L'année 1794 marque ses débuts dans la politique effective. Elle était femme (que de fois ne l'a-t-elle pas déploré!); certains moyens d'action lui étaient donc refusés. Il lui restait les autres, qui étaient nombreux : la plume, et l'on sait combien cette plume était déjà persuasive; la parole, et Mme de Staël était sans rivale dans la discussion parlée; un salon à Paris, qui va bientôt se rouvrir, terrain propice aux transactions, aux ententes; enfin une influence personnelle, faite en grande partie de l'autorité encore grande du nom de Necker.
Sun esprit fut toujours au-dessus de son âge. Il est peu probable que cette fillette ait eu le goût de la poupée. Sa mère, d'ailleurs, aurait-elle souffert des jeux aussi puérils? Elle crut plus sage pour sa fille, et probablement plus digne d'elle-même, d'associer son enfant, si enfant qu'elle fût encore, à sa vie officielle et littéraire, et d'en faire un personnage de son salon. Ce salon comptait, aux environs de 1755, tout ce qui tenait une place dans la littérature française et dans la politique étrangère.
Mme de Staël a toujours du beaucoup plus à la nature qu'à l'étude. Elle a pourtant beaucoup étudié. Mais elle est de cette famille d'esprits féminins, particulière à notre race, qui, de Mme de Sévigné à George Sand, eurent d'abord le don: le reste n'est que de surcroît. Ces sortes d'écrivains auraient pu à la rigueur ignorer ce qui s'apprend, parce qu'ils possédaient de naissance ce qui ne s'apprend point.