Je vais rejoindre beaucoup des avis ci-dessous :
La dualité est au coeur de
Elle s'appelait Sarah.
Double récit d'abord : celui de Sarah, à la 3e personne, en 1942, victime avec sa famille de la rafle du Vél d'Hiv ; celui, à la première personne, de Julia, journaliste en 2002, travaillant sur l'événement du 16 juillet 1942, qui fait inévitablement office de double pour l'auteure. l'enchevêtrement des deux récits est efficace en diable, et l'on parvient à la moitié du bouquin à un rythme effréné de lecture, avec cependant une préférence pour l'histoire de Sarah, qui relate factuellement mais non sans émotion la tragédie au coeur même de la France.
Pourquoi cette preference, terme peu approprié en regard du contenu ? Parce que le personnage de Julia est à la limite du détestable -
Tatiana de Rosnay aurait beau se cacher derrière la subjectivité de sa narration, le discours tenu est bien le sien. Et il n'est pas beau à entendre, de la part de quelqu'un qui juge sans beaucoup de discernement ni de recul des événements certes abominables et criminels mais qui ne le sont qu'à la lumière du confort qui est le sien, franco-américaine bourgeoise plus prompte à accuser et juger son pays d'adoption qu'a faire retour sur la manière dont son propre pays s'est érigé dans le sang à travers le génocide indien.
Il n'est pas question de comparer chacun ses tragédies et ses responsabilités ; la deuxième partie de l'ouvrage aurait gagné en force s'il n'y avait pas derrière chaque nouvelle découverte une volonté d'imposer à tout personnage de battre sa coulpe.
Du recul, une vraie étude du sujet (il y a des manques, des approximations, des éléments passés sous silence ou minimisés), voilà ce qu'aurait demandé un tel sujet, qui reste en soi particulièrement émouvant, bouleversant même, mais qui ne doit rien à l'auteure mais tout à l'horreur de l'événement. À force de vouloir rester subjectif - la rafle est vécue à hauteur de la fillette - le récit perd de sa fonction documentaire, et ce n'est finalement que très naturellement que l'enquête de Julia finisse par devenir uniquement personnelle.
Alors bien sûr,
Elle s'appelait Sarah n'a pas prétention à être documentaire, juste documenté ; ni accuser, juste faire acte de mémoire. Car il s'agit bien de cela, le devoir de mémoire, garder trace du passé pour bâtir l'avenir dans le présent. Mais de Rosnay empêche la réflexion par l'utilisation de ce ton accusateur permanent.
On passera sur le rapport limite établi entre Shoah et avortement, certainement une maladresse - il faut que ce soit une maladresse. On gardera de ce bouquin l'histoire de Sarah, écrite avec un style facile et prenant, bouleversant destin de survivante rongée par la culpabilité, celle d'avoir survécu.