Annibal l'a prédit, croyons-en ce grand Homme,
Jamais on ne vaincra les Romains que dans Rome.
(Acte III, scène 1)
Cet amour s'est longtemps accru dans le silence.
J'ai vengé l'univers autant que j'ai pu.
La mort dans ce projet m'a seule interrompu.
Pharnace ira, s'il veut, se faire craindre ailleurs.
La reine aurait osé me tromper aujourd'hui ?
Quoi ! De quelque côté que je tourne la vue
La foi de tous les coeurs est pour moi disparue ?
Tout m'abandonne ailleurs ? Tout me trahit ici ?
Pharnace, amis, maîtresse ? Et toi, mon fils
Toi de qui la vertu consolant ma disgrâce...
Quand je vous élevais au comble de la gloire, m'avez des trahisons préparé la plus noire.
J'ai vengé l'Univers autant que je l'ai pu.
La Mort dans ce projet m'a seule interrompu.
Ennemi des Romains, et de la Tyrannie,
Je n'ai point de leur joug subi l'ignominie.
Et j'ose me flatter, qu'entre les Noms fameux,
Qu'une pareille haine a signalés contre eux,
Nul ne leur a plus fait acheter la victoire,
Et de jours malheureux plus rempli leur Histoire.
Le Ciel n'a pas voulu, qu'achevant mon dessein
Rome en cendre me vît expirer dans son sein.
Mais au moins quelque joie en mourant me console.
J'expire environné d'Ennemis, que j'immole.
Dans leur sang odieux j'ai pu tremper mes mains.
Et mes derniers regards ont vu fuir les Romains.
(V, scène dernière.)
N'attirez point sur vous des périls superflus, pour un fils insolent, que vous ne verrez plus.
Non, Princes, ce n'est point au bout de l'univers
Que Rome fait sentir tout le poids de ses fers.
Et de près inspirant les haines les plus fortes,
Tes plus grands ennemis, Rome, sont à tes portes.
Ah ! s'ils ont pu choisir pour leur libérateur
Spartacus, un esclave, un vil gladiateur,
S'ils suivent au combat des brigands qui les vengent,
De quelle noble ardeur pensez-vous qu'ils se rangent
Sous les drapeaux d'un roi longtemps victorieux,
Qui voit jusqu'à Cyrus remonter ses aïeux ?
Annibal l'a prédit, croyons-en ce grand homme,
Jamais on ne vaincra les romains que dans Rome