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EAN : 9782226472823
480 pages
Albin Michel (31/08/2022)
3.63/5   153 notes
Résumé :
La planète Nüying, située à vingt-quatre années-lumière du Système solaire, partage de nombreux traits avec la Terre d’il y a trois milliards d’années. On y trouve de l’eau à l’état liquide. Son activité volcanique est importante. Ses fonds marins sont parcourus de failles et comportent quantités de sources hydrothermales. Elle possède une magnétosphère et une atmosphère dense, protectrice. Tout cela en fait une bonne candidate pour héberger la vie. La sonde Mariner... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (87) Voir plus Ajouter une critique
3,63

sur 153 notes
Sur une lointaine planète couverte d'eau, on a entendu des chants. Pas des chants de sirène, ni de baleine. Mais quelque chose d'approchant, de troublant. Suffisamment, en sus des ressemblances avec la Terre à une époque plus ancienne, pour motiver une expédition à travers les étoiles. Brume, William, Jon et Dana sont du voyage.

On commence avec Brume, qui revient d'un long séjour scientifique lors duquel elle a travaillé avec une dauphine. Elle s'est en quelque sorte liée avec elle pour découvrir les mondes marins, laissant des traces dans son esprit : une envie de comprendre l'autre, avec respect, mais avec une curiosité forte, très forte. Un besoin même. Les premières pages la montrent hésitant à choisir la voie humaine ou la voie marine. Cette ambivalence va la mener lors de ce roman à faire des choix radicaux, mais sensés. En attendant, elle se prépare en repassant voir son père. Pour la dernière fois, car le voyage vers Nüying va durer trente-six ans et demi. Mais les difficultés de communication entre générations sont trop importantes pour permettre un adieu serein.
Puis on découvre William, sur qui tombe Brume lors de sa préparation au voyage dans la base lunaire de Taihe-Concordia (Émilie Querbalec a imaginé un futur – nous commençons en 2563 – où les Chinois ont largement phagocyté la conquête spatiale ; et on en est à plusieurs générations d'humains nés sur la Lune, les Sélénites, qui se sentent de plus en plus différents des Terriens). Ce Canadien jovial est spécialisé en cybernétique et a été engagé pour participer au projet RNA : un programme de réincarnation. Un être humain pourrait ainsi vivre éternellement, en transférant son esprit de clone en clone, au fur et à mesure de leur dégradation.
C'est Jonathan Wei, propriétaire de la compagnie finançant le voyage, qui va profiter le premier de cette technique. Ce milliardaire a tout de l'Elon Musk ou du Steve Jobs, par son côté charismatique et visionnaire. du moins, pour certains, car tous ne partagent pas son enthousiasme. Son personnage m'a rappelé, du moins au début, le Peter Isherwell du film Don't Look Up (Adam McKay – 2021) ou le Dev Ayesa de la troisième saison de la série For All Mankind (Ronald D. Moore – 2019), des entrepreneurs riches et qui possèdent leur idée de l'avenir et de la société. Et sont prêts à l'imposer aux autres. Ici , Jonathan Wei s'éloigne un peu de ces modèles par son côté spirituel, voire religieux : il est accompagné d'un gourou prônant le bouddhisme. Ce qui aura un rôle capital dans la suite de l'histoire.
Enfin, on trouve Dana : cette cogniticienne travaille elle aussi pour Jonathan et gère, entre autres, le protocole RNA. Elle est très professionnelle et rigoureuse dans son travail, mais son patron semble avoir des projets cachés, qui perturbent la bonne tenue du programme. Et elle aussi connaît des difficultés relationnelles dans sa famille : sa fille et elle ne se comprennent pas, leurs visions du monde s'opposant très souvent. Trop souvent.

Vous l'aurez compris, Les Chants de Nüying n'est pas un roman « bêtement » linéaire. Il est composé de trois grandes parties. La préparation du voyage et la rencontre de certains membres de l'expédition. le voyage en lui-même… enfin, certains de ses moments. Puis l'arrivée sur Nüying, la survie et les découvertes. Comme dans Quitter les monts d'automne, on se retrouve dans un roman multiple, qui peut surprendre, mais enchante forcément. Émilie Querbalec ne choisit pas la facilité en racontant tout, en expliquant tout. Elle fait des ellipses, des sous-entendus, fait confiance à son lecteur pour comprendre de lui-même, sans prémachage inutile. La trame globale, tout comme les liens entre les personnages, se construisent progressivement, parfois de manière indirecte. Tout en délicatesse.

Ce qui m'a impressionné, c'est donc la multiplicité des thèmes bordés. Aïe, se diront certains, ça va encore survoler et brasser du vent. Pas du tout. C'est qui est enthousiasmant dans l'écriture d'Émilie Querbalec : elle aborde plusieurs thèmes profonds et sait les illustrer avec richesse. Les Chants de Nüying parlent, entre autres, de découverte de mondes étrangers et étranges (j'ai failli écrire « colonisation », mais cette expédition est tout sauf une « colonisation », en tout cas de la part des protagonistes principaux) : c'est le point de départ, avec ces chants étranges. On a l'attrait et le mystère de l'inconnu, associé à la complexité du premier contact. L'arrivée en force avec les grands sabots, c'est terminée, en principe. On pense avec respect, essayant de ne pas renouveler les erreurs passées : ne pas polluer la planète avec nos propres miasmes. Et ce passage de l'histoire est particulièrement réussi : envoûtant.
Mais on parle aussi de vie éternelle : thème central dans la SF et qui apparaît dans la vie réelle, avec les transhumanistes et les rêves de certains milliardaires. L'être humain peut-il vivre plus longtemps qu'une centaine d'années ? Est-ce utile ? Est-ce souhaitable ? Si oui, dans quel but ? Et dans quel état l'individu se retrouvera-t-il ? Quels changements interviendront dans son esprit et donc sa façon de penser le monde, les autres et soi-même ? Enfin, quelle place l'informatique et, par voie de conséquence, les I.A. aura-t-elle dans ce processus ? L'éventail de questions posées est large et certaines auront des réponses. Ou, du moins, des pistes.
Enfin, ce roman aborde les difficultés de communication dans les familles. Comme je le signalais lors de la présentation des personnages, plusieurs d'entre eux ont du mal à comprendre leurs proches. le lien entre les générations n'est pas aisé : entre opposition de base et les prises de position très éloignées, le dialogue n'est pas facile. Et le silence est souvent très puissant, impossible à briser. Les barrières se dressent avec les années et retrouver voix est quasi impossible. L'autrice nous le fait ressentir dans notre chair, avec force. C'en est presque douloureux parfois. Comme avec l'épisode, qui revient, de la flûte, transmise par le père, musicien, mais refusée indirectement par la fille : Brume ne voulant pas se montrer dure la prend mais l'oublie (sans doute volontairement) dans un taxi. Terrible acte, compréhensible, mais tellement violent.
Ces trois axes sont traités avec force. L'autrice se laisse le temps, sans ralentir la narration (un tour de force), d'évoquer ces thèmes par différents prismes, selon des points de vue différents. Ainsi le lecteur n'est pas tributaire, prisonnier d'une façon de voir les choses : il a la possibilité de choisir au gré des arguments. Et c'est tant mieux, car les sujets sont importants et tellement personnels parfois qu'ils en touchent à l'intime. La relation avec une potentielle immortalité ; les liens familiaux distendus ou difficiles, la difficulté à exprimer l'attachement, l'amour pour ses proches ; les rapports à l'autre, quel que soit son niveau de différence, et donc d'étrangeté. Je ne vais pas aller plus, en ayant déjà dit assez : il faut laisser sa place à la découverte.

J'aurais encore beaucoup à écrire sur ce roman qui, comme Quitter les monts d'automne, m'a enchanté. le style d'Émilie Querbalec, sa sensibilité et son respect de l'autre, son empathie pour ses personnages, la force des thèmes choisis, la profondeur des réflexions font des Chants de Nüying un roman incontournable en cette rentrée littéraire et pour de nombreuses années.
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Je ne connaissais pas le roman d'Emilie Querbalec il y a seulement quelques jours. C'est donc une lecture totalement inattendue et imprévue.
Elle est dû à la combinaison de plusieurs facteurs, à savoir la lecture d'un article sur le Net vantant les qualités du livre, la belle couverture qui jette un regard sombre et poétique sur des fonds marins, la critique très inspirante de Lenocherdeslivres (que je remercie encore) et la découverte fortuite du roman dans ma médiathèque, il était posé en évidence sur un présentoir, comme s'il m'attendait.

*
Sommes-nous seuls dans L Univers ? Combien de fois, en regardant le ciel étoilé, l'homme s'est-il posé cette question ? A quoi pourraient ressembler les formes de vie et les écosystèmes sur d'autres planètes ?

« Devant ma couche, une mare de lumière
Serait-ce le givre sur le sol ?
Je lève les yeux, la lune brille dans le ciel.
Je baisse la tête, la maison me manque ! »
Li Bai

L'histoire débute au 26ème siècle. Les scientifiques ont découvert de possibles traces de vie extraterrestre sur la planète de Nüying, distante de vingt-quatre années-lumière du système solaire. En effet, une sonde a capté des sons étonnants rappelant le chant des baleines.

« … les premières notes résonnèrent, si tant est que l'on puisse qualifier de notes ces vibrations qui ne rappelaient rien de ce que l'on connaissait sur Terre. Après quelques longues secondes, un écho abyssal déchira cette nappe sonore. Plusieurs autres cris de différentes intensités répondirent à cette première ligne mélodique, esquissant les contours d'une symphonie profondément étrange. »

Une telle découverte questionne sur leur origine. Est-ce la confirmation que L Univers n'est pas vide et stérile ? Ou bien ces vibrations sont-elles le fait de facteurs climatologiques ou géologiques ?
Quoi qu'il en soit, elles laissent l'espoir inespéré de découvrir une forme de vie extraterrestre intelligente sur cette planète.

*
Rêves est un mot me vient spontanément à l'esprit lorsque je repense à ce roman au moment d'écrire ces mots.

Rêve d'un ailleurs.
Rêve de liberté et d'une vie meilleure.
Rêve de prendre en main son existence.
Rêve de pouvoir et de domination.
Rêve de conquête et d'aventure, d'évasion et de voyage lointain.
Rêve d'une terre inconnue, vierge cachée dans l'immensité de l'univers.
Rêve de rencontrer de nouvelles formes de vie extraterrestre.
Rêve de se fondre dans l'océan.

Brume, la bioacousticienne et spécialiste de la communication inter-espèce, est envoûtée depuis son enfance par ces chants mystérieux qui font « penser à des dragons asiatiques, des dragons gigantesques nageant dans les profondeurs marines des océans de cette planète lointaine ». Ayant travaillé dans les eaux froides de l'Arctique sur le comportement des baleines boréales et participé à l'élaboration d'une technologie d'interfaces neurales dans la communication homme-animal, elle est recrutée pour découvrir l'espèce à l'origine de ces chants.

*
Je dois avouer que ce roman est vraiment surprenant : la ligne éditoriale et la couverture m'ont induite en erreur sur son contenu. Je pensais que l'histoire serait centrée sur l'exploration de Nüying. J'imaginais plonger dans ses abysses à la rencontre de cette intelligence extraterrestre au chant si fascinant aux côtés de Brume.

Après un moment de déconvenue, le récit me semble plus original que ce que laissait penser la quatrième de couverture. J'ai découvert un récit intimiste dans lequel Brume est le fil rouge, sans être toutefois le personnage principal de l'histoire.

*
Ainsi, d'autres protagonistes participent au voyage dans un récit à plusieurs voix.

William participe à l'aventure pour des raisons différentes de celles de Brume.
Ce cybernéticien a travaillé sur une technologie essentielle dans les voyages spatiaux, celle de la réincarnation numériquement assistée (RNA). Elle consiste, pour le temps du voyage, à placer une partie des passagers dormants dans des caissons cryogéniques et de séparer l'esprit de leur corps afin de stopper le processus de vieillissement.

Dana, une cogniticienne cybernéticienne d'origine Russe, est responsable du projet RNA. Elle a vécu toute sa jeunesse sur une base implantée sur la Lune. Elle fait partie de ce peuple qui n'a pas vécu sur la Terre et que l'on appelle les Sélènes.
Les Sélènes constituent la majorité de l'équipage embarqué sur le vaisseau-monde Yutu Meng. Ils ont eux aussi un rêve en embarquant pour ce long voyage.

Cependant, il n'y aurait pas de voyage sans Jonathan Wei, un homme d'affaires et milliardaire américain qui a investi des milliards pour financer le projet Shun. Lui aussi a des motivations, mais elles nous sont cachées.

*
Ce livre est un récit de voyage vers une autre planète et peut-être vers une autre forme de vie, mais dans ce lieu confiné qu'est le vaisseau spatial, c'est avant tout un voyage vers l'autre et une découverte de soi. En ce sens, l'autrice nous parle d'identité, de souvenirs et de mémoire, de diversités (sociales, culturelles, religieuses, ...) et d'altérité, d'interaction et de difficultés de communication, de conflits intergénérationnels et du poids de la culpabilité.

Cette oeuvre ample et complexe aborde d'autres thèmes forts : le transhumanisme et le clonage, le monde virtuel et la sauvegarde informatique de notre conscience, la religion et les dérives sectaires, la politique et les intérêts personnels.
L'autrice joue beaucoup sur l'opposition entre l'esprit et le virtuel, la technologie et la spiritualité, la science et l'immortalité.

*
Une autre originalité qui m'a beaucoup plu : l'autrice varie le rythme de sa narration en déstructurant le temps, en divisant la trame du récit en trois grands moments, en y insérant des ellipses narratives et des flashbacks. Chacun d'entre eux a une ambiance qui lui est propre.
Si la première partie est assez classique puisqu'elle est consacrée à la préparation de la mission Shun, les deux autres sont comme des arrêts sur image dans le déroulement de la mission. Tout n'est pas dit et le lecteur doit reconstituer les parties évidées.

Ce procédé, particulièrement astucieux et captivant, a accru mon intérêt au fil des pages. Les dernières pages sont surprenantes, l'autrice les conclut de manière magistrale.

*
J'ai trouvé l'écriture de Emilie Querbalec agréable à lire, d'une lenteur mesurée, claire et précise, poétique et scientifique dans ses descriptions.
Elle prend le temps d'installer les décors, de varier l'atmosphère de chaque partie, de nous immerger avec beaucoup de sensibilité dans l'intimité des personnages. Et puis, on n'a qu'une hâte, c'est d'arriver au terme du voyage, de découvrir la planète de Nüying et ses fonds marins.
Mais, bien sûr, le voyage ne va pas se passer comme prévu et va réserver bien des surprises.

*
Pour conclure, « Les chants de Nüying » est un roman choral à la construction originale, un voyage aux doux parfums de nostalgie, une plongée dans les méandres de l'âme humaine.

A découvrir.
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Après un premier roman remarqué en 2021 (« Quitter les monts d'automne »), Émilie Querbalec revient en cette rentrée avec un nouvel ouvrage de science-fiction. L'intrigue telle qu'elle nous est présentée au départ consiste à mettre en scène un premier contact entre l'humanité et une potentielle intelligence extraterrestre. C'est vers Nüying, une planète située à vingt-quatre années lumières de la Terre avec laquelle elle partage de nombreux traits communs, que se portent tous les espoirs des scientifiques suite à l'enregistrement par une sonde envoyée sur place de chants étranges. Personne ne sait d'où ils viennent ni quelle sorte de créature peut bien en être à l'origine, mais cela n'empêche pas les théories les plus folles de circuler. Brume est bioacousticienne marine, et elle fait partie de la centaine de scientifiques a avoir été choisis pour embarquer à bord du vaisseau qui va entreprendre le voyage vers cette planète afin de lever le voile sur ce mystère. Elle voyagera en stase, comme une grande partie des passagers, tandis que d'autres effectueront la traversée sans que leur corps ne soit préservé du vieillissement. Pour cette raison, l'autrice se voit forcée de diversifier un peu ses points de vue en cours de route. Centrale dans les cent premières pages, Brume disparaît ainsi brutalement de l'intrigue pour ne réapparaître qu'une centaine de pages avant la fin. La plus grande partie du roman n'est ainsi pas du tout consacré à cette histoire de premier contact mais repose sur une autre intrigue mettant cette fois en scène un milliardaire mégalo à l'origine de l'expédition sur Nüying, et deux scientifiques impliqués dans la dernière lubie de leur chef qui rêve, bien sûr, d'immortalité. Un processus a en effet été mis au point et sera finalement testé au cours du voyage, l'objectif étant d'extraire numériquement la personnalité du big-boss pour la transférer dans le corps d'un clone, lui permettant ainsi de vivre pour toujours. Tout va toutefois être compliqué par la proximité, jugée inquiétante par certains, d'un guru tibétain dont l'influence sur le milliardaire semble de plus en plus importante.

Autant j'ai été emballée par l'idée de cette première rencontre entre humains et intelligence extraterrestre, autant je suis complètement passée à côté de cette histoire d'Elon Musk en plein trip spirituel cherchant l'immortalité. Les deux intrigues cohabitent d'ailleurs assez mal, au point qu'on a l'impression de lire un premier roman, puis un second, puis de revenir au premier, sans qu'il n'y ai forcément beaucoup de connexion entre les deux. Les personnages souffrent, à mon sens, de cette cassure à mi-chemin dans l'intrigue et peinent à susciter l'empathie du lecteur. Brume est trop froide, le milliardaire mégalo trop délirant, quant à Dana ou William ils sont bien plus attachants mais trop souvent cantonnés au rôle de spectateurs. D'autres personnages secondaires font leur apparition en cours de route, mais aucun n'est suffisamment développé pour éveiller l'intérêt. En parallèle de ces histoires de voyage spatial, l'autrice s'est beaucoup documentée sur l'histoire du Tibet, et notamment son invasion et sa colonisation par la Chine. Ces passages sont intéressants, seulement ils sont rattachés très artificiellement au reste de l'intrigue à laquelle ils s'intègrent laborieusement. J'ai également au beaucoup de mal avec tout le volet spirituel qui prend une place de plus en plus démesurée dans l'intrigue, de même qu'avec la focalisation sur des détails techniques liés au fonctionnement du vaisseau ou du système chargé de préserver la personnalité du grand chef. Tout cela est fort dommage, car le roman contient malgré tout de belles scènes, notamment sur la fin qui renoue avec l'intrigue initiale et la promesse d'exploration qu'elle contenait. On ne saura finalement pas grand-chose de Nüying ni des mystères qu'elle renferme, aussi est-ce avec un sentiment de frustration que l'on referme la dernière page de ce roman déstabilisant.

On s'attendait avec « Les chants de Nüying » à une histoire d'exploration spatiale et de premier contact, or Emilie Querbalec fait ici le pari de dévier de trajectoire en cours de route, pour finalement y revenir tardivement. Nul doute que certains seront sensibles à l'audace de cette construction narrative (le roman a fait l'objet de nombreuses critiques élogieuses), pour ma part cela n'a pas pris...
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Tu aimes sortir ?
Tu aimes faire la fête ?
Alors n'achète pas ce bouquin,
Car dès les premières pages lues,
Impossible de le lâcher

Avec Emilie Querbalec,
Ta vie sociale s'évanouit,
Ton imaginaire s'épanouit

D'Emilie Querbalec, j'ai lu son premier livre, puis son second. A l'annonce de la sortie de son nouveau roman le 31 août, il a de suite rejoint la liseuse. Et j'ai encore plus rapidement commencé à le lire. Et dès les premières pages, avec un préambule écrit de manière poétique, j'ai été happé. Émilie a une plume, c'est certain. Mais jamais elle ne l'étale, on revient vite dans une écriture classique qui nous conte l'aventure de Brume qui va quitter notre cailloux pour un autre cailloux, peut être identique, qui aurait peut-être accueilli la vie. Nous sommes au 26ème siècle, l'homme existe toujours mais les problèmes sont bien présents, trop présents. La découverte de cette planète pourrait remplacer la notre, usager, sale... Mais pas si vite, pas si simple surtout que cette planète recèle un chant, celui du titre. Et c'est parti pour un voyage de 27 ans, destination la planète Nuying, située à vingt-quatre années-lumière du système solaire.

Ce que j'ai aimé, ou disons plutôt adoré soyons honnête, est fait de petites choses qui font pour moi de grands romans : L'histoire individuelle face à la grande Histoire. (Tu as déjà lu du Robert Charles Wilson ?). Ici c'est centré sur l'individu. Pourquoi vouloir quitter sa famille, sa planète dans un voyage peut-être sans retour ? L'autrice nous narre le point de vue de 4 personnages pris dans le tourbillon de la Vie et happé par le chant des sirènes de Nuying. Des personnages "avec des problèmes d'homme, simplement, des problèmes de mélancolie" (bien vu Weirdaholic)
Il y a aussi la manière de l'autrice de combler l'amateur éclairé de SF et le petit nouveau. Pas de grand étalage technique, mais au détour d'une phrase, elle montre son savoir faire et sa connaissance du genre. Un exemple : sur une station en apesanteur, des olives servies comme amuse gueule dans un ballon et qu'il faut attraper à l'aide d'une pince. Tout est dit sans trop ennuyé le lecteur peu féru de sciences. de l'anecdotique qui a du sens. Son interrogation autour de la science m'a emporté, mais chut. Et impossible de ne pas faire de nombreux parallèles avec notre monde.

Un roman en trois actes, la préparation, le voyage et enfin l'arrivée. Classique, comme les thématiques, le premier contact, le transhumanisme, la religion et la science. Mais ici le traitement dans une ambiance asiatique est magnifiquement fait, tout en douceur pour nous interroger sur le sens de notre vie. Si tu aimes les histoires, ce livre est pour toi. En outre, j'ai cru savoir où voulait m'emmener ce voyage, mais Emilie a plus d'un tour dans son sac... Je suis certain de me replonger dans ce roman dans quelques années.
Alors le Chien, pourquoi il faut lire Les Chants de Nüying ? "Parce que le vertige"
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Roman de science-fiction en apparence simple — un voyage spatial vers une autre planète à explorer — et qui commence par un prologue empreint de poésie et de mystère, Les Chants de Nüying se révèle riche en thématiques, tout en proposant une atmosphère réaliste, crédible, et sensible.

Brume, scientifique d'origine vietnamienne, spécialiste des mondes aquatiques et des interfaces homme-machine, se rend à Paris voir une dernière fois son père avant de s'embarquer vers Taihe-Concordia, pour ensuite rejoindre le vaisseau qui mettra vingt-sept ans à atteindre la planète Nüying, où des chants mystérieux ont été captés par une sonde. Brume a passé des années à étudier le chant des baleines, rêve d'écouter ceux de Nüying, et surtout de découvrir quels êtres les émettent dans les océans glacés de cette planète inhospitalière.

Insidieusement, le lecteur est plongé dans un monde légèrement uchronique. Légèrement, car on croyait être au début du XXIe siècle qu'on connaît, et l'auteure sait capter des moments de vie si crédibles, avec les gestes quotidiens familiers et les non-dits entre les êtres, mais en même temps… Nous sommes au XXIVe siècle, et le monde est dominé par la Chine. L'histoire se révèle un peu différente de celle que nous connaissons, mais suffisamment pour des moments étranges : l'importance de la culture asiatique, la prépondérance de la langue chinoise, et cependant tout semble si réel !

Le roman suit l'arrivée de Brume dans la station, sa rencontre avec d'autres personnages et notamment Jonathan, milliardaire chinois qui finance la mission et qui est un membre éminent de l'Éveil, courant religieux né du bouddhisme en exil. La longue préparation au voyage — qui, miracle de l'écriture, est vivante et passionnante — est l'occasion de mieux découvrir cet univers, les personnages avec leurs espérances, et quelques thématiques fortes.

Ce roman de science-fiction ne va jamais là où on l'attend. le voyage de plusieurs années est perturbé par les fidèles de l'Éveil, et l'auteure explore le sectarisme religieux avec cette croyance eschatologique qui séduit les Sélénites. Pour une fois, nous avons autre chose qu'un dévoiement d'un des monothéismes que nous connaissons si bien. Au contraire, elle imagine une version radicale du bouddhisme tibétain, qui s'est propagé dans la population de la station et qui perturbera le cours de l'histoire.

Très rapidement arrive un autre thème classique de la science-fiction, celui des esprits téléchargés dans des matrices informatiques. Jonathan, le milliardaire, a enregistré ses souvenirs destinés à être transférés dans des clones quand le vaisseau approchera de Nüying. Mais ce nouveau Jonathan sera-t-il toujours Jonathan ? Peut-on sauvegarder ce qui fait l'essence même de notre esprit, supérieur à la somme de nos souvenirs ? L'auteure pousse plus loin la réflexion, et, sans dévoiler des éléments essentiels de l'intrigue, elle interroge ce désir d'immortalité — ou du moins, de vie très longue — acquis grâce à une technologie inévitablement faillible, même si, sur ce sujet comme sur d'autres, elle propose une fin sujette à interprétation.

Le changement de point de vue — d'autres personnages deviennent narrateurs — éclaire de différentes visions un voyage interstellaire vers un but que chacun s'est assigné : tous n'ont pas les mêmes espoirs, et cette communauté s'avère bien fragile. Mais chaque fois, on y croit, tant l'auteure sait capter une atmosphère et décrire des personnages si humains, aussi bien dans leurs actions que dans leurs objectifs.

Parlons-en, des personnages : Brume, William, Jonathan, Dana et les autres… on croirait les avoir déjà rencontrés, tant ils sont sensibles, non exempts de défauts, et somme toute très réalistes. Ils sont vivants. le récit prend le temps de les faire découvrir dans un quotidien à la fois familier et science-fictif, assumant l'optique de raconter avant tout le destin d'êtres humains qui entreprennent un voyage qui s'avérera différent des plans initiaux. Ou peut-être pas.

À titre personnel, j'ajoute qu'ayant eu un mois de septembre très chargé professionnellement — j'ai fini écrasée sous une montagne de tableaux Excel — j'étais ravie de retrouver le soir ce livre qui m'offrait un moment d'évasion, de rêve et de réflexion, et j'ai aimé accompagner les protagonistes jusqu'à leur destination.

Un roman solide, convaincant, bien écrit et riche en thématiques, qui confirme la maturité de l'auteure et sa place sur la scène de la science-fiction française.

Lien : https://feygirl.home.blog/20..
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critiques presse (1)
Syfantasy
29 décembre 2022
Bluffant ! Les Chants de Nuying plaira à tous les amateurs de romans efficaces, très bien écrits et à la plume poétique. Un des Top de cette rentrée littéraire et n'hésitez pas à lire également son premier roman.
Lire la critique sur le site : Syfantasy
Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Prélude
Le murmure de l’océan monte dans la nuit fraîche, comme une caresse, une promesse, un souvenir doux. Les étoiles se reflètent à la surface, des milliers d’étoiles qui palpitent et dansent dans le courant, frêles éclats de ciel tombés du firmament. Les vagues s’enroulent autour de ses chevilles. Un souffle effleure son visage, ses épaules…
Elle frissonne, et plonge.
Les friselis de l’eau sur sa peau lui disent qu’elle est vivante. Les échos qui vibrent dans la matière liquide lui rappellent qu’elle n’est pas seule. Non loin, le parfum âpre d’une présence l’invite à la suivre. Elle se met en mouvement. Sans effort, elle glisse. Ses muscles puissants ondulent et roulent sur ses côtes. L’air qu’elle a puisé dehors embrase ses cellules. Elle n’est entravée par aucune chaîne, aucune chair ne la retient. Elle est libre, libre ! Ivre, elle jaillit, sous le regard sévère des colosses pétrifiés. Impatiente, elle file, elle vole à travers les nappes d’eau mélangées, celles qui montent, tièdes et vives, celles qui tombent, lourdes et lentes. Joueuse, elle flâne, elle flaire, elle frôle, puis dans un sursaut, elle évite les rôdeurs, ces géants saisis par le froid qui dérivent dans la nuit.
Soudain, elle se fige.
La mer a un goût de sel, presque piquant. L’éclat argenté d’un poisson perce l’obscurité. Elle l’effleure, le suit et s’arrête à nouveau. Devant elle s’ouvre un corridor étroit entre deux falaises. Le ciel renversé se drape de transparences turquoise. Au-delà, c’est l’inconnu.
Elle s’avance, change de position.
Viens ! entend-elle.
Les sons se diluent dans le silence, échos lointains, incertains.
Sur le qui-vive, elle écoute encore.
Viens ! l’appelle-t-on.
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- Il faut bien nommer les choses pour pouvoir en parler, non ?
- Ce que je veux dire, c'est que ces êtres possèdent peut-être un langage, et des manières de se désigner qui leur sont propres. Nommer sans respecter les usages linguistiques, c'est déjà une façon d'aliéner.
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– Je vous présente Nüying. Nüying fait penser à notre Terre, telle qu’on suppose qu’elle était il y a trois milliards d’années. Recouverte de banquises, on y trouve aussi de l’eau à l’état liquide, notamment au niveau de l’équateur. L’activité volcanique est avérée. Ses fonds marins sont parcourus de failles et comportent quantité de sources hydrothermales. Elle possède une magnétosphère et une atmosphère dense, protectrice. Tout cela en fait une bonne candidate pour héberger la vie.
Il fit une pause, ménageant ses effets :
– Le seul ennui, c’est que l’air n’y est pas respirable, en tout cas pour nous. Alors pourquoi y aller, me direz-vous ? Quel intérêt de dépenser autant de temps, d’argent et d’énergie pour explorer une planète où l’on ne pourra pas vivre ?
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Plus qu'aucun autre membre de leur famille, Ai Vân tenait à entretenir chez eux le souvenir de leur pays et la connaissance de leurs racines. En les quittant, sa grand-mère avait emporté avec elle sa langue, sa cuisine, et toute cette part impalpable de culture qui ne s'apprend pas dans les livres, mais se vit et se partage à travers les mille et une choses du quotidien.
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Enfant, elle se voyait voguer vers l'un de ces univers lointains, alors qu'elle se tenait blottie sous sa couette dans le noir, avec pour seule lumière la phosphorescence des étoiles en plastique collées au plafond. Elle dialoguait avec des créatures étranges, oursins multicolores ou libellules d'eau aux ailes évanescentes qui lui ouvraient les portes de palais sous-marins aux jardins de corail. Intermédiaire hybride entre races que tout séparait, elle décodait leurs couinements, crissements et éructations, se faisant l'ambassadrice et l'interprète d'une humanité que rien n'avait préparée à de telles rencontres. Ces fantaisies avaient fini par se cristalliser dans son cœur, à mesure qu'elle grandissait. Et le rêve ne s'était jamais complètement éteint (...).
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Vidéo de Émilie Querbalec
Lecture de Emilie Querbalec : une création originale inspirée par les collections de la BIS.
Ce cycle est proposé depuis 2017 par la BIS en partenariat avec la Maison des écrivains et de la littérature (MéL). Un mois avant la restitution, l'écrivain est invité à choisir un élément dans les fonds de la BIS. Lors de la rencontre publique, « le livre en question » est dévoilé. Chaque saison donne lieu à la publication d'un livre aux éditions de la Sorbonne "Des écrivains à la bibliothèque de la Sorbonne".
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