Toutes les églises de Cologne, sans exception, tournent le dos au fleuve magnifique pour obéir aux rigoureuses prescriptions de la liturgie romaine qui veut que chaque église soit orientée, de telle sorte que l'officiant ait le regard dirigé vers Jérusalem. Les architectes du moyen âge éludèrent ingénieusement cette fâcheuse contrainte en décorant précieusement comme de vraies façades les absides tournées vers le Rhin. On dirait que les églises riveraines qui s'égrènent entre Saint-Cunibert et Saint-Séverin regardent le fleuve à la dérobée : tandis que du côté de la ville leurs façades occidentales sont revêches et nues, leurs absides ajourées de galeries et cantonnées de tours font assaut de coquetterie et de magnificence. La richesse décorative des chevets qui contraste si singulièrement avec l'indigence des façades semble une revanche spirituelle contre la loi canonique de l'orientation.
En résumé, on peut dire que l'art roman colonais a trouvé son expression la plus haute dans l'architecture religieuse et dans l'orfèvrerie monumentale, qui n'est à vrai dire qu'une variété d'architecture en matériaux plus précieux. Parmi les chefs-d'oeuvre que Cologne a conservés de cette époque, le seul qui s'égale à des merveilles comme le déambulatoire de Sainte-Marie du Capitole, le chevet des Saints-Apôtres et le décagone de Saint-Géréon, est le petit temple en orfèvrerie qui abrite, dans le trésor de la cathédrale, les reliques des Trois Rois.