Geste parlé
Je t’aime. On n’entend rien
Parfois le mot aimer convient,
On le sait sans pouvoir se l’expliquer.
Il semble que cela emporte où c’est comme plus rien
Comme plus rien mais pourtant
Le plus solide contentement.
Ni désastre ni parousie, on ne saurait pas dire
Ni rien ni tout ni l’insignifiance,
On n’a que deux mots donnés tout entiers : je t’aime ;
Ou des formules qui sont
Des forces de ruine et d’enchantement
Qu’on s’imagine être des poèmes.
Dire « je t’aime » tout bêtement s’allonge.
Mais ça qui encombre fait aussi du bien.
Je t’aime dit tout le présent que voilà :
Juste un vers pour commencer un poème
Qui va d’un instant l’autre. S’il vraiment passe
(On voit mal comment)
Par le chas du temps ?
Le présent décousu, rien : je t’aime.
Geste parlé/Parole brouillée
PARFOIS
Parfois c’est bien toute une phrase de toi
Parfois même
Tout un poème (ou presque)
Le plus souvent quelques mots, un fragment de dire à peine pensé
Ou bien qui l’est trop, jusqu’où
C’est mal possible de vivre. C’est comme
Si quelque chose de plus vrai.
Je sais mal m’en saisir
Avec trop d’écriture arrangée
Qui s’applique à bien penser.
James SACRÉ – Surpris par la Poésie (France Culture, 2003)
L’émission « Surpris par la Poésie », par Frank Smith, enregistrée dans la Petite Salle du Centre Georges Pompidou, diffusée le 23 mai 2003 sur France Culture. Invités : François Boddaert et Bruno Di Rosa.