En 1896 naissent, sous la plume de
Jules Renard, les très belles
Histoires Naturelles, qui seront mises en musique par Maurice Ravel. En quelques lignes, ou dans une courte narration, l'auteur trace le portrait vivant et sensible de la faune sauvage ou domestique qui évolue sous ses yeux. Un rare sens du détail et de l'observation, une langue précise et élégante, donnent à chaque sujet une présence vibrante d'émotion. le noble cerf comme le répugnant crapaud accèdent à la même dignité, que leur confère le talent de l'auteur. Son imagination fertile, capable de transformer des gouttes de pluie en « perles d'eau », s'apparente à la poésie qui se glisse parfois dans les mots d'enfants, empreints d'humour et de fraîcheur créative, maîtrisée par l'art de l'écrivain.
Un regard attentif, capable de saisir l'infime et précieuse pulsation de la vie dans chaque être, est ce qui caractérise cette oeuvre. Un regard capable de se défaire des préjugés communs, grâce auquel l'écrivain se fait l'avocat des espèces calomniées (cochon, crapaud, chauve-souris...) et interroge le rôle convenu que l'humain s'attribue face aux animaux (celui de l'éleveur, du chasseur, du pêcheur...). Il est sans doute important de considérer que le monde dont parle
Jules Renard n'avait pas encore connu les mutations survenues dans le nôtre après « la grande boucherie » de 1914-1918, les exterminations massives de 1939-1945, la mécanisation de l'agriculture, le remembrement, l'urbanisation et l'expansion démographique, qui ont forcément changé notre approche de la vie, et de la mort. L'auteur possède une proximité avec la nature que nombre d'entre nous ont perdu et que certains tentent de reconquérir, sur la base de relations nouvelles.
Jules Renard, s'adonnant lui-même, non sans quelques scrupules, à la chasse et à la pêche, trace quelques pistes de réflexion, lorsqu'il parle du chagrin causé par la mort d'un animal. Suivons les derrière lui, l'esprit aux aguets : Dédèche, le petit chien euthanasié, l'a été, non parce qu'il souffrait, mais parce qu'il causait du désagrément à ses maîtres. Brunette la vache meurt, entourée de la sollicitude et des regrets de toute une famille (qui la destinait, n'est-ce pas, à l'abattoir ?). le chasseur tire le lièvre au gîte, et reconnaît, un peu tard, sa lâcheté. Monsieur Vernet, affligé par la souffrance du gibier, puis des poissons, cesse la pêche après avoir cessé la chasse : préserver la vie annoncerait donc la « sagesse » comme une « perte du goût de vivre » ? Une prometteuse amorce de débat philosophique sur un sujet qui intriguera les jeunes lecteurs.
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