Depuis des années, la famille de Gemma vit dans un chalet de montagne isolé. Ses parents et sa soeur ont fui une pandémie et Gemma n'a pas connu la vie d'avant.
C'est elle la narratrice, elle raconte comment femme et filles obéissent au père, lui l'artiste reconnu dans une autre vie, a vrillé et leur impose un entrainement militaire.
« Ici, nous formons une équipe. Personne, c'est bien compris, personne ne doit être un poids pour les autres ; l'unique règle pour gagner le match. »
L'apprentissage de la chasse est rude et une particularité est de tuer les oiseaux et de les passer au lance-flammes car le père est certain que ce sont eux qui ont propagé le virus.
« Armer, viser, tuer : voilà ce pour quoi je suis programmée. Voilà ce qu'il faudrait faire. Pourtant, quelque chose en moi résiste. Je voudrais garder mes mains le long de mon corps, admirer le tracé de l'oiseau, ce lent carrousel dirigé par d'imperceptibles mouvements de plumes, j'aimerais attendre cet instant où l'aigle va replier ses ailes, crier avant de piquer sur sa proie, pointe de flèche à laquelle aucune cible ne peut réchapper. »
Mais Gemma grandit et son monde vacille, elle rencontre un vieil homme qui, lui, vénère les oiseaux.
Le lecteur est immédiatement happé par la plume de
Laurine Roux, qui nous montre un sanctuaire certes « inviolable » où femme et filles chancèlent sur le respect de la loi que l'homme-fauve impose, elles pensent que cultiver le respect du bien est plus désirable sinon plus équitable.
L'auteur nous interroge sur cette folie qui consiste à croire que le reste du monde s'est éteint.
Elle analyse les conséquences d'un tel retrait du monde , sur le quotidien et en particulier sur une enfant qui n'a connu que ce mode d'existence.
Le lecteur voit bien que le retrait total du monde est impossible, un grain de sable vient enrayer la mécanique mise en place Les femmes ont l'interdiction de s'éloigner du sanctuaire. Mais Gemma…
La mère maintient le lien avec la vie d'avant, par des chansons, ou des histoires racontées, les gestes du quotidien. Gemma a, comme un petit animal sauvage, beaucoup de repères olfactifs.
C'est une ode à la nature qui est beaucoup plus sage que les humains, qui eux prennent de décisions jusqu'à la folie.
« La poésie n'est autre chose que la santé du discours . » HD Thoreau
Une fois de plus la plume de Laurine m'a emportée.
©Chantal Lafon
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le-sanctuaire/
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