Dolly, 7 ans, pas encore toutes ses dents. Sa jumelle est un cheval (de plastique) avec qui elle a des discussions infinies.
Son papa décide de l'emmener « à l'aventure », sans prévenir. Elle n'a même pas le temps de préparer elle-même son petit sac de voyage. Quelle excitation !
A 7 ans on dévore le monde des yeux, surtout quand on est une fillette très éveillée et qui a du vocabulaire. Sortir de l'État devient déjà une expérience folle. Traverser le pays transporte et transforme.
Mais que reste t-il de la gamine quand elle se retrouve tiraillée par les problèmes des adultes ? D'autant plus que Dolly est aussi bavarde et curieuse que son papa taciturne.
Là où vont les belles choses est autant un roman noir qu'une histoire d'apprentissage. Qui sort Dolly brutalement de l'enfance. Conté du haut de ses petites années de vie, le récit garde longtemps candeur et innocence, avant que la vérité ne se dévoile peu à peu. Avec cet humour, volontaire où non, ses mots d'enfants qui touchent et font sourire.
Très vite, Dolly n'est plus une gamine comme les autres, on s'y attache dès les premières pages, tant sa pureté et sa candeur frappent au coeur. Parce que le lecteur, même s'il ne sait pas vraiment comment se dérouleront les jours à venir, sait que ce road trip improvisé laissera des traces, et métamorphosera la chrysalide Dolly avant terme.
Le roman de
Michelle Sacks joue à merveille sur les cordes sensibles, rendant cette histoire poignante, sans tomber dans la surenchère, toujours au plus près des émotions.
La vie est faite de mensonges, Dolly le découvre par elle-même, davantage à travers ses pensées et ses dialogues avec sa poupée, qu'avec ce que veulent bien lui dire les rares adultes qu'elle croise. Son éternel optimisme en prendra un coup, mais Dolly a du caractère, c'est le moins que l'on puisse dire.
Le roman est touchant, sans jamais être larmoyant ni tomber dans le pathos. Les réflexions d'une fillette sur la vie sont bien sûr naïves mais pourtant souvent confondantes de justesse. A cet âge-là, on se pose beaucoup de questions, et on analyse les situations avec les petites clés qu'on possède.
Le livre parle de cette perte brutale d'innocence, mais aussi de la relation père / fille, fantasmée. C'est l'histoire d'un amour inconditionnel, qui tente de faire abstraction de la triste réalité. L'histoire aussi d'une entreprise vers l'inconnu et au-delà.
Ce récit, qui pourrait sentir le déjà-vu, est sublimé par la narration de l'écrivaine ; poésie à hauteur d'enfant. Raconter à travers les mots et les maux d'une gamine n'est pas chose si aisée. Chaque paragraphe est pourtant bourré de bons et beaux mots, qui rendent l'ambiance ambivalente.
La joie de Dolly contrebalance la réalité de la situation. Sa manière de jouer avec son vocabulaire est tout simplement émouvante et vraiment réjouissante. Il y a beaucoup de lumière dans cette histoire noire, énormément de tendresse malgré la dureté du sujet.
Michelle Sacks a fait le choix de raconter son histoire à hauteur d'enfant, pari audacieux mais joliment réussi.
Là où vont les belles choses est un récit sur la perte d'une certaine innocence et sur le déni, mais c'est aussi un beau portrait d'une relation filiale qui se brise malgré l'amour qui est bien là.
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