prend ses distances avec les conceptions occidentales de la narration, comme l'unité d'action aristotélicienne, l'action conflictuelle au centre de l'intrigue ou les personnages héroïques à la volonté d'acier (je simplifie outrageusement, mais je suis sûr que vous voyez très bien de quoi je parle)."
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Les Chants de Nüying est un roman sf qui combine allègrement les genres découpant son récit entre le space et le planet opera le tout dans une ambiance cyberpunk et un postulat de départ uchronique. En 2563, la configuration planétaire est telle, qu'elle place la Chine en première puissance mondiale. de ce fait, les alliances entre les pays sont repensées et les enjeux internationaux rebattus. Et c'est justement tout l'intérêt de l'uchronie : pouvoir reconsidérer l'Histoire à partir d'une base solide tout en mélangeant des faits réels et fictifs. Dans le récit, l'influence et la culture asiatiques prédominent nos sociétés. L'opposition entre la Chine et le Tibet par exemple devient l'un des éléments centraux du roman. L'immersion est par ailleurs renforcée par des descriptions soignées (japonisantes ?) générant un visuel très cinématographique, néo-futuriste et néonisé (en tout cas c'est comme ça que je me représentais le tableau) à l'image d'un Blade Runner ou d'un Passengers.

Et même si j'ai adoré l'invitation au voyage - Terre/ Lune/ Nouvelle Planète - j'ai trouvé les trois parties du récit assez inégales et décousues. Avec du recul j'aime à penser que c'est aussi ce qui a participé à la réussite de ce roman. La densité et la richesse du contenu impressionnent et on imagine sans mal le travail de recherche conséquent réalisé par l'autrice. Car elle monte sur tous les fronts Émilie Querbalec, pêle-mêle elle parle : discrimination, anthropocentrisme, colonialisme, exploration, premier contact, bioacoustique, idéologie religieuse, transfert de mémoire, réalité virtuelle, clonage, transhumanisme, cybernétique… le tout dans un contexte savoureux de conquête spatiale où l'illusion, le réel et l'irréel se côtoient. Alors vous choisissez la pilule rouge ou la pilule bleue ? Eh oui ! Ce roman n'est pas sans rappeler Matrix et sa matrice où le Neuromancien du génial William Gibson.

On sent que l'autrice maîtrise son sujet. Ses sujets. Ses connaissances sont solides et scientifiques, soutenues par un bagage culturel étourdissant. le travail sur les personnages est également à saluer car ils sont crédibles et réalistes même si mon curseur d'empathie était au plus bas. Petite mention spéciale cependant au président de Space'O, le portrait presque craché d'un certain Elon Musk.

En bref, le roman est passionnant mais certaines données tendent à complexifier un récit déjà dense par son contenu et son univers. Les analepses, nombreuses, nous font faire des allers-retours et il faut accepter, je pense, un certain lâcher-prise car une relecture est à mon sens indispensable pour obtenir toutes les clés de compréhension. Enfin, le roman n'est pas dénué de légères imperfections, mais en comparaison ses qualités les contrebalancent largement.

Une vraie réussite !
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En 2563 des chants évoquant ceux des baleines sont détectés sur Nüying, une exoplanète située à vingt-quatre années-lumière de la Terre.
Brume, la spécialiste des langages marins rêve d'une fusion d'entente avec cette entité chantante tandis que William, son ami cybernéticien, rêve d'une fusion totale avec Brume.
Le cargo-monde à destination de Nüying abrite des spécialistes Terriens et Sélènes, mais ces derniers subissent une discrimination qui poussera nombre d'entre eux vers la secte de l'Eveil inaugurée par un moine tibétain et dont le but est l'éternité céleste, contrairement au financier chinois du cargo dont le but est l'immortalité terrestre par transfert de sa mémoire numérisée sur un clone.
Des scissions dans l'équipage et des déboires techniques font s'échouer le cargo sur Nüying, cette planète de l'Imprévisible absolu.

J'ai trouvé ce roman d'une richesse, d'une intelligence et d'une sensibilité admirable. Au fil de ses pages, de nombreuses questions surgissent, telles que : Notre être équivaut-il au total de notre mémoire conscience numérisée?
Le thème qui court tel un fil d'or tout au long de ce livre est celui du sens que les personnages donnent à leur voyage, un sens qui ne se réalisera que s'il dépasse la sphère de l'ego, de l'intéressement personnel et ne s'accomplira pas selon notre idée de sa réalisation, mais tout autrement, en s'abandonnant à l'Autre
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