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Distorsion raconte le parcours de trois femmes qui se connaissent et s'apprécient, trois femmes à la recherche du sens de l'existence. le 13 novembre 2015, elles se retrouvent, en terrasse, à Paris, et servent de cible aux tueurs de Daesh.
Le premier roman de
Benoîte Raux est assez éloigné de mon univers littéraire, l'auteure définit elle-même son oeuvre comme un flash existentiel et, en tant que lecteur fainéant, j'ai dû faire un effort de réflexion que je ne regrette pas.
Le récit, jalonné de poèmes mélancoliques, dévie sans cesse de sa structure romanesque pour s'aventurer vers l'essai philosophique chapeauté par des parrains célèbres comme
Simone de Beauvoir et
Jean-Paul Sartre ou d'autres moins connus du grand public comme
Noam Chomsky et
René Girard.
Le destin de Flora, l'héroïne principale de
Distorsion, est constamment influencé par ses maîtres à penser avec, en première ligne,
Sartre et son fameux L'existence précède l'essence. Exemple parfait d'une génération brillante à l'esprit éclairé, Flora débarque dans la vie professionnelle avec ses diplômes mais aussi ses incertitudes. Dès le premier chapitre, au style enlevé et souvent acerbe, le lecteur comprend que Flora ne se coule pas dans le moule, l'incertitude se transforme très vite en insatisfaction. Cette vie banalisée, remplie d'objets manufacturés sans âme et de collègues de travail sans chaleur, n'est pas faite pour elle. le doute est aussi présent au moment de construire une relation durable avec l'homme qu'elle aime. Pour Flora rien n'est écrit d'avance, elle veut agir et influer sur un destin que personne ne trace pour elle, surtout pas un dieu aussi inutile qu'hypothétique. Pour Natacha la vie ne mérite d'être vécue que pour le don de soi, au service des autres. Pour Doriane c'est l'accomplissement d'un amour exclusif qui rythme chaque seconde de son existence.
Chacune aura une attitude différente face à l'agression, conforme à chaque philosophie de vie : Flora tourne le dos aux fous de Dieu, Natacha se sacrifie en sauvant son amie et Doriane va au-devant de la mort avec l'élégante tristesse d'Emma Bovary.
Est-ce le hasard qui a amené ces trois femmes sous les balles des assassins ou une succession de choix assumés jusqu'au bout ? La question reste en suspens et
Benoîte Raux nous convoque, avec talent, pour essayer d'y répondre."