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Citations sur Professeur de désir (23)

Faire comprendre à ces gens que ce qu’ils sont, d’où ils viennent, ce qu’ils portent est intéressant. En un certain sens, capital. Voilà la vraie compassion. Et je t’en prie, pas d’étalage d’ironie. Ton problème, c’est que tu les effarouches avec ta merveilleuse prédilection pour la complexité des choses. D’après mon expérience, la femme de la rue, la femme ordinaire, n’apprécie pas l’ironie. En fait, c’est l’ironie qui la braque. Elle veut qu’on lui soit attentif ; elle veut être appréciée. Elle n’a sûrement aucune envie de faire assaut d’esprit avec toi. Réserve donc toute cette subtilité pour tes articles de critique ; quand tu sors dans la rue, pratique l’ouverture – les rues, voilà à quoi ça sert.
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Je suis là dehors depuis le déjeuner (…) en train de lire Colette (…). Feuilletant une pile de ses livres, je me suis demandé s’il avait jamais existé en Amérique une romancière avec une optique du plaisir pris et donné comparable même de loin à celle de Colette, un écrivain américain homme ou femme aussi profondément sensible qu’elle aux parfums, à la chaleur, à la couleur, un être aussi réceptif aux besoins du corps, aussi en accord avec tout le sensualisme du monde, connaisseur des plus fines nuances du sentiment amoureux, inaccessible, cependant, à tout fanatisme si ce n’est, dans le cas de Colette, animé par une farouche détermination de sauvegarder l’intégrité de son moi. (…) On l’imagine égotiste au sens le plus précis, le plus acéré du mot, la plus pragmatique des sensualistes, des facultés d’introspection parfaitement équilibrées par ses facultés d’enthousiasme.

Philip Roth
(p. 241-242)
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En vérité, quand elle est à cheval sur moi et soudain libre de faire ce qu’elle veut de sa masse de chair, je me rends compte avec une sorte d’exaltation mêlée de répugnance, que cette femme dont les seins s’entrechoquent au-dessus de ma tête comme des chaudrons (…) est probablement née avant le déclenchement de la Première Guerre mondiale. Incroyable, avant la publication d’Ulysse, avant… mais alors que j’essaie de la situer dans le siècle, je constate que, bien plus vite que je ne l’avais prévu – comme si, en fait, l’un de nous deux était archi-pressé de prendre un train -, je suis projeté dans l’apothéose de mon grand finale par une main sûre, rapide et dénuée de sentiment, dont je n’ai nullement sollicité l’assistance.
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Totalement insolite, marquant les restes de Kafka — et sans rien de comparable en vue — se dresse un bloc de rocher blanchâtre massif et allongé, dressant vers le ciel une sorte de gland pointu, un phallus tombal. C’est la première surprise. La seconde, c’est que ce fils qui vivait dans la hantise de la famille, est enterré à jamais entre la mère et le père qui lui ont survécu.

(p. 211)
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— Ce que je commençais à dire à propos de Kafka, à propos de la lecture de Kafka, c’est que les histoires de ces K. muselés, frustrés, se cognant la tête contre des murs invisibles, ont acquis soudain pour moi, n’est-ce pas, une résonance nouvelle. Tout cela devenait beaucoup plus proche de moi que le Kafka que j’avais lu en classe. À ma façon, voyez-vous, j’en arrivais à me sentir investi — à imaginer que j’étais investi — d’une mission hors de ma portée, et tout en pressentant les conséquences compromettantes ou burlesques qui me guettaient, à être incapable de raisonner et de renoncer au but désigné. Ainsi, j’ai vécu cette période comme si le sexe était terrain sacré.
— Pour pouvoir être chaste… dit-il d’un ton compatissant, tout à fait désagréable.
— Je me demande quelquefois si "Le Château" n’est pas, en fait, lié au propre blocage érotique de Kafka. Un livre visant, à tous les niveaux, à ne pas atteindre l’orgasme.

(p. 208-209)
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Comment suis-je jamais arrivé à me débarrasser de mon honteux secret ? Le dois-je à la chance pure, à l’optimiste et bouillonnant Klinger ou bien dois-je tout ce que je possède aujourd’hui aux seins de cette fille dans son maillot de bain. Oh, si c’est le cas, que chacun de ces seins soit mille fois béni ! Car maintenant, maintenant, émerveillé, transporté, j’exulte — je rends grâce à tout ce qu’elle représente, à la précision efficace avec laquelle elle organise son existence comme à la patience qu’elle déploie quand nous faisons l’amour, cette sagacité qui me permet, apparemment, d’équilibrer exactement les doses de sensualité pure et de tendre sollicitude nécessaires à la neutralisation de mon anxiété rebelle et au renouvellement de ma confiance dans la vie à deux, et tout ce dont il peut s’accompagner. (…) Et ces seins, ces seins — amples, doux, et vulnérables, aussi pesant chacun qu’une outre contre mon visage, aussi chauds et lourds dans ma main qu’un petit animal endormi.

(p. 184-185)
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Oui, le voilà remonté, maintenant, et insoucieux de sa voix ou des moulinets qu’il décrit avec ses bras — et non sans plaisir dans sa virulente amertume —, il s’étend sur la lascivité (bien connue dans tout Manhattan, prétend Baumgarten) de l’"estimé professeur" qui a descendu en flammes son deuxième recueil de poèmes dans une critique du "Times". Absence de "culture", absence de "cœur" et ce qui est pire : absence de "perspective historique". Comme si l’estimé professeur était pétri de perspective historique quand il enfile une de ses assistantes ! Non, ça ne leur plaît guère quand on se contente de leur brouter le minou pour le plaisir. Non, non, si l’on est un véritable homme de lettres dans la tradition humaniste, on garde une perspective historique même quand on tire son coup.

(p. 170)
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Écoute, tous ces hérauts de la culture juive avec leur profonde douleur ont "besoin" d’un Juif déchu pour expier leurs péchés en public — alors pourquoi pas moi ? Ça leur permet de maintenir leurs femmes dans l’ombre, de fournir à leurs petites amies un être sensible à la souffrance à sucer…

(p. 170)
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[Préparant une introduction à son cours universitaire annuel, dans laquelle il a décidé de révéler à ses étudiants ses frasques sexuelles.]
Tout ce préambule ne vise pas à vous cacher que je suis fait de chair et de sang, ni à vous dire que je sais que vous l'êtes également. A la fin de l'année, vous vous serez peut-être même lassés de mon insistance à souligner les liens existant entre les romans que vous lisez, même les plus excentriques et les plus déroutants, et ce que vous savez de la vie. Vous découvrirez (sans tous approuver) que je ne suis pas d'accord avec certains de mes collègues qui nous affirment que la littérature, dans ses moments les plus valables et les plus singuliers, est "fondamentalement non référentielle". [...] Je vous fais ces suggestions dans l'espoir que si vous parlez de "Madame Bovary" plus ou moins sur le même ton que vous employez avec votre épicier ou vos proches, vous accédiez à une relation plus intime, plus intéressante, plus "référentielle" pourrait-on même dire avec Flaubert et son héroïne.
En vérité, si les romans qui vont être étudiés pendant le premier semestre traitent tous à un degré plus ou moins obsessionnel du désir érotique, c'est que j'ai pensé que les lectures axées sur un sujet qui vous est à tous relativement familier pouvaient vous aider à mieux situer ces livres dans le domaine de l'expérience et, en outre, à vous dissuader de les enfermer dans un monde inerte et artificiel de procédés narratifs, de motifs métaphoriques et d'archétypes mythiques. Par dessus-tout j'espère que la lecture de ces livres enrichira votre connaissance de la vie sous ses aspects les plus étonnants et les plus scandaleux. J'espère moi-même en retirer beaucoup. (p. 220-221, Folio, 1998)
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Qui est ton héros, petit Kepesh ? - C'est Herbie.
A qui d'autre pouvais-je penser ? Qui d'autre possède à ce point le don d'imiter l'accent de Cugie, le timbre majestueux du shofar ou, à ma demande, un chasseur piquant sur Berchtesgaden et, en-dessous, le Führer pris de panique. Mais mon père (qui tient l'hôtel de vacances où Herbie fait ses spectacles), lui demande de garder pour lui certaines de ses imitations gastriques, si incomparables soient-elles.
- Mais, proteste Herbie, mon pet est incomparable !
Il se borne donc à faire ses imitations pour moi, son acolyte émerveillé. Et je découvre qu'il peut non seulement simuler la panoplie des sons - depuis la plus légère brise de printemps jusqu'au salut officiel de vingt et un canons - dont s'accompagne chez l'homme l'émission de gaz, mais encore "rendre la diarrhée". Non pas, se hâte-t-il de préciser, quelque misérable shlimazel en pleine débâcle, mais les pleines harmonies wagnériennes d'un Sturm und Drang fécal. - Mais ce n'est pas tout, petit Kepesh ! Et soudain j'entends le crissement d'une fermeture éclair qui coulisse. Puis un flot enviable arrosant une cuvette émaillée. Ensuite, le déclenchement de la chasse d'eau, suivie du gargouillis et du hoquet d'un robinet rétif commençant à goutter. Enfin, deux mains en train de se savonner. Les imitations d'Herbie.
Pour un peu je me jetterais à ses pieds en signe d'adoration.
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