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Citations sur Le règne de l'esprit malin (10)

Le lendemain matin il faisait du soleil. Les nuages, pendant la nuit, s'étaient défaits de devant la lune. Ils passent rapidement dessus, laquelle est là qui les élime comme la pierre fait d'un filet ; et, quand enfin le jour se lève, on la voit toute pâle et ronde, être seule dans le ciel bleu.

[C.F. RAMUZ, "Le Règne de l'esprit malin", 1917, chapitre III - III - page 1050 de l'édition La Pléiade, T.I]
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Il ne tarda pas à voir paraître sa maison. Une lampe était allumée dans la cuisine. Et sa femme, vu l'heure tardive, devait l'attendre : pourtant quelque chose l'empêchait d'entrer. Il s'approcha de la fenêtre et, se collant au mur, avança la tête, un peu. La petite Marie était assise au bout de la table devant un livre et ses lèvres bougeaient. Bien sûr que ce livre était un de ses livres d'école et qu'elle apprenait son devoir ; on la voyait épeler avec application chaque mot ; puis, arrivée au bout de la phrase, elle fermait les yeux et se la récitait à elle-même, alors elle se redressait. La lampe, pendue au plafond, éclairait doucement son front rond aux cheveux tirés, où, à l'endroit de son plus fort bombement, il y avait une lumière. Tout était parfaitement calme, parfaitement comme toujours. Le feu brûlait sur le foyer, les assiettes attendaient autour de la soupière. Et Jean Lude voyait tout cela, et il ne se décidait pas à entrer.

[C. F. RAMUZ, "Le Règne de l'esprit malin", 1917, chapitre III - II]
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On connaissait le charme des soirées. Les longues bûches de hêtre pas écorcé, mises en croix, vous jettent une lueur au visage, où on se connaît. On ne s'était jamais si bien vu. On remet une bûche.
[...] [...] [...]
Il jeta du bois dans le feu d'où monta une grande flamme ; et, contre le mur noir de suie, des petites étoiles s'allumaient.

[C. F. RAMUZ, "Le Règne de l'esprit malin", 1917, chapitre III - I]
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Il y avait en lui un drôle de mélange de toute espèce de sentiments comme quand on met dans un tonneau des vins de diverses sortes : fierté, honte, faux aplomb, de la peur, de l'entrain, des accablements ; au total un affreux désordre. Il avait mis des grandes guêtres, ses yeux brillaient sous un chapeau tiré très bas ; malgré qu'il fît froid, son long cou sortait nu de sa veste de grosse laine. Et il le tendait en avant, rentrant chez lui dans la neige qui était profonde et où il enfonçait quelquefois jusqu'à mi-cuisses. Qu'est-ce qu'il faudrait pour qu'on soit heureux ? Dix francs par jour ? Mettons quinze tout de suite. Et encore ça ne suffirait pas. Car il ne faudrait pas qu'on fût obligé de les gagner : il faudrait que ces quinze francs vinssent d'eux-mêmes, à date fixe, comme ce que les riches appellent leurs rentes : c'est de l'argent qui a des égards pour vous ; il se présente à vous le chapeau à la main. Alors je me sentirais un homme. Il ne s'apercevait pas que la nuit venait : d'ailleurs il n'était plus très éloigné du village. Mais tout à coup l'aspect des choses avait changé. L'éclairage gris d'un reste de jour derrière les nuages avait fait place à une lumière verte qui venait on ne savait d'où, vu l'absence de lune et d'étoiles ; et elle semblait venir de dedans la neige, comme si celle-ci était devenue transparente [...]

[C.F. RAMUZ, "Le Règne de l'esprit malin", 1917, chapitre III - II]
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Ce sera pour quand les oiseaux recommenceront à chanter et il y a des petites pointes vertes aux haies comme si des ongles leur poussaient.

[C.F. RAMUZ, "Le Règne de l'esprit malin", 1917, chapitre III - I]
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L'homme arriva au village vers les 7 heures ; il faisait grand jour parce qu'on était encore en été. L'homme était maigre, il était petit ; il boitait un peu ; il portait sur le dos un sac de grosse toile grise. Il n'y eut point d'étonnement pourtant parmi les femmes qui causaient entre elles devant les maisons, quand elles le virent venir, et les hommes, occupés dans les granges et les jardins, à peine s'ils levèrent la tête ; sûrement que ça devait être un ouvrier de campagne en quête d'ouvrage, comme on en voit souvent passer dans le pays.

[C. F. RAMUZ, "Le Règne de l'esprit malin", 1917, chapitre I - incipit]
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[à propos des damnés] Un besoin de bruit les tenait et un besoin de mouvement, auxquels il leur fallait céder sans quoi ils n'auraient pas été vraiment heureux, et pour l'être, ils voulaient être ivres,...
- Est-elle jolie tout de même!
Ils disaient vrai, elle était bien jolie, et ils ne voyaient que cela. Vers quoi ils regardaient, c'étaient ses yeux comme des sources, ses joues frottées par le grand air, son front qui sortait rond de dessous le béguin, c'était cette fraîcheur, c'était cette innocence, après lesquels ils soupiraient, sans bien s'en rendre compte, et s'en irritaient à la fois; ils ne faisaient attention ni à son calme, ni à sa fermeté, ni à l'air résolu qui se montrait dans son regard.
(chapitre VII - iii)
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elle restait confiante; c'est peut-être simplement que là aussi l'amour opère et le vrai miracle est l'amour.
(chapitre V - i
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Mais voilà que, comme il arrivait devant chez lui, la plus grosse des cloches laissa tomber un long son sourd. ...
Boum!... Il y a quand même grand peine chez les hommes. Où qu'on soit, quoi qu'on puisse faire, on est en face de la mort. Elle ne permet pas qu'on l'oublie: qu'un instant on n'y pense pas et elle se rappelle à vous.
...
Boum! Seigneur notre Dieu, protégez-nous dans notre affliction; on ne peut rien sans vous, sans vous on n'est rien, on a terriblement besoin de vous, Seigneur notre Dieu, dans notre misère ayez pitié de nous, Seigneur.
[Joseph voit son enfant mort et sa femme morte qu'on ensevelit] ... ; mon Dieu! est-ce possible, c'est mes entrailles qui s'en vont, c'est le coeur de mon coeur, c'est la pensée de ma pensée. C'est le meilleur de moi, la promesse de mieux encore; elle était ma seule vendange, la vraie richesse de mon grenier. ... "On a coupé le noyau de ma chair, on a ôté la bonne amande." A ce moment, les mottes tombèrent sur la caisse, il poussa un cri, on l'emmena.
(chapitre IV - i)
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Qu'est-ce qu'il faudrait pour qu'on soit heureux?Dix francs par jour, serait-ce assez? Mettons-en tout de suite quinze. Et encore, il ne faudrait pas qu'on fût obligé de les gagner: il faudrait que ces quinze francs vinssent tout seuls, à date fixe, comme ce que les riches appellent leurs rentes: c'est de l'argent qui a des égards pour vous et se présente à vous, le chapeau à la main. Alors je me sentirais un homme.
(1ère édition, Mercure de France, 1914, chapitre III - ii)
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