Vézelay, ou, L'amour fou

Encore un peu et c’est l’éblouissement. Une flèche étincelante se plante tout au fond dans l’envers de l’immense portail, de reflets dansent sur le tympan endormi, soudain frôlé par une main si douce. Alors le soleil pénètre à flot par toutes les ouvertures, transforme le déambulatoire, le sanctuaire et, au-dessus, la voûte supérieure à croisée d’ogives en un lac d’or. Une ruée de lumière rousse, une brassée de lys rouges tournent lentement avec notre astre majeur et projettent son éclat autour de nous. Arès quoi, de jour en jour, le soleil montera, plongera de nouveau dans la nuit et en rejaillira par une flamboyance. Ainsi jusqu’au solstice d’été où, à son heure de midi, il plaquera, au centre exact de la basilique, un long trait fulgurant, un chemin de feu qu’on verra lentement, minute après minute, si l’on est patient, se hisser le long des travées et tourner encore autour du prodige de pierre jusqu’à l’incendier. Pp 21-22

D’un bond le soleil jaillit et, en oblique, frappe d’abord une flamme violente les piliers nord, puis, de sa pique, transperce le vaisseau sur toute la distance de l’allée triomphale et jusqu’aux extrémités du narthex. Quittons la demi-obscurité où nous sommes encore en nous-mêmes, glissons sous les grandes arches, des esprits célestes nous précèdent dans la basilique vide, où nous voici comme des voleurs. P 21

Nous pensions moins à la mort, et la mort semblait nous avoir oubliés, comme lorsqu'il arrive, le temps d'une seconde, un seul instant, que la douceur d'une aube procure l'illusion que le monde n'aura pas de fin et nous non plus.