"De Vanvitelli qui met à la mode le genre des vedute en Italie, de Carlevarijs qui lui donne ses lettres de noblesse à Venise, de Canaletto qui en symbolise l'âge d'or, à Bellotto qui exporte le genre en Europe centrale ou à Guardi qui en est le dernier grand représentant, le vedutisme vénitien s'épanouit tout au long du XVIIIe siècle à travers des artistes aux sensibilités très différentes : ils dépassent la simple réalité topographique pour exalter, chacun à leur manière, tantôt les fastes de la République déclinante, tantôt la mosaïque animée de la foule vénitienne, tantôt l'inoubliable poésie des monuments de la cité lacustre".
D'une manière générale, on a tendance à penser que le vedutisme a vu le jour au XVIIIe siècle en Italie ; or, les artistes flamands et hollandais étaient déjà réputés pour leur savoir-faire de la veduta, domaine où ils excellaient. La preuve, s'il en faut une : la "vue de Delft" de Vermeer est, sans doute, l'une des vedute les plus célèbres.
Cet art de peindre est né du goût pour les souvenirs de voyage des personnalités qui entreprenaient le "Grand Tour", celui-ci devenant l'itinéraire de plus en plus formalisé de lieux connus.
C'est au XVIIIe siècle que Venise est devenue le centre de l'activité des vedutistes, les plus célèbres étant Caneletto et Guardi.
Ce mouvement décline à la fin du XVIIIe siècle, à la mort de Guardi, contemporain de la fin de la mode du Grand Tour et de la chute de la République de Venise.
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La peinture de Francesco Guardi oscille entre le dynamisme d'une écriture rapide et fragmentaire, proprement ébouriffée, et l'apathie d'un mouvement nonchalant, d'une fatigue traînée jusqu'aux limites du supportable, dont témoignent les hommes en barque, les porteurs sur la terre ferme, les passants et tous ceux qui s'agitent au milieu de cauchemars nocturnes dans des marais brumeux à la recherche de quelque chose dont nous ignorons la nature : nourriture, objets perdus, souvenirs, raisons de vivre...
Les Français ont toujours préféré un artiste comme Guardi, dont le travail correspondait plus à une sensibilité proto-impressionniste typiquement française, qui n'avait rien à voir avec celle de Canaletto, plus rigide. Les Britanniques adoraient Venise, mais d'une manière différente de celle des Français ; ils aimaient la manière dont Canello représentait la ville et les détails de ses tableaux.
Les védutistes vénitiens devaient être reconnaissants aux voyageurs étrangers, surtout anglais, qui envahissaient Venise, de leur demande croissante de tableaux souvenirs, destinés à leur remémorer, une fois de retour dans le Nord, la lumière et les couleurs de la lagune. En effet, la fonction de la vue vénitienne était, à l'origine, d'alimenter le souvenir d'un lieu merveilleux, à l'instar, en quelque sorte, de nos cartes postales.
Aborder le védutisme vénitien, c'est comme ouvrir une boîte de Pandore d'où surgiraient d'innombrables thèmes de visites, comme celles qu'ont faites les peintres aux XIXe et XXe siècles de la cité lacustre, pour en consacrer eux aussi les lieux les plus magiques ; c'est aussi une formidable incitation à aller pousser les portes de ces multiples églises Renaissance, baroques ou rococo, sans lesquelles le paysage vénitien ne serait pas ce qu'il est ; c'est encore s'intéresser à d'autres écoles de védutisme en Italie dont le védutisme napolitain.
Venu du milieu des décors de théâtre, Michele Marieschi connut une courte et fulgurante carrière au moment où le succès commercial de Canaletto commençait à s'essouffler. Sa production prolifique et inventive, tant dans le genre des vedute que celui des caprices, fut pourtant occultée par celle de Canaletto, ou confondue avec cette dernière. Aujourd'hui redécouvert et réhabilité, Marieschi a repris sa place sur la scène vénitienne du védutisme, caractérisée par son sens de la théâtralité et des perspectives spectaculaires.