" Je connaissais peu de choses de l'amour : des rendez-vous, des baisers et des lassitudes "
Cet été-là, j’avais dix-sept ans et j’étais parfaitement heureuse. Les « autres » étaient mon père et Elsa, sa maîtresse. Il me faut tout de suite expliquer cette situation qui peut paraître fausse. Mon père avait quarante ans, il était veuf depuis quinze ; c’était un homme jeune, plein de vitalité, de possibilités, et, à ma sortie de pension, deux ans plus tôt, je n’avais pas pu ne pas comprendre qu’il vécût avec une femme. J’avais moins vite admis qu’il en changeât tous les six mois ! Mais bientôt sa séduction, cette vie nouvelle et facile, mes dispositions, m’y amenèrent. C’était un homme léger, habile en affaires, toujours curieux et vite lassé, et qui plaisait aux femmes. Je n’eus aucun mal à l’aimer, et tendrement, car il était bon, généreux, gai, et plein d’affection pour moi. Je n’imagine pas de meilleur ami ni de plus distrayant.
Je me rendais compte que l'insouciance est le seul sentiment qui puisse inspirer notre vie et ne pas disposer d'arguments pour se défendre.
« Vous avez de l'amour une vision un peu simpliste. Ce n'est pas une suite de sensations indépendantes les unes des autres. »
Quelque chose monte alors en moi que j’accueille par
son nom, les yeux fermés : Bonjour Tristesse.
" Sans aucun doute,à son âge, je paierai aussi des jeunes gens pour m'aimer parce que l'amour est la chose la plus douce et la plus vivante, la plus raisonnable. Et que le prix importe peu. Ce qui importait, c'était de ne pas devenir aigrie et jalouse, comme elle l'était d'Elsa et d'Anne."
La seule chose vivante et cruellement vivante de cette journée, c'était le visage d'Anne, ce dernier visage, marqué de douleur, ce visage trahi.
Son baiser s’ébranla, devint vite impétueux, habile, trop habile… Je comprenais que j’étais plus douée pour embrasser un garçon au soleil que pour faire une licence.
Je ne connaissais rien; il allait me montrer Paris, le luxe, la vie facile. Je crois bien que la plupart de mes plaisirs d'alors, je les dus à l'argent : le plaisir d'aller vite en voiture, d'avoir une robe neuve, d'acheter des disques, des livres, des fleurs. Je n'ai pas honte encore de ces plaisirs faciles, je ne puis d'ailleurs les appeler faciles que parce que j'ai entendu qu'ils l'étaient. Je regretterais, je renierais plus facilement mes chagrins ou mes crises mystiques. Le goût du plaisir, du bonheur représente le seul côté cohérent de mon caractère. p.27
L'insouciance est le seul sentiment qui puisse inspirer notre vie et ne pas disposer d'arguments pour se défendre.