Souvenez-vous qu'il est heureux de perdre ce qu'il n'est pas permis d'aimer.
J'ai cherché dans tout l'univers le repos et je ne l'ai trouvé nulle part ailleurs que dans un coin avec un livre.
Sans solitude, sans épreuve du temps, sans passion du silence, sans excitation et rétention de tout le corps, sans titubation dans la peur, sans errance dans quelque chose d'ombreux et d'invisible, sans mémoire de l'animalité, sans mélancolie, sans esseulement dans la mélancolie, il n'y a pas de joie.
Il n’existe pas dans la nature de fragments. Le plus petit des morceaux est encore le tout.
...
Tout est égaré comme la goutte d’eau dans la nappe immense de la mer.
Qu’est-ce que la mer ?
Chaque océan est une larme du temps.
Qui pleure au fond de l’Être ?
*
À chaque fois, la mer s’avance.
À chaque fois, elle recule.
À chaque vague, elle avance sa tuile d’or.
À chaque recès, elle recule la poche incurvée de son ombre.
(Chapitre XXI)
Il arrive que le pouvoir soit méprisable, les institutions déshonorantes, les croyances lâcheté, la solidarité honte, la désobéissance vertu, le jadis sauvagerie et fierté.
Entre la solitude de celui qui écrit et la solitude de celui qui lit, c'est beaucoup de ciment.
Il y a dans lire une attente qui ne cherche pas à aboutir. Lire c'est errer. La lecture est l'errance.
On ne sait pas bien quand le propre et le sale se sont séparés dans les sociétés et les consciences des hommes. […]
Le sacré n’a jamais été aussi omnipotent que dans les sociétés modernes. On ne s’est jamais à ce point séparé des cadavres, sang des mois, crachats, morves, urine, fèces, croûtes, poussière, boue.
Nous sommes tous des prêtres maniaques dans nos cuisines.
Nous sommes des tyrans fous dans nos salles de bains.
Il est difficile de dissocier les notions d’hygiène, de morale, de sacrifice, de pensée, de racisme, de guerre. Nous épions l’autre, le non-classifié social ou sensoriel, le parasite, la souris, la salive, le marginal, les habitants des interstices (les araignées et les mulots ou les scorpions je sont jamais ni dedans ni dehors), les universitaires autodidactes, les mammifères poissons, les juifs chrétiens, les mères célibataires, l’eau non potable, les habitants des frontières qui s’agisse des territoire des pays ou des corps, le sperme, les épingles, les rognures d’ongle, la sueur, la glaire, les revenants, les phobies, les fantasmes (qui piratent le mur qui devrait séparer la veille du sommeil). L’art est une production parasitaire.
Celui qui fait surgir ce qui jusqu’à lui n’est pas appartient au règne de l’inapproprié.
Il n’est pas à sa place. C’est la définition même de la saleté : Quelque chose n’est pas à sa place. Un soulier est propre sur le plancher. Il est sale pour peu qu’on le pose sur la nappe, parmi les fleurs, l’argenterie et les verres alignés.
Il est des façons de dire qui font trembler.
D'autres qui blessent.
Il est des façons de dire qui dans le souvenir blessent encore au-delà de la mort de ceux qui les proféraient.
Ces voix et ces intonations forment ce qu'on peut appeler "la famille".
CHAPITRE XXX
Les vestales
Quelque chose qui n'était pas humain chercha à
passer pour humain.
Une animalité entourée d'animaux s'extasia, tom-
ba en arrière, mourut, nomma, se fit monstrueuse.
*
J'évoque le vaille que vaille financier mondial où la
valeur est prise de vertige et tournoie de plus en plus
vite comme un chaman sous le coup d'une transe.
*
p.101-102