" Un petit point bleu dans l'immensité "
Poursuivons ce voyage en plongeant le regard dans l'image de la " figure 5 ". La sonde spatiale Cassini, en route pour sa mission de prospection de Saturne et de son satellite Titan, s'est retournée vers son port d'attache. Le petit point bleu visible sur l'image, au loin dans l'espace, à travers les anneaux de Saturne, c'est la Terre, vivante oasis dans un désert vaste et froid. Regardez-le, concentrez-vous, et dites-vous : c'est là que je me trouve actuellement.
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Apocalypse.
Les animaux sentent quand ils vont mourir. Lorsque la fin approche, il n'est pas rare qu'ils s'éloignent du groupe pour aller mourir seuls, à l'écart de toute autre vie, en symbiose avec la nature. Je sais bien que, selon le dogme établi dans nos civilisations occidentales, seuls les êtres humains ont conscience de l'existence, de la naissance et de la mort. La preuve généralement avancée pour justifier cette certitude est que seuls les Hommes enterrent leurs morts et les honorent par des rites funéraires. Les éléphants, c'est bien connus, peuvent rester un jour entier près du cadavre d'un des leurs avant de le livrer aux vautours, mais cette attitude n'est en général pas retenue par les philosophes comme la preuve d'une véritable reconnaissance du passage de la vie à la mort. Je suis toujours étonnée de l'extrapolation hardie qui consiste à dire que, puisque les animaux n'enterrent pas leurs cadavres, c'est évidemment qu'ils n'ont pas conscience de la mort. Cette logique n'est pas la mienne. Les animaux ne peuvent-ils souffrir aussi de la disparition de leurs proches, sans pour autant éprouver le besoin d'une manifestation physique auprès des corps sans vie ?
Nous portons la mort en nous à chaque instant de notre vie. Mais chaque espace de mort implique une renaissance. Le mythe de la résurrection, qui s'est trouvé réquisitionné, imagé, structuré, cloisonné dans l'imaginaire populaire sous l'influence de nos religions, constitue un élément fondamental de l'évolution de la vie, individuelle et collective. Sans mort, pas de vie. Si nous étions immortels, le monde serait d'un ennui mortel. Il s'acheminerait vers un état de léthargie collective et permanente. L'idée de vie est inséparable de celle d'évolution, et l'idée d'évolution est inséparable de celle de la mort.
" Création permanente "
Dire que le monde est en évolution signifie qu'il s'y crée continuellement quelque chose de nouveau. Cette création permanente exige à chaque instant la disparition ou la transformation d'une partie de l'existant. C'est ainsi que le monde fonctionne, depuis les premiers instants de l'Univers jusqu'à l'époque actuelle, en passant par les galaxies, les étoiles, la Terre, la Vie et l'évolution des espèces vivantes. Sans la disparition des dinosaures, il n'y aurait sans doute pas eu d'humanité sur la Terre, en tous cas telle que nous la connaissons.
L'évolution de l'Univers se produit dans le sens d'une complexité croissante. Cette découverte est un acquis scientifique du XXème siècle, confirmé par toutes les observations. Il conduit encore souvent à beaucoup d'incompréhension chez certains, car une telle évolution est a priori contraire au sens commun. Comment peut-on imaginer voir émerger des structures de plus en plus complexes à partir d'un ensemble au départ chaotique, alors que, selon l'usage courant, c'est tout le contraire qui se passe ? À notre niveau, tout semble se dégrader au cours du temps. Tout ce qui existe autour de nous est voué à une mort certaine s'il s'agit de vivant, à une disparition par effritement, érosion, émiettement ou autre déliquescence s'il s'agit de matière inerte. Comment comprendre qu'à l'échelle de l'Univers il en aille autrement ?
Dialogue avec l'univers _Partie 2