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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
♫ Tu es la beauté qui s'ignore,
oubliée dans la nuit des temps,
♫ au fond de son île au trésor,
et qui attend le conquérant,
♫ qui te délivrera du sort,
où t'ont jetée les impuissants ♫. 

Imaginez un monde où la liberté, la création et le mélange de cultures n'existent plus. Liberté de croire ou de ne pas croire. Liberté de croire autrement. Liberté de la différence. Liberté d'aimer qui on veut, comme on veut, quand on veut...
Dans ce monde, on poursuit les pensées qui transgressent, les mots qui chantent, qui vibrent, qui touchent le coeur, qui effleurent les peaux, qui disent la poésie peau contre peau...
Nous sommes en France, dans un futur proche. Fanny Saintenoy nous convie avec force dans une dystopie épistolaire qui fait froid dans le dos, tout simplement par la force du possible.
Les clés du couloir est un court roman fulgurant qui se déroule derrière les murs, derrière les barbelés, dans une geôle qu'occupe une détenue, une certaine Petra Alfente. le mot huis-clos porte ici tout son sens. Venez, suivez-moi, je vous tends Les clés du couloir.
Comment grandir dans un monde devenu fou, en proie au totalitarisme ? Comment y naître désormais... ? Petra Alfente est enfermée ici parce qu'elle est coupable d'athéisme, pas seulement, disons que c'est un fait aggravant avec toutes les autres charges qui pèsent sur son dossier : poète, traductrice, mère célibataire, amoureuse de la chanson française, de la littérature, de la vie... Elle a connu le monde d'avant, d'autres n'ont pas ce privilège ou cette douleur...
Parfois elle sort dans une cour centrale pour effectuer quelques exercices physiques, voir le ciel, s'en aveugler. de l'autre côté des barbelés, il y a un autre bâtiment, une autre cour aussi, des hommes s'y promènent. Elle sait qu'ils sont homosexuels, qu'ont les a enfermés pour cela... Elle est captée par le regard de celui-là là-bas. Sait-elle qu'il s'appelle Omeg Sfaterzy ? Sait-elle qu'il est également médecin, juif, qu'en tant qu'homosexuel ils ont cassé son mariage ? Trois bonnes raisons d'expliquer peut-être son enfermement sous le régime qui régente désormais les existences et des destins...
Lorsqu'elle revient dans sa cellule, elle décide de lui écrire... C'est comme une démarche impossible. Tout le récit sera jalonné des missives qu'elle lui écrit, à cet homme qu'elle ne connaît. Écrire à cet homme la fait tenir debout, espérer. Mais il y a quelque chose de tout aussi fort qui la fait tenir debout, c'est chanter... Oui chanter, comme vous et moi, sous la douche peut-être, bien qu'on puisse faire plein d'autres choses aussi sous la douche...
Mais comment lui transmettre ses lettres ? Comment contourner Soeur Constance, cette jeune novice totalement inféodée au régime totalitaire religieux qui a fait table rase de toute différence, toute dissension, pour poser un monde froid à la pensée désormais unique.
Ou bien, comment ne pas la contourner justement...
Petra est là, chante, murmure plutôt entre ses dents pour ne pas se faire repérer des chansons que nous autres connaissons, des chansons peut-être inconnues par les moins de vingt ans... Ferré, Brel, Barbara, Higelin, tout un monde d'avant que le régime totalitaire d'aujourd'hui a interdit de diffuser sur les ondes, sur les réseaux sociaux, sur Internet tout simplement désormais contrôlé par la seule voie légitime. Alors elle chante...

♫ L'autre qu'on adorait,
qu'on cherchait sous la pluie,
♫ l'autre qu'on devinait au détour d'un regard,
entre les mots ♫,
entre les lignes et sous le fard,
d'un serment maquillé qui s'en va finir sa nuit ♫... 

Mais soeur Constance à l'ouïe fine...
Et que pensez-vous qu'il va se passer ? Soeur Constance entendant ces mots d'un autre temps, s'échappant comme des battements d'ailes, des battements de coeur, comme une transgression à l'ordre établi, aurait répondre par une ratonnade. Mais sa seule réponse est un souffle couplé, une respiration affolée, plus qu'un trouble, c'est un choc...
Le reste c'est un chemin de transgression, ce sont des lettres comme un pont franchissant les barbelés...

♫ Ton style c'est ton cul,
c'est mon sang à ta plaie ; ♫
c'est ton feu à mes clopes,
c'est l'amour à genoux et qui n'en finit plus... ♫

Moi non plus je n'en finis plus d'attendre, attendre comme Petra... Alors, devinant le trouble de soeur Constance qui fond comme neige au soleil entendant des ritournelles comme surgi d'un juke-box imaginaire et facétieux, Petra a une idée géniale pour passer les lettres à son destinataire vers l'autre versant, de l'autre côté des barbelés...
Fanny Saintenoy nous décrit un futur pas si lointain, hélas...

♫ Froissant quelques billets du bout de ses doigts nus,
quelques billets froissés pour un passé perdu... ♫

Derrière la tension qui monte au fil d'un récit entrelacé de ces belles missives, il y a une joie qui irrigue ce texte, certes une joie parfois naïve, la plus belle des transgressions n'est-elle pas de vriller le coeur de ceux dont on pense qu'ils n'en ont pas ?
Ce récit ne sera pas pour moi un coup de coeur, mais il fut une belle parenthèse faisant une nique provisoire au pessimisme qui nous attend, nous aborde déjà... En attendant des lendemains qui vont clairement déchanter sans tarder, nous pouvons continuer de chanter avec le même enthousiasme que l'orchestre du Titanic ces beaux refrains qui ne sont pas si loin de nous...

♫  Quand on n'a que l'amour,
à offrir en prière,
pour les maux de la terre,
en simple troubadour... ♫

[Sélection Prix CEZAM 2024]
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N°1818 – Janvier 2024.

Les clés du couloirFanny Saintenoy – Arléa.

Petra, traductrice hispanophone et poète, mère célibataire, amoureuse de la chanson française, de la littérature, de la vie, est incarcérée en France pour athéisme ce qui est considéré comme un vice, une folie, une révolte. Elle choisit de correspondre avec un homme qu'elle aperçoit depuis sa geôle, Omeg, un homosexuel juif, prisonnier lui aussi dans un autre pénitencier, considéré comme un dégénéré à cause de son orientation sexuelle et de sa religion. Elle fait transiter ses lettres par l'intermédiaire de Constance, une jeune novice, gardienne de sa cellule que cette relation avec Petra et à travers les mots perturbe durablement au point de se remettre en cause, de bousculer les règles de sa fonction et de son ordre, de douter de son engagement personnel et religieux. Elle prend conscience quelle devient détentrice d'un pouvoir, celui des mots, celui aussi de peser sur cette relation qui la dépasse. Elle rencontre la méfiance de sa hiérarchie et l'étonnant silence de Dieu.
Le roman est en principe une fiction, c'est à dire une histoire qui doit tout à l'imagination de son auteur. Nous sommes en France, c'est à dire dans un pays heureusement laïc, à l'abri d'une religion d'État, où les cultes sont libres, où on peut croire ou ne pas croire à une divinité. Ce ne fut pas toujours le cas au cours de notre histoire et les appétits des religieux pour le pouvoir temporel, le rétablissement d'un ordre morale dans une société jugée dépravée et la mise en place de mesures coercitives, restent entiers. Cela se manifeste partout dans le monde et c'est bien souvent la source de conflits meurtriers, au nom notamment du prosélytisme, de l'oubli des principes fondateurs remplacés par des dogmes de circonstance alors qu'en principe les religions portent en elles un message de tolérance et d'amour. Actuellement le catholicisme est en régression eu égard aux exactions enfin révélées de son clergé mais le principe judéo-chrétien de culpabilité reste vivace et entretient un terrain favorable au retour à un ordre moral et au manichéisme.
Soyons justes la tentation d'un petit nombre de peser sur une collectivité et de lui imposer ses vues ne se limite pas aux religions et vaut évidemment pour le pouvoir politique sous toutes ses formes. Il applique d'ailleurs les mêmes règles et plus ou moins les mêmes valeurs avec les mêmes actions coercitives de harcèlement, d'atteintes aux libertés, de répétition continuelle des mêmes choses souvent fausses, de séances de rééducation au nom et au service d'une idéologie totalitaire, c'est à dire de la domination de quelques-uns sur leurs semblables, la soif de pouvoir. Il tend à l'uniformité, un peu comme si l'individualisme, l'originalité étaient destinés à être constamment la victime de la pensée unique et que l'instinct grégaire devait prévaloir. Nous vivons une époque actuelle où les tentations sont grandes de recourir à la manipulation, la violence, la guerre pour obtenir l'anéantissement d‘une société et son remplacement par une autre. La tentation est toujours grande de marcher hypocritement dans ce jeu ridicule, de faire semblant.
Ce roman épistolaire à trois personnages consacre la force des mots. Je l''ai apprécié parce qu'il est bien écrit et d'une lecture facile mais également parce qu'il est le prétexte à une réflexion sur les choses de notre vie, de nos habitudes, de nos convictions souvent solides, une prise de conscience de réalités bien actuelles dans une période où le monde s'enflamme, où les hommes ont une furieuse envie d'en découdre dans une irrationnelle volonté d'autodestruction.

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Petra est en France, enfin, peut-être. Suite à une période de grande violence, la religion, l'ordre religieux a pris le pouvoir dans tous les pays du monde. Mais Petra est athée, éprise de liberté, d'indépendance. Et c'est pour cela qu'elle a été internée, pour être rééduquée dans la foi. Elle réussit cependant à trouver une monnaie d'échange surepnante avec sa gardienne et entame une correspondance avec un homme enfermé dans le bloc voisin.
Il y a de la "Servante écarlate" dans ce roman. La forme épistolaire déjà, qui s'apparente à un journal intime. La gouvernance du pays, où tout tourne autour de Dieu, de la religion. Dans la personnalité de Petra, femme libre qui ne plie pas
Mais ici tout est plus concentré. L'apport de la gardienne est important aussi. C'est un petit roman, rapide à lire, qui vous happe rapidement avec ses courts chapitres. J'avais râté ce livre à sa sortie, et je suis ravie d'avoir eu l'occasion de me rattraper.
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Imaginez un monde où l'on peut être emprisonné pour athéisme. Imaginez un monde où l'on est incarné parce qu'homosexuel. Imaginez un monde où une seule façon de penser règne. Une société dénuée d'humanité.
Imaginez cependant une prison où une femme, jadis traductrice es littérature, célibataire qui plus est, écrit des lettres à destination d'un autre prisonnier inconnu. Transitant par une jeune novice, ces mots infusent en secret. Telle une bombe à retardement, ils inoculent dans l'esprit de la geôlière des germes d'émotions et de beauté. Tel un baume pour son autrice et son destinataire, les lettres tiennent à la fois de la survie, du souvenir des temps anciens mais aussi d'un fol espoir que la culture puisse sauver le monde.
Ce roman épistolaire dystopique démontre avec force et grâce mêlés l'avancée d'un pouvoir conservateur, mais aussi le pouvoir subversif du verbe. La finesse du style avance en contrepoint de la noirceur du propos, tout en affirmant les convictions de l'autrice. Sensible par sa forme, ce livre est aussi en creux un appel à sortir de notre léthargie collective. Une sorte d'invitation à la vigilance.
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Dans un monde où la liberté, la création et le mélange des cultures n'existent plus, on ne sait où ni quand, Petra est emprisonnée pour athéisme. le régime prône une monoculture religieuse et catholique, où les émotions,la pensée par soi-même n'existent plus. Elle est confinée dans une cellule, dans un lieu qui pourrait ressembler à un centre de rééducation, où les contacts avec l'extérieur sont bannis. Elle se refuse à renier tout ce qu'elle fut, son ancienne vie, ses enfants, son compagnon et l'écriture dont elle avait fait son métier, traduisant des oeuvres, composant des poèmes. Et c'est pourtant le pouvoir des mots qui va la faire tenir.
Un homme, détenu lui aussi, repéré lors de la promenade quotidienne, devient le destinataire inconnu des lettres qu'elle écrit en cachette, avec la complicité d'une jeune novice, Constance, dévolue à sa surveillance. Peu à peu, elle créera avec elle un lien fort et inattendu, en lui murmurant des paroles de chansons. Constance va-t-elle servir de messagère et si oui, au bout de quel combat intérieur ?
Entre lettres et prières, terreurs et éclaircies, le cheminement de ces deux femmes que tout oppose les conduira vers une libération et l'espoir retrouvé.
C'est très bien écrit avec beaucoup de poésies... D'ailleurs,ce n'est pas pour rien que Constance lit les lettres de Petra à Omeg,son correspondant, prisonnier.
Les mots,la poésie,la liberté d'esprit sont plus importants qu'une liberté subie et le reste est dans le combat. Chacun de ces trois personnages le démontrent à leur façon.
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Dans une société devenue mono-culture, Petra est enfermée dans une prison religieuse dont seule soeur Constance possède les clés. Petra décide d'écrire des lettres à l'homme qu'elle voit en face, lorsqu'elle sort dans la cour, et Constance lui sert d'intermédiaire.

J'ai beaucoup aimé la forme du roman épistolaire. L'écriture est très poétique et fait la part belle à la musique française.
L'autrice laisse la place à l'imagination du lecteur quant à cette société intolérante aux contours assez flous. Une très chouette lecture.

Cela m'a fait penser à La servante écarlate de Margaret Atwood, l'autrice la cité d'ailleurs au début du roman.
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Dans une dystopie où la religion catholique est la seule possible, où les seuls choix de consécration religieuse ou mariage chrétien sont admis, Petra, la cinquantaine, purge son athéisme dans une prison surveillée par des religieuses.

Ce qui la fait survivre mentalement, ce sont les danses et les chansons interdites qu'elle esquisse et murmure imperceptiblement devant Constance, sa jeune geôlière. Constance est novice et ne peut s'empêcher de prêter l'oreille à ces chants si nouveaux pour elle, jusqu'à en rougir et à y penser toute la sainte journée (et surtout la nuit...). Constance accepte aussi de se saisir des lettres que Pétra écrit, chaque jour, à un détenu entraperçu, relégué, lui, dans le quartier des juifs homosexuels, ayant à la fois refusé d'abjurer sa religion et d'épouser une chrétienne.

Dans un système concentrationnaire essentiellement basé sur la contrainte psychologique, comment survivre ? Où peut encore se nicher la confiance, l'humanisme, la liberté d'esprit ? Fanny Saintenoy répond à ces questions par une petite musique discrète et lancinante qui vaut le détour !
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