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Citations sur Tromper la mort (65)

La radio évoquait la météo et la paralysie du pays. En quelques heures, les collines du Wicklow, les plaines du Meath, les tourbières du Connemara avaient été repeintes en blanc. Grâce au Gulf Stream, le climat était habituellement clément en Irlande, frais en été, doux en hiver. La neige s’y faisait rare, sauf cette année. La combative Erin n’en revenait pas de devoir plier devant un ennemi si banal. Yann Morlaix s’engagea sur Dorset Street, en direction de la banlieue nord. Malgré la bruine, il parvint à tourner au bon endroit pour enfiler Ballymun Street.

Depuis qu’il avait réussi à se fondre dans le peuple irlandais, qu’avait-il de commun avec l’ancien libraire de Montmartre, sinon son goût immodéré pour la littérature ? Il avait su tirer un trait sur son passé, éradiquer les relents de son ancienne vie. Passager clandestin, fugitif insensible au jeu social, maître du mensonge et de la falsification, séducteur et manipulateur.
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Yann Morlaix se rasa le crâne, s’habilla de vêtements passe-partout et se concentra sur son nouveau personnage. Le Bihan lui confia de quoi vivre pendant une dizaine de jours, ainsi que l’adresse de Susie O’Brien dans la banlieue de Dublin.
– On est quittes pour toujours, conclut Michel, le jour du grand départ. Considère notre pacte comme définitivement rompu. Si quelqu’un vient à me parler de toi, je nierai t’avoir connu. Je ne peux plus rien pour toi…
C’était un soir d’automne, dans le port de Roscoff.
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Michel se sentait tenu par leur pacte. Et il n’était pas du genre à dénoncer un ami, encore moins à le livrer à la police, même si Morlaix était devenu un dangereux criminel. Que faire de cet hôte encombrant ? Il cacha Yann dans une ferme abandonnée, entre Monts d’Arrée et Montagnes Noires, le temps de trouver une solution.
– Officiellement, tu n’existes plus, il ne te reste qu’une chose à faire, disparaître pour toujours.
– Où veux-tu que j’aille ?
– Je connais des gens en Irlande.
– Pourquoi pas la Patagonie, pendant que tu y es ?
– Personne ne viendra te chercher en Irlande.
Morlaix avait-il le choix ? La France entière connaissait son visage.
– Réfléchis bien. Tu n’as pas d’autres issues, insista Michel Le Bihan, à bout d’arguments.
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Les yeux horrifiés, un rictus de dégoût au coin des lèvres, le prof de philo écoutait son ami en train de se justifier : ce n’était pas de sa faute s’il était devenu un meurtrier, la vie en avait décidé ainsi. Un destin banal, une enfance ordinaire… Il avait décroché un diplôme de libraire à Paris, et partageait sa vie avec Lisa, une conférencière formée à l’École du Louvre. Elle avait une fillette qu’il considérait comme sa propre enfant. Le propriétaire de la librairie Point-Virgule, Thibault Lavigne, se reposait entièrement sur lui. Yann s’était imposé comme son successeur naturel. Tout le monde s’accordait à dire qu’il était un excellent professionnel, jusqu’au jour où l’ex de son patron, Nadine Pascoli, une éditrice à la réputation sulfureuse, avait monté un complot contre lui dans le but de l’écarter. Il n’avait pas supporté cette humiliation. Peu à peu, une fièvre irrésistible s’était emparée de lui et l’avait submergé. Il avait basculé dans le crime, prisonnier d’une force qui le dépassait.
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Le lendemain, il rejoignait la Bretagne à bord d’une voiture volée, et frappait à la porte de Michel Le Bihan, son ami d’enfance. À douze ans, les deux garçons avaient conclu un pacte de fidélité « à la vie, à la mort ». Adultes, leurs vies avaient suivi des chemins différents. Yann avait fait le choix de la capitale où il tenait l’une des dernières librairies de Montmartre. Michel avait préféré une existence provinciale et militante. Il enseignait la philosophie dans un lycée de Carhaix et présidait une association culturelle de défense de la langue bretonne et des racines celtiques. Michel Le Bihan, lui, n’avait jamais tué personne ! Maintenant, la violence et la mort les séparaient.
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Quelques heures plus tard, de gros engins de travaux publics réparaient les dégâts. Les ingénieurs des Carrières calmaient les riverains et criaient des ordres aux ouvriers. Le ballet mécanique entreprit de couler des tonnes de béton dans les failles, les poches et les puits de carrière. Il fallait à tout prix éviter un éboulement plus grave encore.

Les policiers croyaient ainsi sceller la tombe de Yann Morlaix, ad vitam aeternam !

C’était mal le connaître…
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Morlaix se retrouva sur une pelouse, aveuglé par le soleil, assailli par les bruits de la ville. Des fourrés, des arbres et des sentiers bucoliques l’entouraient : il reconnut les jardins publics, au pied du Sacré-Cœur. Un couple d’amoureux le prit pour un terrassier et continua son chemin en se bécotant, tandis qu’il se mêlait aux passants. Personne ne prêtait attention à ses loques poussiéreuses, à sa démarche d’homme ivre, à ses yeux effarés, aux griffures de ses bras, à ses doigts boursouflés et sanguinolents. Seul un enfant le dévisagea avec curiosité et le suivit du regard un long moment.
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Un grondement lointain le mit en alerte, la roche vibrait. La ligne de métro Porte d’Orléans-Porte de Clignancourt passait tout près. Il se faufila dans la direction du bruit, se hissa dans une poche de vide au prix d’un immense effort. L’obscurité se mua en pénombre ; des madriers abandonnés par les anciens carriers pour soutenir la grotte, dessinaient des formes insolites. L’espace résonnait comme s’il s’était élargi tout à coup. Haletant, il escalada un monticule de gravillons, rejoignit une lumière diaphane qui filtrait au sommet de la cavité à travers une grille de protection. Quelques centimètres le séparaient du monde des vivants. La grille céda d’un coup d’épaule.

Sauvé ! Il était sauvé !
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Le calme semblait revenu dans les entrailles de la Terre. Les flics avaient-ils capitulé ? À moins qu’ils n’aient été engloutis, eux aussi, sous ces tonnes de gypse ? Enterrés vivants ? Le capitaine Escoffier était peut-être mort ? Escoffier, son pire ennemi, le seul capable de lire en lui.

Une bouffée d’oxygène lui rendit un peu d’espoir : une cavité devait être proche.
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Il tendit l’oreille, crut entendre un aboiement au fond de l’abysse. La brigade de surveillance de l’inspection des carrières avait fini par lâcher ses chiens, signe qu’on le croyait encore en vie. De nouveau, l’adrénaline et l’angoisse ! Ne plus bouger. Attendre, tapi, que ses poursuivants se découragent. Position du fœtus s’accrochant à la vie dans le ventre de la terre. Cet éboulement, c’est peut-être ma chance, tout le monde me croira mort et je pourrai tout recommencer. L’idée chemina en lui, aidant son cœur à reprendre un rythme à peu près normal.
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